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Le Tea Party complique la cohabitation à l’américaine

Un «rally» du Tea Party pour «restaurer l’honneur» à Washington le 28 août 2010. Keystone

Le mouvement «patriotique» du Tea Party complique les relations entre Obama et le Congrès. Il a contribué à la victoire du parti républicain aux élections de mi-mandat et suscite de vifs débats. Analyses contrastées notamment auprès d’Américains originaires de Suisse.

Le Congrès issu des élections du 2 novembre 2010 ouvrira sa première session en janvier, mais le Tea Party joue déjà les trouble-fête.

Alors que Barack Obama, Démocrates et Républicains entament cette semaine des négociations à la recherche d’un compromis post-électoral, les proches du Tea Party campent sur leurs positions et font pression, en particulier avec la création de sous-groupes parlementaires, l’un à la Chambre, l’autre bi-caméral.

Contours flous

Cependant, les contours du Tea Party demeurent flous. Pour certains Américains, le Tea Party n’est qu’un courant du parti républicain.

Double national et dessinateur-illustrateur, Fred Carlson note que lui et son épouse suisse sont «des Républicains de toujours» qui ont «assisté à un rassemblement du Tea Party» près de Pittsburgh.

«Les gens qui y participaient sont, pour la plupart, les mêmes que nous rencontrons à des évènements républicains normaux; ils ne sont vraiment pas des radicaux, ils présentent simplement plus de raisonnement logique et constitutionnel derrière des positions sur tel ou tel dossier qui nous semblent correctes», souligne Fred Carlson.

Un avis partagé par Earl Edwards: «le Tea Party n’est qu’une branche du Parti Républicain», dit-il. Mais ce Noir américain a une vision beaucoup plus négative du mouvement. «La philosophie est la même que celle des Républicains. Or, cette philosophie, c’est qu’ils ne veulent pas des Noirs», déplore Earl Edwards.

Très peu de gens de couleur

Moniteur sportif de Washington, il note que «quand on voit leurs rassemblements, on voit rarement des gens de couleur, mais la question n’est pas seulement qui fait partie du Tea Party, le problème, c’est surtout leur programme, il est ‘anti-moi’. Je ne peux pas mieux dire, leurs politiques sont anti-moi, dans tous les domaines».

«Certains mots qu’ils emploient sont codés, comme leur insistance sur ‘les droits des Etats de la fédération’ ou quand ils disent qu’ils veulent ‘reprendre leur pays’. Ils font allusion à une époque où les Etats avaient le droit d’interdire aux Noirs d’aller à l’université, de travailler et de fréquenter les restaurants et ça me hérisse», explique Earl Edwards.

D’autres Américains voient dans le Tea Party «quelque chose de très différent du parti républicain», comme le dit John Moore, un militant démocrate dont le grand-père maternel immigra de Berne.

«Il n’y a pas que des Républicains parmi eux, il y a aussi beaucoup d’indépendants qui sont en colère parce qu’ils disent que le président Obama n’a pas changé les choses comme il l’avait promis. C’est un mouvement réactionnaire, ils ont des idées folles et ils n’ont pas de leader», estime ce retraité de Virginie.

Un feu de paille ?

En Caroline du Nord, Hans Moser, vice-président du parti républicain dans son comté, considère que le Tea Party ne représente pas le parti républicain qu’il appelle de ses vœux. «Sarah Palin, par exemple, est au-delà de la politique normale que nous aimons, nous n’aimons pas trop la polémique, nous aimons que la politique soit un peu plus sérieuse», confie-t-il, en soulignant que «les Républicains ont besoin d’être moins proches de l’extrême-droite». «Il y a des éléments raciaux dans le discours du Tea Party et je n’aime pas ça», ajoute cet évangélique arrivé aux Etats-Unis en 1990.

Le Tea Party sera-t-il «un feu de paille, un mouvement populiste qui ne dure qu’un temps et qui est facile à manipuler», comme l’espère Hans Moser?

C’est l’analyse de Morris Fiorina, politologue à l’université de Stanford, en Californie. «Le Tea Party est surtout une rébellion interne au parti républicain et marque un retour aux principes fondamentaux du parti, à un conservatisme fiscal et économique qui rejette le mode de gestion de George Bush. Or, le plus souvent, ce genre de mouvement est absorbé par l’un des deux partis, et je m’attends donc à ce que les Républicains et même les Démocrates manœuvrent pour coopter le Tea Party».

Peut-être, mais en attendant, la présence du Tea Party au Congrès risque de radicaliser la vie politique américaine. «Il y a maintenant moins de Démocrates modérés et moins de Républicains modérés au Congrès», relève Karlyn Bowman, politologue à l’American Enterprise Institute, avant de prédire que «le Tea Party va tirer le parti républicain vers la droite en vue des législatives et présidentielles de 2012».

Du coup, la cohabitation entre Barack Obama et le nouveau Congrès sera «très difficile», selon Simon Serfaty, politologue au Center for Strategic International Studies de Washington. «Il y aura non seulement confrontation entre l’exécutif et le pouvoir législatif, mais aussi confrontation entre les partis au Congrès et, au sein des partis, confrontation entre Démocrates, confrontation entre Républicains modérés et Républicains proches du Tea Party», affirme pour conclure Simon Serfaty.

Le Tea Party n’est pas un parti structuré, mais une mouvance. Inspiré par un évènement fondateur de la nation américaine, la Boston Tea Party de 1773, il fait référence aux colons qui s’étaient révoltés contre les impôts du Roi d’Angleterre. Né en janvier-février 2009, à New York et Seattle, il apparaît sur la scène publique en été 2009 pour s’opposer à la réforme de santé de Barack Obama

Idéologie. Le Tea Party prône surtout la réduction du rôle de l’Etat, des impôts et du déficit. Certains membres et candidats ont lancé des pointes racistes envers Barack Obama et adopté des positions extrémistes, notamment l’exigence de la fin de la séparation de l’Eglise et de l’Etat

Stratégie. Au lieu de participer aux élections de mi-mandat comme parti tiers, le Tea Party a coopté des candidats républicains. Aux primaires, il a pu éliminer des députés ou sénateurs républicains sortants jugés trop modérés

Aux élections, 113 des 129 candidats à la députation soutenus par le Tea Party ont été élus. Au moins 3 des sièges de sénateurs qui ont basculé dans le camp républicain seront détenus par des candidats du Tea Party. Au moins deux Etats seront désormais gouvernés par un proche du Tea Party: le Maine et la Caroline du Sud.

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