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La Suisse reste dans le collimateur de Paris

Le compte en Suisse de l'ex-ministre du Budget français Jérôme Cahuzac n'a pas fini de faire des vagues. AFP

Alors que le Parlement français se penche sur une nouvelle loi contre la fraude fiscale, le président François Hollande presse pour une liste actualisée des paradis fiscaux. Pour l’instant, les regards se tournent surtout vers l’Autriche. Mais la Suisse reste dans le viseur.

Après l’affaire Cahuzac, cet ex-ministre français du Budget qui a reconnu détenir un compte en Suisse non déclaré, la pression monte en France contre la Suisse et les paradis fiscaux.

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«La lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux doit être implacable», a prévenu le nouveau ministre français du Budget Bernard Cazeneuve.

Pour l’heure, c’est Vienne qui est dans le viseur des autorités françaises. L’Autriche, seul État de l’Union européenne qui rejette encore la nouvelle «doctrine» en vogue en matière de coopération fiscale: l’échange automatique d’informations.

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«Il n’est pas normal que des pays comme l’Autriche par exemple ne communiquent pas les informations dont ils disposent concernant les ressortissants de l’UE ayant des comptes chez eux», estime Bernard Cazeneuve, qui n’exclut pas de placer Vienne sur la liste noire des pays non coopératifs en matière fiscale.

Paris souhaite rallier Vienne, pour s’attaquer enfin au vrai «problème»: la Suisse. «Après les élections autrichiennes de l’automne prochain, Vienne adoptera l’échange automatique», espère le député socialiste Yann Galut, spécialiste des questions fiscales à l’Assemblée nationale.

L’Europe pourra alors créer une législation sur le modèle du Foreign Account Compliance Act (Fatca) américain, loi qui permet d’obtenir toutes les informations sur tous les comptes bancaires, les placements et revenus à l’étranger de tous les contribuables américains. Et faire pression sur la Suisse pour qu’elle en accepte le principe.

Août 2009: Le ministre français du Budget, Eric Woerth, sort une liste de 3000 «évadés fiscaux» et leur demande de se dénoncer au fisc. On apprendra plus tard que la liste provient d’un vol à la succursale genevoise de la banque HSBC.

 

Janvier 2010: Entrée en vigueur de la nouvelle convention franco-suisse de double imposition. Elle prévoit l’échange d’informations fiscales à la demande.

Mars 2012: Les deux principaux candidats à la présidentielle française, Nicolas Sarkozy et François Hollande, proposent de taxer les riches Français installés en Suisse. Une mesure qui nécessiterait une nouvelle révision de la convention franco-suisse.

Août 2012: La nouvelle convention sur les successions est paraphée par les deux Etats. Les héritiers résidant en France de personnes domiciliées en Suisse seraient désormais taxés par le fisc français. Le texte suscite de fortes oppositions en Suisse, notamment à droite.

Décembre 2012: Paris supprime la «tolérance» qui permettait aux personnes imposées en Suisse au forfait de bénéficier de la convention de double imposition.

Mars 2013 : L’ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac avoue avoir détenu un compte en Suisse non déclaré.

«L’OCDE retourne sa veste»

Pour l’heure, Berne se défend en répétant à qui veut l’entendre que le standard de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) demeure l’échange d’informations à la demande – et non automatique. Pour combien de temps encore? «L’OCDE a retourné sa veste en juin 2012, dans un rapport qui soulignait les mérites de l’échange automatique d’informations fiscales», note Christian Chavagneux, rédacteur en chef de la revue L’Économie politique.

Et même si l’échange à la demande reste la règle quelques mois encore, la position de la Suisse est très fragile. Son examen par le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales de l’OCDE s’est révélé douloureux. La Confédération stagne en phase 1 – l’examen par les pairs de sa législation – alors même que des pays comme le Liechtenstein ou le Luxembourg sont déjà passés en phase 2, consacrée à la «pratique».

C’est d’autant plus problématique que le Forum doit rendre compte avant la fin du mois de ses activités au G20. «Le rapport vient d’être transmis», confirme Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE. Et rien de neuf côté suisse, regrette Pascal Saint-Amans.

Ce n’est qu’un rapport provisoire, mais «il pourrait donner des arguments à ceux qui envisagent de placer la Suisse sur une liste noire des paradis fiscaux non coopératifs», remarque Christian Chavagneux.

Le Forum mondial reproche à Berne d’informer les contribuables visés par une demande d’informations fiscales adressée par un pays étranger. Et demande à la Suisse de signer au moins 60 conventions bilatérales répondant aux critères de l’OCDE.

Agacement français

Le bilan pratique de la coopération fiscale n’est guère plus brillant, selon Paris. Depuis que l’échange d’informations à la demande a été institué en 2010, la Suisse n’a répondu qu’à une partie des requêtes adressées par la France, et les réponses sont souvent «de mauvaise qualité», constate Christian Chavagneux. D’où un fort agacement côté français.

Les récentes déclarations de François Hollande visent assez clairement la Suisse. «La liste des paradis fiscaux fixée chaque année par le gouvernement sera revue, non plus seulement en fonction de la signature de conventions d’échanges d’informations avec d’autres pays, mais aussi en s’attachant à une évaluation de la réalité de leur mise en œuvre», menace le président français.

Après l’affaire Cahuzac, la tolérance à l’égard de l’évasion fiscale n’est plus de mise dans l’Hexagone. Un projet de loi sur la fraude fiscale sera présenté le 24 avril. Le député Yann Galut souhaite durcir encore ce texte, en créant notamment un délit de fraude fiscale en bande organisée. Et en autorisant l’utilisation par le fisc et la justice des données volées.

«La Suisse est un paradis fiscal qui a une législation très protectrice à l’égard des délinquants fiscaux français», souligne Yann Galut, qui reconnaît toutefois les «progrès» réalisés ces dernières années sous la pression internationale. La Suisse n’échappera pas à une révision de la convention bilatérale de double imposition, estime le député.

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