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Le travail parlementaire, une «leçon de modestie»

Chiara Simoneschi-Cortesi (à gauche) et Martine Brunschwig-Graf parleront peut-être encore de politique ensemble, mais plus dans les travées du Parlement. Keystone

La session parlementaire qui s’est achevée vendredi était la dernière pour une cinquantaine des 246 députés et sénateurs. Ceux-ci ont en effet décidé d’abandonner la scène fédérale. Quatre de ces «démissionnaires» tracent le bilan de leur longue expérience politique.

Pour Martine Brunschwig Graf, Chiara Simoneschi-Cortesi, Christoffel Brändli et Christine Goll, cette session des Chambre fédérales est la dernière. Après avoir passé huit, douze, seize et vingt ans sous la Coupole, tous quatre ont annoncé qu’ils rendaient leur tablier.

À Berne, les quatre principaux partis représentés au gouvernement se sont affrontés sur des positions différentes, souvent opposées. À gauche, la militante féministe Christine Goll, députée zurichoise du Parti socialiste. À droite, le sénateur grison de l’Union démocratique de centre Christoffel Brändli, resté fidèle à son parti après la scission de l’aile modérée.

Au centre, la députée tessinoise du Parti démocrate-chrétien Chiara Simoneschi-Cortesi, qui a également endossé l’année dernière la présidence de la Chambre du peuple, ainsi que la députée du Parti libéral-radical Martine Brunschwig Graf, qui a siégé à Berne après s’être distinguée au sein du gouvernement cantonal genevois.

Un travail passionnant

Ils ont défendu des visions politiques différentes, mais tous quatre tirent un bilan positif de leur travail au Parlement. «Un travail important, mais passionnant, surtout ce que j’ai pu accomplir pour la condition féminine, la politique des transports ainsi que pour la promotion de la culture et de la formation», déclare Chiara Simoneschi-Cortesi.

«Je crois que le travail parlementaire est une leçon de modestie: il faut négocier patiemment avec toutes les forces pour parvenir à un consensus. Je venais d’un gouvernement cantonal dans lequel on pouvait prendre des décisions de manière plus rapide et autonome. Mais je suis contente d’avoir réussi à faire avancer des dossiers importants, comme celui des accords bilatéraux avec l’UE et sur la libre circulation des personnes, qui forment deux piliers de la bonne santé économique de la Suisse», affirme pour sa part Martine Brunschwig Graf.

«Si je regarde en arrière, cela me fait plaisir de relever que, durant ces vingt ans, nous avons réussi à limiter le démantèlement du système de prévoyance et à rendre la Suisse un peu plus sociale, par exemple avec l’introduction de l’assurance maternité obligatoire et des allocations pour enfants, observe Christine Goll. C’est fondamental à mes yeux de préserver la solidarité et la cohésion sociale en Suisse, surtout en ces temps d’incertitudes économiques.»

«Je crois avoir pu faire bouger les choses pour mon canton et je suis satisfait d’avoir participé à la défense de la démocratie et de la liberté de la Suisse, en luttant pour maintenir notre pays hors de l’UE», indique de son côté Christoffel Brändli.

Intérêts particuliers

Des bilans positifs, donc, venant de camps différents, qui reflètent d’une certaine manière le modèle politique suisse: il n’y a pas seulement des vainqueurs et des perdants, comme dans les pays dotés d’un système de majorité et opposition. Le jeu d’alliances à géométrie variable qui caractérise les rapports entre les quatre principaux partis permet à chacun de s’imposer, au moins dans certains domaines. Ou, en dernière instance, d’obtenir le soutien populaire lors des votations fédérales.

Mais ce modèle ne fait pas l’unanimité, du moins en ce qui concerne le travail parlementaire. «Le Parlement de milice a maintenant atteint ses limites: le travail est devenu de plus en plus complexe et il est de plus en plus difficile de poursuivre sa propre activité professionnelle quand on fait partie d’une ou deux commissions. Il y a donc un risque de voir un parlementaire se faire acheter par des lobbies et se limiter à défendre des intérêts particuliers plutôt que le bien commun», relève Chiara Simoneschi-Cortesi.

