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Le gouvernement propose une limitation stricte de l’immigration

Les urgences de l’Hôpital de Fribourg. Le secteur de la santé est un de ceux qui emploient le plus de cette main d’œuvre étrangère que le gouvernement doit désormais contingenter. Keystone

La Suisse doit rétablir des contingents pour tous les étrangers à partir de quatre mois de séjour. Le Conseil fédéral (gouvernement) a opté vendredi pour une application stricte de l'initiative sur l'immigration de masse acceptée de justesse le 9 février par le peuple. Le conflit avec Bruxelles est programmé.

Le gouvernement a chargé les départements compétents de demander l’adaptation de l’accord sur la libre circulation des personnes. Mais l’UE a déjà dit qu’il n’était pas négociable. Les quotas et les priorités nationales vont à l’encontre des traités de l’UE, répète la Commission européenne depuis la votation.

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Chappatte croque la Suisse, l’Europe et les étrangers

Ce contenu a été publié sur «L’Europe nous encercle! Les frontaliers sont parmi nous! Les étrangers viennent remplir nos trains!», lit-on ironiquement en 4e de couverture de ce recueil de plus de 120 dessins parus entre 1992 et 2014. Centré sur la Suisse, les étrangers et l’Europe, avec la figure omniprésente du tribun populiste Christoph Blocher et de son parti conservateur…

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Le Conseil fédéral en est conscient. Il cherche à provoquer une nouvelle votation: le peuple devrait alors choisir entre dénoncer la voie bilatérale ou remodifier la constitution pour supprimer l’article constitutionnel ajouté le 9 février.

La proposition du gouvernement a des similitudes avec celle de l’UDC (droite conservatrice, qui avait lancé l’initiative), mais s’en écarte sur plusieurs points. Pas question de réintroduire un statut de saisonnier. Et toutes les autorisations seront contingentées dès quatre mois de séjour. On évite ainsi que les permis de courte durée ne soient utilisés abusivement en cas d’épuisement des contingents pour les séjours durables.

Le nombre de frontaliers sera également contingenté. Les cantons pourront édicter des restrictions supplémentaires pour protéger le marché du travail régional. La préférence nationale sera toujours prise en considération. Le Conseil fédéral renonce par ailleurs à arrêter un objectif chiffré de diminution de l’immigration, que d’ailleurs l’initiative ne demandait pas.

Mais rien n’est joué. Le Conseil fédéral n’a fixé que les principes de la réforme. Il prévoit de mettre en consultation une loi d’ici à la fin de l’année. Le texte de l’UDC donne trois ans à la Suisse pour revenir à un système de contingents.

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Initiative populaire

Ce contenu a été publié sur L’initiative populaire permet à des citoyens de proposer une modification de la Constitution. Pour être valable, elle doit être signée par 100’000 citoyens dans un délai de 18 mois. Le Parlement peut directement accepter l’initiative. Il peut aussi la refuser ou lui opposer un contre-projet. Dans tous les cas, un vote populaire a lieu. L’adoption…

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On ne sait pas où on va

«La Constitution doit s’appliquer; pour le Conseil fédéral cela va de soi», a dit vendredi Simonetta Sommaruga en présentant le projet gouvernemental à la presse. Mais elle a clairement indiqué qu’elle ne savait pas où mènerait ce processus.

Depuis la votation le 9 février dernier, des expertises, des discussions interdépartementales et des rencontres avec les parties prenantes ont abouti à une cinquantaine de modèles. «Mais quel que soit le sens dans lequel on retourne la question, on constate qu’il est impossible de concilier le nouvel article constitutionnel et l’accord sur la libre circulation des personnes», a ajouté la ministre de Justice et Police.

Comme prévu, il y a une contradiction inhérente. La réintroduction des contingents pour les séjours de plus de quatre mois viole l’accord en vigueur avec l’Union européenne. Mais comme la Constitution a la priorité, la Confédération mène simultanément deux processus en parallèle, l’un au niveau suisse, l’autre au niveau européen de manière à trouver une solution. Au niveau suisse, il s’agira de renforcer au maximum le potentiel de travail indigène en valorisant notamment le travail des femmes.

Il n’y a en outre pas que les intérêts économiques à prendre en considération. La mise en œuvre de l’initiative UDC a des interférences avec le droit international public, l’intégration des étrangers ou la défense des conditions salariales contre les abus.

Quel que soit le sens dans lequel on retourne la question, on constate qu’il est impossible de concilier le nouvel article constitutionnel et l’accord sur la libre circulation des personnes. Simonetta Sommaruga, ministre de Justice et Police

Les cantons soulagés

Première réaction à la présentation du projet fédéral: celle de la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC), réunie vendredi en assemblée plénière pour examiner notamment le rapport d’un de ses groupes de travail sur les possibilités de mise en œuvre du nouvel article constitutionnel.

«Les propositions du Conseil fédéral correspondent en grande partie à nos positions, nous sommes soulagés», a indiqué le président du groupe de travail, le ministre cantonal saint-gallois Benedikt Würth. Pour les cantons, la voie fédéraliste est la seule praticable, a-t-il ajouté.

