La Suisse opte de justesse pour le passeport biométrique
C'est un des scrutins les plus serrés de l'histoire suisse. Par 5504 voix d'écart (pour 1,9 million de votants), le peuple a dit oui dimanche à un nouveau passeport à puce. Il a aussi accepté, mais bien plus nettement, la reconnaissance des médecines complémentaires.
Ministre de Justice et Police, Eveline Widmer-Schlumpf s’est montrée soulagée après la longue valse hésitation qui a précédé l’acceptation du passeport biométrique. Elle a promis que la carte d’identité ne deviendrait pas biométrique pour l’heure.
Le nouveau passeport, qui sera prêt d’ici mars prochain, sera plus sûr et permettra de voyager plus facilement, en particulier aux Etats-Unis, a répété Eveline Widmer-Schlumpf devant la presse. La ministre a promis qu’elle mettrait tout en oeuvre pour assurer la protection des données.
De son côté, l’Union européenne (UE), par la voix de son ambassadeur à Berne Michael Reiterer, a salué ce oui du corps électoral , dans lequel il voir une «validation de la voie embrassée» par la Suisse.
A Bruxelles, la discussion sur le passeport biométrique a toujours été considérée comme un débat interne à la Suisse, souligne en outre l’ambassadeur. Les arguments avancés contre le nouveau document de voyage n’avaient que peu à voir avec l’UE.
Pour une poignée de voix
Reste que l’on aura rarement vu un score aussi serré. Tout s’est joué à 5504 voix.
Le suspense est resté entier tout au long de la publication des résultats. Dans le canton de Glaris, seules cinq voix ont fait pencher la balance. Les plus forts taux de refus sont venus du Jura (56%), de Schaffhouse (55,5%) et du canton de Vaud (54,5%). A l’inverse, Lucerne a été le champion du oui, avec 57,6%.
En Suisse romande aussi, tout s’est joué dans un mouchoir de poche. A Genève (52,9%) et plus encore à Neuchâtel (50,8%), le non l’emporte de justesse. En revanche, c’est un oui qui est sorti des urnes en Valais (51,4%) et à Fribourg (53,1%).
Pas de quoi pavoiser
Avec ce tout petit oui, les partisans du passeport biométrique ne pavoisent pas. Faisant chorus avec le patronat, les partis bourgeois se réjouissent de voir garantie «la liberté de voyager indispensable à l’économie».
Ils saluent aussi un renforcement de la sécurité, et assurent prendre les craintes de la population au sérieux, en particulier sur la carte d’identité, dont ils admettent qu’elle ne doit pas contenir d’éléments biométriques.
A ce sujet, une initiative parlementaire est d’ores et déjà prête dans les rangs des Verts. Elle demandera de garantir le droit à un document d’identité sans données biométriques. Et les citoyens devront aussi pouvoir demander que leurs empreintes digitales ne soient pas conservées dans le registre centralisé créé à cet effet.
Ce fichier reste au cœur des inquiétudes du comité référendaire. A l’unisson, l’UDC (Union démocratique du centre, droite conservatrice), les socialistes et les Verts demandent au gouvernement d’améliorer la protection des données et le cryptage des informations personnelles
De son côté, le comité des jeunes interpartis va discuter pour savoir s’il va demander un nouveau décompte des. Pour lui comme pour les Juristes démocrates, ce résultat «le plus serré possible», montre le prix que la population attache à la protection des données.
Un vrai plébiscite
La partie a été bien plus tranquille pour les partisans des médecines complémentaires. L’article constitutionnel élaboré par le Parlement comme contre-projet à une initiative populaire retirée depuis a séduit 1,28 million de personnes, alors que près de 632’000 autres l’ont refusé.
Les Vaudois ont été les champions du oui, avec 78,4%, devant les Genevois (77,9%) et les Jurassiens (77,1%). L’engouement pour les traitements complémentaires a été plus marqué en Suisse romande. Le soutien a encore atteint 73,6% en Valais, 73,2% à Neuchâtel et 72,5% à Fribourg
La plupart des cantons alémaniques et le Tessin ont affiché des taux d’acceptation entre 60 et 70%. Le oui le plus timide a été enregistré à Schaffhouse, avec tout de même 56,9%.
Pas automatique
Pascal Couchepin, ministre de l’Intérieur (également en charge du domaine de la Santé) a reconnu la nette victoire du camp des partisans des médecines complémentaires. Mais il s’est bien gardé de s’avancer sur le sort réservé aux thérapies alternatives.
Aussi massif soit-il, le vote de ce dimanche ne signifie en effet pas que l’homéopathie, la phytothérapie, la médecine anthroposophique, la médecine chinoise et la thérapie neurale vont être automatiquement réintroduites dans le catalogue des soins remboursés par l’assurance maladie obligatoire.
«Mon souci principal est de ne pas accélérer l’explosion des coûts de la santé» en introduisant de nouvelles prestations dans le catalogue de base, a relevé Pascal Couchepin. Le remboursement de traitements par les caisses maladie reste lié aux critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité. La balle est donc dans le camp du Parlement et des experts.
Marc-André Miserez, swissinfo.ch et les agences
Passeports biométriques
50,1% des votants ont accepté l’introduction de données biométriques enregistrées électroniquement dans le passeport suisse.
Médecine complémentaire
67% des votants ont accepté l’introduction d’un article constitutionnel consacré à la prise en compte des médecines complémentaires.
Le taux de participation global a atteint 38,3%.
En 2004, la Suisse a signé les accords Schengen/Dublin, décision que le peuple a entérinée en 2005. Elle s’assure ainsi une coopération avec l’Union européenne (UE) en matière de sécurité, de visas et d’asile.
L’assouplissement des contrôles aux frontières en a été jusqu’ici l’effet le plus visible. Les voyageurs en provenance d’Etats tiers qui visitent plusieurs pays membres de Schengen n’ont quant à eux plus besoin que d’un seul visa.
La législation européenne évolue sans arrêt. La Suisse doit donc à chaque fois adapter son droit si elle souhaite continuer de participer à cet espace commun. L’adoption de passeports conformes aux règles européennes en est un exemple.
D’autres modifications sont prévues, qui toucheront la législation helvétique. Notamment pour simplifier l’échange d’informations entre la Suisse et les autorités de poursuite pénale des Etats Schengen ou pour durcir la loi sur les armes.
La loi sur les étrangers devrait aussi être modifiée. Dans l’UE en effet, les immigrés illégaux ne peuvent être détenus que 18 mois avant leur refoulement, contre 24 en Suisse.
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