«Il faudrait introduire un salaire et de prestations sociales adéquates, afin d’éviter des pratiques scandaleuses, comme lorsque des députés lisent devant le parlement des documents reçus des lobbies, parfois peut-être sans les comprendre eux-mêmes. Ou lorsque la majorité des membres de la commission de la santé est formée de représentant d’acteurs de ce secteur, comme les assureurs, les médecins, les hôpitaux ou les pharmaciens», ajoute la députée tessinoise.

«Personnellement, je reste très attachée à notre parlement de milice, affirme Martine Brunschwig Graf. On le dit souvent lent et peu efficace mais, durant cette législature, nous avons montré que nous savions prendre des décisions rapides sur des dossiers importants, comme le sauvetage d’UBS, le programme de stabilisation conjoncturelle ou les mesures visant à limiter les conséquences du franc fort.»

Personnalisation de la politique

Les quatre députés ont traversé deux, trois, quatre ou même cinq législatures au cours desquelles la politique suisse a subi de grands changements. «Je constate une personnalisation croissante de la politique, surtout du côté des médias, au détriment des questions de fond. Je remarque aussi que la démocratie se laisse de plus en plus acheter: lors des élections, les partis qui progressent sont ceux qui ont les moyens de tapisser le pays avec leurs affiches de propagande. Il est donc temps de réglementer le financement des partis afin de garantir des armes égales à tous», maintient Christine Goll.

La députée socialiste, de même que Chiara Simoneschi-Cortesi, déplore en outre un durcissement de la politique suite à la montée de l’Union démocratique de centre, accusée de mener une politique de plus en plus agressive à des fins électorales. Une critique rejetée par Christoffel Brändli.

«C’est trop facile rejeter la faute sur notre parti, rétorque-t-il. Jusqu’à 1999, la Suisse avait un gouvernement de concordance dans lequel les quatre principaux partis étaient représentés proportionnellement à leurs forces électorales. Quand l’UDC est devenue la première force nationale, les autres formations ont refusé de nous accorder un second siège au gouvernement. C’est clair que, de cette manière, on ne pouvait que créer des tensions et que nous étions contraints d’assumer un rôle d’opposition.»

Née en 1946, la députée tessinoise du Parti démocrate-chrétien (PDC) Chiara Simoneschi-Cortesi a été élue pour la première fois à la Chambre du peuple en décembre 1999. Elle a fait partie de la Commission des transports et des télécommunications ainsi que de celle de l’éducation et de la culture.

Née en 1956, Christine Goll est entrée au Conseil national en 1991 en tant que représentante zurichoise de l’organisation féministe FraP, Frauen macht Politik. Depuis 1998, elle représente le Parti socialiste. Elle a travaillé dans la Commission de gestion, notamment en matière de sécurité sociale et de santé.

La députée libérale-radicale Martine Brunschwig Graf, née en 1950, a fait partie du gouvernement cantonal genevois de 1993 à 2005. Elle siège aussi à la Chambre du peuple depuis 2003. Elle s’est impliquée dans la Commission de politique étrangère et dans celle des finances.

Le sénateur de l’Union démocratique du centre Christoffel Brändli, né en 1943, est entré au Conseil des Etats en 1995, après une expérience de douze ans au gouvernement du canton des Grisons. Il a été actif dans les Commissions de la sécurité et de la santé, des transports et des télécommunications, de l’environnement et de l’énergie.

Les 200 membres du Conseil national, ou Chambre du peuple, sont élus selon le système proportionnel. Chaque parti a droit à un nombre de sièges proportionnel à sa force numérique. Les élections pour le renouvellement intégral du Conseil national se déroulent tous les quatre ans, l’avant-dernier dimanche d’octobre.

Le Conseil des États représente les cantons. Chacun élit deux représentants, sauf les demis-cantons d’Appenzell Rhodes-Intérieures, Appenzell Rhodes-Extérieures, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Nidwald et Obwald qui ne disposent que d’un siège chacun aux États.

Tous les cantons ont opté pour des élections basées sur le système majoritaire, sauf ceux du Jura et de Neuchâtel qui ont choisi le système proportionnel. 45 conseillers aux États sont élus le même jour que l’élection du Conseil national. Par contre le représentant d’Appenzell Rhodes Intérieures est choisi en avril déjà.

(Traduction de l’italien: Isabelle Eichenberger)

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