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La Suisse retrouve la présidence de l’OSCE

L'OSCE s'implique dans l'observation des élections Keystone

Pour la deuxième fois, la Suisse prend la présidence de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. L’occasion pour Berne de renforcer son rôle de médiateur international, malgré la diminution du pouvoir d'attraction de l'OSCE.

La tâche n’est pas nouvelle pour la Suisse, elle qui a dirigé l’organisation basée à Vienne, il y a près de 20 ans. Hier comme aujourd’hui, les défis auxquels l’OSCE est confrontée sont énormes: les tensions en Europe orientale et dans la région du Caucase, les réformes institutionnelles nécessaires, les différends entre les Etats-Unis et la Russie – deux membres de l’OSCE – sur le désarmement. Sans parler des troubles qui agitent une Ukraine écartelée entre son désir d’Europe et ses liens avec la Russie.

Selon certains experts, il s’agit néanmoins d’une belle opportunité pour la Suisse, un pays en difficulté dans ses relations avec l’Union européenne.

Lors de la conférence ministérielle de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui se tient à Kiev jeudi et vendredi, Didier Burkhalter a lancé un appel aux autorités ukrainiennes:

«Tous les gouvernements doivent protéger les droits humains de leurs citoyens, notamment celui de manifester pacifiquement», a rappelé le ministre suisse des Affaires étrangères

Faisant référence au récent refus du gouvernement ukrainien de signer un accord d’association avec l’Union européenne, le prochain président de la Confédération a affirmé que «ni l’Ukraine ni aucun autre pays ne doit être obligé de choisir entre l’Est et l’Ouest.  L’OSCE constitue la meilleure assurance que nous avons contre toute nouvelle division entre Est et Ouest.»

La Suisse, qui prendra l’an prochain la présidence de l’Organisation, entend profiter de cette occasion pour « construire des ponts » à la fois dans les conflits locaux et entre « les régions eurasiatiques et euro-atlantiques.« 

À cette occasion, ses priorités seront de:

1. Contribuer à la résolution de conflits, notamment dans l’ouest des  Balkans et le Caucase du Sud.

2. Améliorer la prévention et la gestion des catastrophes naturelles et le respect par les Etats membres de leurs engagements en matière de droits humains.

3. Renforcer la capacité d’action de l’OSCE pour lui permettre de réagir plus efficacement aux crises, notamment par la médiation. Le tout en impliquant davantage la société civile et la jeunesse.

 

Source ATS

«Cette présidence devrait permettre de rehausser le profil de la Suisse pour son rôle de négociateur et de médiateur », explique Christian Nünlist du Centre d’études de sécurité à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ).

Collaboration avec la Serbie

La Suisse n’avait pas l’intention de prendre cette présidence, selon les responsables du ministère des Affaires étrangères. Mais elle y a été fortement encouragée par les autres Etats membres pour succéder à l’Ukraine à la tête de l’OSCE.

La Suisse a alors proposé une co-présidence de deux ans avec la Serbie qui était le principal concurrent pour la présidence tournante en 2014. Ce partenariat est une nouveauté dans l’histoire de l’organisation.

«La Suisse prend un risque calculé. Cette formule donnera à l’organisation une plus grande continuité», explique Thomas Greminger, ambassadeur de Suisse auprès de l’OSCE.

Ministre suisse des Affaires étrangères, Didier Burkhalter dirigera formellement l’OSCE à compter du 1er janvier 2014. Son homologue serbe lui succèdera en 2015. Coïncidence, Didier Burkhalter occupera également la présidence tournante de la Confédération l’an prochain, un rôle qui lui permettra de tenir des pourparlers bilatéraux avec les autres chefs d’État, en conformité avec le protocole diplomatique.

Christian Nünlist estime que la Suisse pourrait utiliser sa présidence pour améliorer ses relations avec la Serbie, qui se sont refroidies depuis 2007, après que la Suisse est devenue l’un des premiers pays à reconnaître la République serbe sécessionniste du Kosovo comme Etat indépendant.

