Des perspectives suisses en 10 langues

Le Cambodge miné par les expulsions forcées

Reuters

60 ans après son adoption, la Déclaration universelle des droits de l'homme reste un idéal à atteindre. Coup de sonde aux quatre coins de la planète francophone avec la Tribune des droits humains. Aujourd'hui: le Cambodge, un pays non prioritaire pour la coopération suisse.

En cette fin 2008, ils sont plus de 10’000 à s’entasser dans les prisons du Cambodge, parmi lesquels plus de 600 mineurs et plus de 400 détenus étrangers. Mal nourris, abandonnés à eux-mêmes sans soins médicaux, ils ne peuvent même pas avoir accès à de l’eau potable.

Une partie de ces prisonniers sont des pauvres poursuivis pour «destruction de biens d’autrui, coups et blessures ou atteinte à la propriété privée», alors qu’ils ont tenté de s’opposer aux forces de l’ordre venues les chasser au nom de la salubrité publique et du nettoyage des zones urbaines dites anarchiques.

Expulsions forcées

Ces dernières années, la multiplication des expulsions forcées, qualifiées de violation courante des droits humains par les ONG locales et internationales, constitue un des fléaux les plus graves du pays.

Des milliers de familles sont régulièrement chassées de chez elles pour laisser le terrain à des promoteurs ou des multinationales. Des méga-centres commerciaux, de grandes tours de bureaux ou encore de gigantesques casinos sont alors bâtis et ne profitent qu’à une toute petite minorité, alors que le Cambodge figure encore parmi l’un des pays les plus pauvres du monde.

Hem Chun, 47 ans, journaliste au bi-mensuel Le Cri de la justice, une publication assez confidentielle, a passé deux ans en prison pour «destruction de bien d’autrui».

Au milieu de nulle part

En réalité, ce Cambodgien a été condamné pour s’être opposé en juin 2006 à une expulsion manu militari de son village de Sambok Chap, situé au cœur de Phnom Penh. Le journaliste trouvait inacceptable la compensation offerte aux «délogés» par la compagnie qui a acquis leur terrain, à savoir un lopin de terre au village d’Andong, situé à une vingtaine de kilomètres de la capitale au milieu de nulle part.

«J’ai été envoyé derrière les barreaux durant deux ans alors que je suis innocent, raconte-t-il, encore éprouvé par cette expérience. J’ai juste défendu ma terre et décidé d’aller jusqu’au bout de ma cause. Je me suis retrouvé dans une cellule de 4m de côté, qui contenait pas moins de dix prisonniers. Il n’y avait pas de ventilation, nous étouffions et nous étions tellement serrés que je ne pouvais dormir que sur le côté.»

Du gravier mélangé au riz

Le gouvernement cambodgien fixe à 1 500 riels (42 centimes suisses) les dépenses quotidiennes (nourriture, eau, électricité, vêtements, médicaments…) d’un détenu. Ce dernier reçoit 0,55 kg de riz par jour.

«Ce n’est pas suffisant, poursuit Hem Chun. Nous devons compléter avec les paquets de nos familles. Durant une période, nous trouvions du gravier dans notre riz. Les soins médicaux se limitaient au Paracétamol. J’avais demandé à traiter une sinusite aiguë à l’extérieur, en vain. »

En 2007, il y a eu 60 décès de prisonniers. Et de janvier à septembre 2008, ce chiffre s’élève à 37, selon le rapport du département général des prisons publié en septembre 2008. Une cinquantaine de personnes serait encore actuellement en prison pour avoir défendu leur terre dans le cadre de conflits fonciers.

En guise d’explication, Samkol Sokhan, directeur général adjoint du département général des prisons, rattaché au ministère de l’Intérieur, met en avant le manque de moyen à disposition.

«C’est le maximum que l’Etat puisse faire. Même nos gardiens des prisons ne gagnent que de 160 000 à 200 000 riels (45 à 55 francs suisses) par mois. Je conseille souvent à nos fonctionnaires de prendre soin des détenus et de veiller à respecter leurs droits», affirme le haut fonctionnaire, soulignant que les ministères de l’Intérieur et de la Santé se concentrent sur la question des médicaments.

Les droits bafoués

De son coté, Kek Galabru, présidente de la Ligue cambodgienne pour la promotion et la défense des droits humains (Licadho), n’hésite pas à critiquer ces mauvaises conditions de détention.

Et la militante de conclure: «Pour savoir si un pays respecte ou pas les droits des détenus, il faut observer les établissements pénitentiaires. Si les droits des détenus ne sont pas pris en considération, cela signifie que le pays n’entend pas respecter les droits humains.»

swissinfo/Tribune des droits humains, Duong Sokha à Phnom Penh

Cet article fait partie d’une série commandée par Tribune des droits humains à des correspondants locaux en pays francophones. Et ce à l’occasion du 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Cette opération est soutenue par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF)

La Suisse a reconnu le Cambodge en 1957.

Les deux pays entretiennent des relations diplomatiques depuis 1963.

L’Ambassade de Suisse à Bangkok (Thaïlande) est compétente pour le Cambodge.

Crédits. La Suisse soutient l’économie privée du Cambodge en encourageant l’exportation et une production ménageant l’environnement et en assurant un courtage en crédits.

Richner. Même si le Cambodge n’est pas un pays prioritaire de la coopération suisse, Berne soutient financièrement les hôpitaux du pédiatre suisse Beat Richner.

Destinés aux enfants cambodgiens et à leurs mères, les 5 hôpitaux situés à Phnom Penh et à Siem Reap offrent des standards médicaux élevés et sont gratuits.

Restauration. Sur le site d’Angkor Wat, une équipe suisse a restauré, en collaboration avec des Cambodgiens, le temple de Banteay Srei dont la construction remonte à plus de 1000 ans.

Les plus lus
Cinquième Suisse

Les plus discutés

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision