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Les femmes ont des droits, en Algérie aussi

Les violences islamistes et militaires des années 1990 ont laissé des traces douloureuses en Algérie. Reuters

La campagne contre la violence faite aux femmes est l'occasion pour les organisations féministes du monde entier de comparer leurs méthodes de lutte contre ce phénomène tristement universel. La Suisse y participe cette année pour la première fois.

A Alger comme à Berne, le ruban blanc, insigne de la campagne «16 jours contre la violence», a la même signification. Cherifa Bouatta et Katrin Haltmeier le portent avec la même détermination.

La première est professeure de psychologie à l’Université d’Alger. Elle est aussi membre d’une association qui œuvre à la défense des droits de la femme et présidente de la Société algérienne de recherche en psychologie (SARP).

La seconde travaille pour le Bureau d’actions féministes pour la paix (en allemand Christlicher Friedensdienst, cfd). Cette ONG, dont le siège est à Berne, apporte son appui à des associations de femmes actives notamment en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo, en Palestine ou encore au Maghreb.

«Triangle de la mort»

Les deux femmes sont régulièrement en contact car le cfd soutient depuis 1995 les activités de la SARP en Algérie. Elle y gère notamment un centre de conseil et de thérapie pour les victimes de violences à Sidi Moussa.

Située à une trentaine de kilomètres d’Alger, cette région est de sinistre mémoire. Les Algériens la surnomment aujourd’hui encore le «triangle de la mort» car elle avait été fortement touchée par les violences islamistes et militaires des années 1990, lesquelles avaient fait près de 150’000 morts et 20’000 disparus.

A Sidi Moussa, le travail de la SARP vise donc en premier lieu à apporter une assistance psychologique et juridique aux victimes de ces violences. Mais de manière plus large, l’objectif est aussi de promouvoir la démocratisation du pays et les droits de la femme. Si ceux-ci progressent sur le papier, il n’en va pas vraiment de même dans les faits.

«L’égalité entre les hommes et les femmes existe dans la Constitution algérienne. Et les associations de femmes s’y réfèrent. Mais le code de la famille, malgré de récents progrès, considère toujours les femmes comme étant une population de seconde zone», déplore Cherifa Bouatta.

Féministes contre islamistes

Dans le cadre de la campagne internationale contre la violence, les associations féministes algériennes ont cette année choisi de mettre l’accent sur le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Une problématique qui, sous son apparente modernité, révèle combien la vision patriarcale imprègne encore le droit algérien.

«Deux femmes ont récemment osé déposer plainte pour harcèlement. Le harceleur a répliqué en déposant à son tour plainte pour diffamation. C’est lui qui a eu gain de cause et les femmes ont elles été jugées coupables», raconte ainsi Cherifa Bouatta. Elle dénonce une situation paradoxale où les femmes peuvent certes s’exprimer plus facilement dans l’espace public, sans toutefois que leurs droits soient équivalents à ceux des hommes.

Parlant d’une Algérie politique qui est aujourd’hui toujours «en état de siège», Cherifa Bouatta se montre en outre très critique envers les islamistes. Leurs attaques continuelles contre les associations de femmes constituent à ses yeux une menace qu’il ne faut pas négliger.

«Pour eux, lorsque nous demandons l’égalité, nous faisons comme des étrangères. C’est comme si nous n’étions pas des Algériennes, pas des musulmanes. Ils cherchent ainsi à nous marginaliser dans notre propre société, à nous stigmatiser», témoigne-t-elle.

Victimes du code de la famille

Un mécanisme, qui, toutes proportions gardées, est aussi à l’œuvre dans le quotidien de femmes qui viennent consulter le centre de Sidi Moussa. Elles sont en effet nombreuses à ignorer quels sont leurs droits, ou même qu’elles en ont.

C’est le cas par exemple des victimes du code de la famille. Ces femmes par exemple qui, désemparées, craignent de se voir expulsées du foyer familial si elles n’acceptent pas la seconde épouse de leur mari.

«On leur dit ‘soit tu acceptes, soit tu t’en vas’. Or, juridiquement, le mari n’a pas le droit de prendre une deuxième épouse sans que la première ait donné son accord», souligne Cherifa Bouatta. Et d’insister sur la nécessité pour les femmes d’apprendre à donner leur avis et à s’affirmer.

Les hommes absents

Autrement plus douloureux est le cas de celles qui ont été victimes, directes ou indirectes, des années de terreur. Dans ce cas, les collaborateurs du centre de Sidi Moussa doivent tenter d’apporter des solutions aux problèmes psychologiques, mais aussi matériels.

«Les femmes que nous recevons arrivent pour la plupart dans un état de détresse et de désespoir très profond. Le terrorisme induit la destructuration de la vie psychique, familiale et sociale. Quand on se retrouve sans ressources avec 7 enfants, on a forcément besoin d’aide pour effectuer les démarches et obtenir les indemnités auxquelles on a droit», explique la professeur de psychologie.

Quant aux hommes, elle déplore leur absence aux consultations du centre. «Il faut être à l’écoute des femmes. A travers leurs témoignages, on se rend compte que les hommes sont eux aussi très profondément atteints. Le problème est qu’on ne peut pas les obliger à venir nous voir…»

swissinfo, Carole Wälti

La Journée internationale de l’ONU pour l’élimination de la violence contre les femmes a lieu chaque année le 25 novembre.

Depuis 1991, le 25 novembre marque également le début de la campagne internationale «16 jours d’activisme contre la violence faite aux femmes».

Cette date commémore l’assassinat des sœurs Mirabel en République dominicaine en 1960.

Ces trois militantes étaient des figures symboliques de la résistance contre le dictateur Rafael Leonidas Trujillo.

Elles ont été sauvagement assassinées alors qu’elles allaient rendre visite à leurs maris, emprisonnés pour avoir participé au mouvement de résistance.

Pour la première fois cette année, la Suisse participe à la campagne internationale contre la violence à l’encontre des femmes.

Celle-ci dure 16 jours, du 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes, au 10 décembre, Journée internationale des droits humains.

Cette campagne se déroule dans plus de 130 pays.

En Suisse, elle est coordonnée par le Bureau d’actions féministes pour la paix (Christlicher Friedensdienst en allemand, cfd).

L’essentiel du programme se déroule pour l’instant en Suisse alémanique, mais le cfd souhaite lui donner par la suite une ampleur nationale.

Au total, plus de 40 associations féministes, syndicats, églises, bureaux de l’égalité ou associations actives dans la promotion de la paix y participent.

Des violences domestiques aux inégalités salariales, en passant par la traite des femmes et à la publicité sexiste, plusieurs thèmes seront abordés.

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