Les cantons alpins veulent vendre leur eau plus cher
La pénurie d'électricité annoncée et le réchauffement climatique feront de l'eau une ressource précieuse. Les cantons alpins exigent par conséquent d'être mieux indemnisés pour leur force hydraulique.
Ils demandent une hausse d’un quart de la redevance hydraulique. Les coûts de l’électricité augmenteraient alors de 0,3 centimes par kilowattheure.
Châteaux d’eau de la Suisse, les sept principaux cantons producteurs d’électricité tirée de la force hydraulique – le Valais, les Grisons, Glaris, Nidwald, Obwald, le Tessin et Uri – ont présenté leurs revendications lundi dans le cadre de la Conférence gouvernementale des cantons alpins (CGA).
Ces derniers veulent être mieux indemnisés pour la production d’électricité d’origine hydraulique. Ils demandent par conséquent que la redevance hydraulique usuelle payée par les exploitants passe de 80 à 100 francs par kilowatt de puissance brute (kWb).
Les cantons alpins entendent également prélever une taxe d’accumulation de 50 francs/kWb au maximum pour l’énergie livrée aux heures de pointe. Au total, ces deux mesures représenteraient une ponction de 0,3 centime par kilowattheure (kWh) pour le consommateur.
Une telle hausse serait «supportable», a estimé le conseiller d’Etat grison Stefan Engler. «Le prix du courant resterait toujours inférieur à la moyenne européenne, tant pour les ménages que pour l’industrie», a renchéri son collègue uranais Markus Züst.
Dernière adaptation en 1997
La CGA a avancé plusieurs arguments pour inciter les autorités fédérales à se saisir du dossier, à commencer par l’inflation.
Le renchérissement intervenu depuis la dernière adaptation de la redevance en 1997 justifie à lui seul le passage à un plafond de 87,50 francs/kWb, estime la CGA. Elle plaide d’ailleurs pour l’inscription dans la loi d’une clause d’indexation automatique.
En outre, «les sociétés actives dans le secteur se portent bien vu les gains réalisés», a relevé le conseiller d’Etat valaisan Thomas Burgener. Le prix moyen du kWh n’a cessé de progresser, notamment sur le marché ‘spot’ (prix négociés la veille pour livraison le lendemain), où il a passé de 2,8 à 11,8 centimes entre 1999 et 2006.
Enfin, la force hydraulique joue un rôle toujours plus important, aussi bien dans la réduction des charges climatiques que dans la lutte contre la pénurie d’électricité annoncée. Dans cette optique, les cantons alpins sont prêts à soutenir l’extension des capacités de production et des installations. Mais cela implique, à leurs yeux, d’être indemnisés «convenablement».
Le Valais gagnant
Une augmentation de la redevance hydraulique et une nouvelle taxe d’accumulation permettraient d’engranger des recettes supplémentaires de 195 millions, dont 145 millions iraient aux sept cantons membres de la CGA.
A l’heure actuelle, la redevance rapporte quelque 400 millions par an au total, dont près de 270 millions versés aux cantons alpins. Le Valais se taille la part du lion avec 108 millions, suivi des Grisons (87 millions).
Exigences critiquées
Les propositions des cantons alpins suscitent toutefois des critiques. L’Assocation des entreprises électriques suisses (AES) estime pour sa part qu’augmenter la redevance hydraulique «diminuerait l’attrait de cette énergie écologique».
Porte-parole d’AES, Rolf Schmid a déclaré qu’une telle mesure serait un «mauvais signal». Quant l’association de défense de l’environnement Pro Natura, elle estime qu’une augmentation de la redevance n’est souhaitable que si elle est liée à des prestations écologiques.
Du côté de l’adminisatration fédérale, Pascal Previdoli, chef de division des affaires internationales, stratégie et politique à l’Office fédéral de l’énergie, ne désire pas se prononcer pour l’instant.
La CGA espère néanmoins trouver prochainement une oreille attentive auprès des représentants des cantons concernés au Conseil des Etats (Chambre haute du Parlement) pour faire avancer ses requêtes. Elle avait déjà demandé une taxe d’accumulation dans les années 1990, mais cette proposition avait échoué de justesse à l’époque.
swissinfo et les agences
L’énergie hydraulique est la plus importante et la plus ancienne source d’énergie renouvelable en Suisse. Elle couvre près de 60% des besoins énergétiques du pays.
Les sites adaptés à la construction d’une grande centrale hydroélectrique étant presque tous utilisés, il est prévu d’augmenter le nombre de petites centrales (installations ayant une capacité de 10 megawatts maximum).
Selon l’Office fédéral de l’énergie, ces dernières ont un potentiel d’expansion d’environ 2200 gigawatts par an.
Si des mesures ne sont pas prises, l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) s’attend à des difficultés énergétiques dès 2020.
Cela d’autant plus qu’il envisage une forte hausse de la consommation énergétique en Suisse au cours des 30 prochaines années.
La pénurie se profile surtout en matière d’approvisionnement électrique, car vers 2020, les premières centrales thermonucléaires seront hors-circuit pour des raisons d’âge. Parallèlement, les contrats d’importation d’électricité en provenance de France arriveront à échéance.
D’après l’OFEN, la consommation d’énergie électrique augmentera d’ici 2035 de 18 à 24%, selon les scénarios.
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