Les cantons sont, avec la Confédération, politiquement coresponsables des conséquences éventuelles d’une politique d’immigration mal définie, écrit la CdC dans son communiqué. Parce qu’ils gèrent les offices régionaux de placement, ils connaissent la situation sur place et ont une vue d’ensemble des besoins concrets des entreprises.

Comme le Conseil fédéral, les cantons entendent maintenir le système d’admission dual déjà en place. Il va donc falloir continuer à prendre en compte les besoins du marché du travail dans son ensemble pour réguler l’immigration en provenance des pays de l’UE/AELE. L’économie suisse est tributaire d’une main d’œuvre qualifiée, certes, mais aussi d’une main d’œuvre peu qualifiée dans les secteurs de l’agriculture, du tourisme, de la santé et de l’industrie, écrit la CdC. Pour ce qui est des ressortissants d’États tiers, les spécialistes hautement qualifiés seront privilégiés, comme ils l’ont été jusqu’ici.

Patronat et syndicats grincent des dents

Economiesuisse regrette que «le Conseil fédéral n’utilise pas la marge de maoeuvre que lui offre la Constitution» afin de sauvegarder les intérêts de l’économie nationale, estime Rudolf Minsch. Insatisfaction aussi du côté de l’Union patronale suisse qui demande que les travailleurs soient exemptés de permis de travail pendant un an. Ils regrettentt aussi que les employeurs ne pourront pas faire suffisamment entendre leur voix quand il s’agira de fixer les quotas.

A l’Union syndicale suisse (USS), Daniel Lampart considère que le gouvernement a fait un mauvais choix «pour les salariés en Suisse» et que cette décision, qui n’est pas compatible avec les bilatérales, met les emplois et les salaires en danger.

Les partis partagés

Du côté des partis politiques, le projet gouvernemental est bien accueilli par le Parti libéral-radical (PLR) et les démocrates-chrétiens (PDC), lesquels le jugent 

«cohérent» et en phase avec la volonté du peuple.

De son côté, la gauche redoute une politique discriminatoire. Le Parti socialiste (PS) estime impossible d’accepter cette mise en œuvre de l’initiative sur le dos des travailleurs de courte durée et l’engagement massif de temporaires sera la porte ouverte à une baisse des salaires. Pour les Verts, le gouvernement a ressorti des tiroirs le «vieux modèle bureaucratique des contingents», une solution inacceptable qu’il faudrait remplacer par un deuxième modèle plus flexible et euro-compatible.

Quant à l’UDC, auteure de l’initiative en question, elle est furieuse de voir que le gouvernement entend ouvrir des négociations avec l’UE avant même d’avoir réglé les questions internes que posera la future loi en Suisse.

Des négociations avec l’UE ne peuvent avoir lieu qu’après que la mise en oeuvre de l’initiative a été clarifiée sur le plan politique suisse, écrit l’UDC. Avec son projet, le Conseil fédéral entend pousser Bruxelles vers le niet afin de pouvoir présenter par la suite la libre-circulation des personnes dans le cadre d’un accord-cadre.

Même si le gouvernement a repris certains points du concept de l’UDC, le parti conservateur exige déjà des correctifs substantiels. Il cite par exemple la limitation urgente du regroupement familial ou l’accès restreint aux services sociaux.

Le 9 février 2014, 50,34% des Suisses ont accepté l’initiative populaire de l’Union démocratique du centre (droite conservatrice) dite «contre l’immigration de masse». En conséquence, les articles suivants ont été ajoutés à la Constitution fédérale:

Art. 121a

1 La Suisse gère de manière autonome l’immigration des étrangers.

2 Le nombre des autorisations délivrées pour le séjour des étrangers en Suisse est limité par des plafonds et des contingents annuels. Les plafonds valent pour toutes les autorisations délivrées en vertu du droit des étrangers, domaine de l’asile inclus. Le droit au séjour durable, au regroupement familial et aux prestations sociales peut être limité.

3 Les plafonds et les contingents annuels pour les étrangers exerçant une activité lucrative doivent être fixés en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse et dans le respect du principe de la préférence nationale; ils doivent inclure les frontaliers. Les critères déterminants pour l’octroi d’autorisations de séjour sont en particulier la demande d’un employeur, la capacité d’intégration et une source de revenus suffisante et autonome.

4 Aucun traité international contraire au présent article ne sera conclu.

5 La loi règle les modalités.

En plus, les nouvelles dispositions transitoires prévoient que:

1 Les traités internationaux contraires à l’art. 121a doivent être renégociés et adaptés dans un délai de trois ans à compter de l’acceptation dudit article par le peuple et les cantons.

2 Si les lois d’application afférentes ne sont pas entrées en vigueur dans les trois ans à compter de l’acceptation de l’art. 121a par le peuple et les cantons, le Conseil fédéral édicte provisoirement les dispositions d’application nécessaires par voie d’ordonnance.

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