Le Parti des pirates débarque en Suisse
Le Parti des pirates a désormais aussi ses représentants en Suisse. La première section vient de voir le jour à Zurich. Les «pirates» se battent pour une meilleure protection de la sphère privée et contre les droits d'auteur des artistes et des musiciens.
Disons-le d’emblée: le «Parti suisse des pirates» n’a rien à voir avec la participation, contestée, de la Suisse à l’opération européenne contre les pirates au large de la Somalie. Ces pirates-là, auto-proclamés, se battent non pas sur la mer, mais sur Internet. «Il est temps de résister à la mise sous tutelle du citoyen qui est en profonde contradiction avec l’esprit du temps», indique le Parti des pirates, en substance, sur sa page Facebook.
Les pirates suisses parlent de «manque de sensibilité pour les valeurs démocratiques». L’interdiction d’un «jeu du tueur» par exemple n’est, selon eux, que le «début d’une triste série lancée par le Parlement et le gouvernement». Un des membres fondateurs, Christian Riesen, cite encore la plateforme de censure internet mise en place par la Confédération. Ce site liste environ 500 adresses web aux contenus pédophiles ou racistes.
«Créer une plateforme de censure étatique ne règle pas le problème, selon Christian Riesen. Il faut plutôt exiger des exploitants de serveurs qu’ils stoppent ces sites».
Monopole et licences dans le collimateur
«Aucun parti ne se préoccupe en Suisse de l’augmentation des attaques contre la sphère privée et contre la liberté, poursuit le «pirate». C’est cela qui nous a poussés à nous lancer en politique».
«Nous nous adressons à tout un chacun, poursuit Christian Riesen. Il ne s’agit pas que d’internet ou de partage de fichiers, mais de droits fondamentaux et de la nécessité de rendre l’Etat transparent, non pas le citoyen.»
Le partage des fichiers a toutefois la priorité. Les pirates veulent lutter contre les monopoles et les licences d’exclusivité et donc, partant, pour un assouplissement du droit d’auteur.
Et les droits fondamentaux des artistes?
Cela ne revient-il pas à violer les droits fondamentaux des artistes? «Nous ne voulons pas supprimer les revenus des artistes, répond Christian Riesen. C’est le modèle commercial qui nous dérange. Le droit d’auteur a vieilli et doit être revu.»
Le responsable rappelle que les droits d’auteur sur la vente de CD ne sont plus la première source de revenus des artistes. Aujourd’hui, selon lui, les apparitions publiques et le «merchandising» rapportent beaucoup plus. C’est surtout l’industrie du disque qui profite des droits d’auteur, critique Christian Riesen.
Ce n’est évidemment pas l’avis de la Suisa, la Société suisse des droits d’auteur, qui défend les droits d’auteur des compositeurs et éditeurs musicaux en Suisse. «La protection des créations intellectuelles est un droit humain», a expliqué le porte-parole Martin Wüthrich à l’agence de presse ATS.
Le droit d’auteur est de plus garanti par de nombreux accords internationaux. Enfin, la durée de protection de 70 ans après le décès d’un artiste est aussi, avec la rente de la Suisa, une prévoyance vieillesse, précise le porte-parole.
«Contre l’intérêt général»
L’industrie musicale ne ménage pas ses critiques non plus. «Les exigences du nouveau parti ne sont pas seulement contraires aux intérêts des artistes, mais aussi contraires à l’intérêt général», fustige Wilfried Haferland, de la section suisse de l’Association de l’industrie musicale «International Federation Of Producers Of Phonograms And Videograms» (IFPI).
«Produire de la musique est un processus coûteux, explique-t-il. Si cela ne vaut plus la peine, c’est le public qui en pâtira.» En attendant, les pirates ne s’en laissent pas conter et sont certains de leur succès. «Trois quarts de la population suisse sont connectés à internet, affirme Christian Riesen. Cela plaide en notre faveur.»
En Suède, où le parti a vu le jour, les «pirates» ont réussi l’exploit d’obtenir 7,1% des voix lors des dernières élections européennes. Ce sont surtout les 18-30 ans qui les ont plébiscités.
Corinne Buchser, swissinfo.ch
(Traduction de l’allemand: Ariane Gigon)
Suède. Le Parti des pirates a vu le jour en 2006 en Suède dans le sillage de la plateforme internet «The Pirate Bay», sur laquelle on peut trouver des contenues juridiquement protégés mais disponibles au téléchargement. Les usagers de «The Pirate Bay» peuvent échanger gratuitement des films, de la musique et des programmes d’ordinateur.
Politique. En juin 2009, le Parti des pirates a fait fureur en obtenant 7,1% des voix suédoises, soit 18 mandats, lors des élections européennes.
Condamnation. Le parti a encore été sous le feu des projecteurs lorsque les quatre responsables de «The Pirate Bay» ont été condamnés, mi-avril, à 2,7 millions d’euros d’amende et à une année de prison. Leur offre est une incitation à violer le droit d’auteur, selon le tribunal. Les condamnés entendent faire recours.
Europe. Le Parti des pirates s’est désormais implanté en Suisse, en Allemagne, au Danemark, en Finlande, France, Autriche, Pologne et Espagne.
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