La Suisse se mobilise contre la faim dans le monde
La Suisse entend ne pas relâcher son action pour améliorer la sécurité agricole dans le monde. C’était le thème de la conférence annuelle de l’aide au développement suisse organisée vendredi à Bâle.
«Une tâche herculéenne»: c’est ainsi que la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, cheffe du Département fédéral des Affaires étrangères, a décrit la lutte contre la faim dans le monde et la nécessité de produire davantage pour les 9 à 10 milliards d’être humains qui peupleront la planète vers 2050.
«La faim n’a pas diminué dans le monde, au contraire», a-t-elle déclaré devant les médias juste avant l’ouverture de la Conférence annuelle de la Coopération au développement, consacrée aux «voies d’accès à un système alimentaire mondial durable» et qui a réuni quelque 2100 participants à Bâle.
De nombreuses raisons font qu’aujourd’hui, plus d’un milliard de personnes souffrent de faim et de malnutrition. Les changements climatiques, les conflits armés, la perte de surfaces agricoles et la spéculation sur les prix des matières premières en sont quelques unes, a énuméré Micheline Calmy-Rey.
Avec la France et la Finlande
«Nous sommes encore très éloignés de la sécurité alimentaire», a-t-elle ajouté. Mais la Suisse fait partie des pays qui investissent le plus dans ce domaine, avec la France et la Finlande.
Selon Martin Dahinden, directeur de la Direction du développement et de la coopération (DDC), la Suisse est en effet l’un des rares pays à ne pas avoir diminué son aide à l’agriculture des pays du Sud ces dernières années. Elle y contribue à hauteur de 200 millions de francs environ chaque année.
Ce montant représente 1% du total de l’aide au développement agricole des pays du Sud, a précisé Martin Dahinden. «Elle ne peut donc fonctionner que dans un cadre multilatéral».
Le montant global de l’aide au développement attribué par la Suisse est de 1,2 à 1,3 milliard de francs, a précisé Jean-Daniel Gerber, directeur du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) qui assure un quart de l’aide, le reste étant du ressort de la DDC.
Une pomme de terre résisante
«Concrètement, la Suisse s’engage sur plusieurs volets, a indiqué le directeur. Il s’agit non seulement d’augmenter la productivité grâce à des méthodes et infrastructures modernes, mais aussi de faire progresser la création de valeur en soutenant le commerce, par l’accès au crédit et de meilleures possibilités d’entreposage par exemple, y compris privées.»
La Suisse estime avoir déjà aidé des centaines de milliers de petits paysans de par le monde. Un exemple: «Nous avons permis la culture d’une pomme de terre plus résistante en Mongolie. Les revenus ont progressé de 30%.»
«Mais ces familles sont à nouveau menacées, a ajouté Martin Dahinden. Le manque d’eau potable et les changements climatiques ont à nouveau péjoré leur situation.»
«Contradiction partielle»
Suivant les plans d’actions internationaux, la Suisse s’engage pour une agriculture multifonctionnelle et un système alimentaire mondial durable. Selon Jean-Daniel Gerber, les normes de durabilité volontaires augmentent les chances des producteurs de trouver un marché pour vendre leurs produits.
Le secrétaire d’Etat admet en outre une «contradiction partielle»: le soutien agricole aux pays en développement s’oppose ainsi au fait que la Suisse est, dans le domaine agricole, un des pays les plus protectionnistes au monde.» «Nous serons appelés à faire des concessions dans le domaine agricole», a-t-il avancé.
Mais la Suisse est aussi une importante exportatrice de produits agricoles. De plus, elle est la championne du monde de la consommation de produits équitables par habitant (35 francs par personne en moyenne).
Le commerce agricole équitable «représente toutefois moins de 0,1% des échanges commerciaux physiques de produits agricoles dans le monde: il ne peut servir de standard», écrit le Seco dans un tiré à part de la revue «La Vie économique».
Notes d’espoir
Une des notes d’espoir de la Conférence est venue de Ousseini Salifou, commissaire en charge de l’agriculture, de l’environnement et des ressources en eau de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). «Douze pays sur les quinze qui forment la Communauté se sont dotés de plans d’actions détaillés», a-t-il expliqué.
Le but de ce «cadre fédérateur pour toutes les initiatives en matière agricole» est de réduire la dépendance aux marchés mondiaux. «L’agriculture occupe 65% des actifs, mais la pauvreté touche plus de 30% de nos populations», a affirmé le commissaire, originaire du Niger.
«L’espoir est permis, a insisté Ousseini Salifou, car seuls 10% des terres irrigables sont aujourd’hui mises en valeur. «Nous avons d’énormes marges de productivité non encore exploitées.» Ousseini Salifou a appelé la Suisse à soutenir cette initiative et à signer le Pacte sur le financement de la politique agricole régionale de l’Afrique de l’Ouest adopté en novembre 2009.
Ariane Gigon, swissinfo.ch, Bâle
Plus d’un milliard de personnes souffrent de la faim dans le monde, soit 1 être humain sur 6.
80% des personnes sous-alimentées sont des petits paysans, des travailleurs ruraux, des éleveurs et des pêcheurs. 20% sont des citadins.
Le premier des Objectifs du Millénaire pour le développement est la réduction du nombre de personnes sous-alimentées de moitié d’ici 2015. Il ne sera probablement pas atteint partout.
L’aide à l’agriculture a pourtant subi un brusque recul dans le total de l’aide au développement, passant de 17%, en 1983, à 3% en 2007, soit moins de quatre milliards de dollars US.
La Direction du développement et de la coopération (DDC) a consacré l’an dernier 221 millions de francs à la sécurité alimentaire, soit:
– 108 millions de francs à des mesures bilatérales (projets de la DDC, soutien aux œuvres d’entraide).
– 55 millions de francs aux organisations multilatérales de développement,
– 45 millions au Programme alimentaire mondial,
– 13 millions à la recherche agricole internationale multilatérale.
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