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Le bonheur est dans le pré, en Chine et en Suisse

La vice-ministre chinoise des affaires étrangères Fu Yin et l’ambassadeur Blaise Godet autour d’un gâteau. Alain Arnaud/swissinfo.ch

La Suisse a inauguré simultanément à Pékin et à Berne une exposition pour commémorer l'anniversaire des 60 ans de relations diplomatiques sino-helvétiques. L'exposition présente des Suisses et des Chinois qui se ressemblent, même si les zones de friction demeurent.

L’exposition Happy@60 présente les regards croisés de deux photographes. Un Chinois qui a photographié des Suisses, un Suisse des Chinois. Les modèles ont en commun d’avoir chacun 60 ans. «Cette exposition nous montre qu’en dépit de la distance qui sépare nos deux peuples, on retrouve les mêmes rêves, les mêmes aspirations, les mêmes hobbies. Le même amour de la famille, du plein air, de la distraction», résume Blaise Godet, l’ambassadeur de Suisse en Chine.

Le photographe suisse Petri De Pità confirme que tous les sexagénaires chinois dont il a tiré le portrait fondent leur définition du bonheur sur les notions de «la famille, la santé, les amis et la nature.»

Les mêmes plaisirs simples que ceux évoqués en Suisse par les modèles qu’a rencontrés le photographe chinois Zhu Yinghao. Le résultat, c’est une série de photos qui illustrent les petits bonheurs du quotidien et «qui porte sur ces deux peuples un regard bienveillant», note l’ambassadeur Godet.

Aussi des passages difficiles

Bienveillante, il fallait bien qu’elle le soit, cette exposition, mise sur pied par la Suisse et inaugurée le 14 septembre, jour anniversaire des 60 ans de relations diplomatiques entre les deux pays. Il s’agissait d’illustrer symboliquement l’excellence de ces relations. La vice-ministre chinoise des Affaires étrangères Fu Yin, qui représentait la Chine au vernissage, a d’ailleurs confié à swissinfo.ch qu’elle pensait que les relations allaient encore s’améliorer. Dans son discours, elle a rappelé qu’en «60 ans de relations entre la Chine et la Suisse, il y a eu de nombreux moments mémorables, mais aussi des passages difficiles.»

Ça n’était pas le lieu ni l’occasion d’évoquer les questions dérangeantes. «On voulait montrer les peuples suisse et chinois dans ce qu’ils ont de commun. Parfois les médias occidentaux ou certains milieux intellectuels tendent à souligner les différences, voire les oppositions. Elles existent, certes, mais il n’y a pas que ça. Il y a aussi des être humains, qui se ressemblent beaucoup», confie Terence Billeter, en charge des affaires culturelles à l’ambassade de Suisse.

Un contrat pour l’intégrité

Ainsi les photographes ont-ils signé un contrat avec l’ambassade, «qui nous garantissait notre intégrité d’artistes, explique Petri De Pità. En revanche, ils pouvaient au final censurer une image si on partait dans des sujets délicats. On a dû envoyer nos photos à l’ambassade, et également au département des Affaires étrangères à Pékin, pour qu’eux osent venir ici aujourd’hui.»

Finalement, l’occasion ne s’est pas présentée. Aucun des candidats chinois n’est venu prétendre qu’il trouvait son bonheur dans la pratique d’un culte interdit ou dans la défense d’une cause sensible: défense des droits de l’homme, des minorités ou de la liberté d’expression.

Tout au plus découvre-t-on côté suisse le portrait de cet ambassadeur qui trouve son bonheur dans la lecture régulière du Canard enchaîné, toujours prompt à dénoncer les abus de tous les pouvoirs, et notamment du pouvoir chinois. On imagine mal ce type de publication satirique passer entre les mailles de la censure chinoise.

Les préoccupations de la Chine

Or les «passages difficiles» qu’évoquait la vice-ministre dans les relations sino-helvétiques concernent précisément les cas où la Suisse s’immisce dans les affaires chinoises: rencontre avec le Dalaï Lama, accueil de réfugiés ouïghours, défense des droits de l’homme, appels à la liberté d’expression et à la démocratie. De quoi fâcher tout rouge le gouvernement chinois.

«Vous semblez séparer le gouvernement chinois du peuple chinois, rétorque la vice-ministre Fu Yin. Vous demandez si le gouvernement chinois est fâché. Est-ce que vous vous demandez si le peuple est fâché? Le savez-vous? Est-ce que les Suisses veulent savoir? Je crois qu’il est arrogant de croire que dans votre pays le gouvernement représente ses citoyens, mais qu’en Chine, avec ses 1,3 milliard de personnes, le gouvernement puisse être coupé du peuple. C’est impossible. Donc si le gouvernement chinois dit ‘nous ne sommes pas d’accord avec cela’, ça signifie que le peuple chinois n’est pas d’accord.»

Sur la question des droits humains, la vice-ministre évoque «les gens qui n’ont pas de chauffage en hiver, qui ne peuvent pas aller à l’hôpital pour se faire soigner … voilà les préoccupations de la Chine en matière de droits humains. Là où ne nous sommes pas d’accord, c’est lorsque certains réduisent les droits humains à quelques individus qui tentent d’imposer un changement de régime ou des évolutions brutales à la Chine.»

Mais pour conclure, Fu Yin se veut conciliante, et reconnaît que « nous ne sommes pas parfaits, nous sommes à mi-chemin sur la voie des réformes. Mais nous avançons.»

L’exposition Happy@60 se tient simultanément à la MR Gallery de Pékin et à la galerie Edgar Frei à Berne.

Elle s’inscrit dans le cadre du festival Culturescapes, lancé le 16 septembre à Bâle, qui présente de septembre à décembre toute la diversité culturelle chinoise dans plusieurs villes de Suisse, avec le soutien du ministère chinois de la culture et sous le patronage du président chinois Hu Jintao et de la présidente de la Confédération Doris Leuthard.

Culturescapes est la continuation en Suisse du programme «Swiss Chinese Explorations» lancé il y a deux ans par Pro Helvetia.

Ministres. La Suisse est très présente en Chine à l’occasion de cette année de jubilé. Les conseillers fédéraux Micheline Calmy-Rey, Doris Leuthard et Moritz Leuenberger sont venus en visite.

Les villes de Bâle, Genève et Zurich ont multiplié leurs apparitions dans le cadre de leur pavillon commun à l’expo de Shanghai. Les événements culturels sont légion, avec les tournées chinoises de nombreux artistes suisses.

EPFL – EPFZ. Un effort particulier est déployé dans le domaine des sciences et de la recherche, avec la présence de plusieurs hautes écoles suisses en Chine, notamment les Ecoles polytechniques fédérales de Lausanne et de Zurich, mais aussi les universités de Genève et de Bâle.

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