Et le chercheur d’ajouter: «Cette présidence devrait renforcer le rôle de la Suisse comme médiateur impartial en Europe orientale.»

swissinfo.ch

Médiation

La période à la tête de l’OSCE permettra à une nouvelle génération de diplomates suisses de se frotter à une scène internationale, alors que Berne prépare une future candidature à un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies, selon les experts.

Pour sa part, l’OSCE, qui célèbre son 40e anniversaire en 2015, est susceptible de bénéficier de la présidence suisse en raison des bonnes relations entre Berne et Moscou. En tant que pays neutre, la Suisse est restée en dehors des alliances politiques et de défense.

L’organisation peut également espérer que la présidence suisse facilite le renouveau des politiques de compromis: des accords qui profitent à toutes les parties concernées. Ce qu’a bien réussi l’OSCE à ses débuts. Didier Burkhalter a d’ailleurs souligné le rôle traditionnel de la Suisse comme «bâtisseur de ponts.»

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a son siège à Vienne.

Elle a été créée en 1975 sous le nom de Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) et reconnue en tant qu’accord régional au sens du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies en 1992.

Renommée OSCE en 1994, elle est un instrument de diplomatie préventive, de prévention des conflits, de gestion des crises, de reconstruction et de consolidation des structures démocratiques de la société après un conflit.

Dans le domaine politico-militaire, elle s’efforce d’apaiser les tensions, de renforcer les liens de confiance mutuelle et de favoriser le contrôle des armements dans son espace.

Elle compte 57 Etats participants, dont la Suisse depuis 1975.

Source: DFAE

Balkans et Caucase

Heidi Grau, chef de l’unité OSCE au ministère des Affaires étrangères, précise que les priorités de la Suisse comprennent la réconciliation dans les Balkans et dans le sud du Caucase, le renforcement de la sécurité humaine et des droits humains et de la coopération régionale et les bons offices pour favoriser ces objectifs.

«Nous ne voulons pas que ce soit un feu de paille» assure la diplomate, en précisant que la Suisse est à la recherche de solutions durables.

Dans le même temps, Heidi Grau souligne la structure complexe de l’OSCE: «Le leadership est important, mais il ne suffit pas dans une organisation dont les politiques sont fondées sur des décisions consensuelles.»

Comme la diplomate le souligne, la Suisse a évidemment un intérêt vital à la stabilité et la sécurité de l’Europe. La présidence suisse est susceptible de renforcer les liens bilatéraux avec de nombreux pays de l’OSCE, qui comprend 4 des 5 membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, ainsi que huit des plus importantes économies membres du G20.

Cependant, elle rejette un lien direct entre la présidence de l’OSCE et la candidature suisse comme membre non-permanent du Conseil de sécurité de l’ONU en 2023/24.

Impact en Suisse

Au niveau national, l’engagement de la Suisse à l’OSCE n’a pas soulevé d’opposition politique. Berne a prévu une enveloppe de 16 millions de francs suisses, notemment pour l’organisation du Conseil ministériel de l’OSCE qui se tiendra à Bâle en décembre 2014.

Andreas Aebi, parlementaire UDC (droite nationaliste) reconnaît que la crise qu’a traversée l’OSCE ces dernières années a pu nuire à son image, tout en soulignant son rôle bénéfique comme observateur des élections et promoteur de la démocratie.

Reste que l’UDC est fermement opposée à l’idée que la présidence de l’OSCE soit un camp d’entraînement pour que la Suisse joue un plus grand rôle à l’ONU.

Quoi qu’il en soit, la Suisse a laissé de bons souvenirs lors de sa présidence de l’OSCE en 1996, quand elle a dirigé les efforts pour mettre en œuvre l’accord de paix qui a mis fin à la guerre en Bosnie – Herzégovine.

Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand

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