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Les millions de Salinas retournent au Mexique

Raul Salinas a été le protagoniste d'une affaire de blanchiment d'argent entre le Mexique et la Suisse. Keystone / Monica Rueda

La Suisse a décidé de restituer au Mexique 74 millions de dollars détournés par Raul Salinas, le frère de l'ancien président mexicain Carlos Salinas. La procédure judiciaire aura duré près de 13 ans.

«Les enquêtes suisse et mexicaine ont permis d’établir l’origine manifestement criminelle de ces fonds», a indiqué mercredi l’Office fédéral de la justice (OFJ) dans un communiqué.

C’était la condition pour que cet argent puisse être débloqué et remis au gouvernement mexicain, qui se verra donc restituer 74 millions de dollars.

Au total, les autorités helvétiques avaient mis sous séquestre quelque 110 millions de dollars. Placé sur des comptes en Suisse par Raul Salinas, cet argent y dormait depuis 1995.

Solde aux ayants droit

L’enquête n’a pas pu établir si le solde des avoirs Salinas était d’origine illicite.

Quarante-cinq millions de dollars ont donc été restitués aux ayants droit, dont les prétentions avaient été reconnues préalablement par des instances civiles suisses.

«Il n’y a pas d’argent qui revient au clan Salinas», a néanmoins précisé le juge d’instruction fédéral en charge du dossier Paul Perraudin. L’ayant-droit principal est le milliardaire mexicain Carlos Peralta Quintero.

Quant à la Suisse, elle aura aussi sa part du butin: 2,2 millions de francs seront attribués à la Confédération et 1,1 million au canton de Genève à titre de dédommagement pour les frais occasionnés au cours d’une procédure longue de près de treize ans.

Trafic de drogue et détournement

En 1995, c’est suite à une demande d’entraide judiciaire déposée par le Mexique que Berne a ouvert une procédure pénale pour blanchiment d’argent et détournement de fonds publics contre Raul Salinas.

Au même moment, la procureure de la Confédération Carla del Ponte faisait arrêter sa femme Paulina Castanon et son beau-frère à Genève. Tous deux tentaient alors de retirer des sommes considérables de comptes bancaires appartenant au frère de l’ancien président mexicain.

Soupçonné d’avoir facilité le transfert aux Etats-Unis de cocaïne provenant de Colombie, le clan Salinas aurait reçu en échange des rémunérations importantes, partiellement virées dans des banques helvétiques.

En Suisse, la procédure pénale fédérale avait été suspendue sans grand résultat en 1998. Chargée par le ministère public de la Confédération de poursuivre le cas Salinas, la justice genevoise avait finalement remis l’enquête, accompagnée de 300 classeurs fédéraux, aux autorités mexicaines en 2002.

Les ONG critiquent

Les 110 millions de dollars étaient quant à eux restés bloqués en Suisse. Le 19 décembre dernier, le Mexique a cependant requis la remise de ces avoirs.

Selon l’Office fédéral de la justice, les autorités mexicaines ont démontré que des fonds publics avaient été détournés pour être acheminés dans des étabissements bancaires du Mexique. De leur côté, les autorités judiciaires suisses ont pu établir le cheminement des valeurs hors du Mexique.

Le verdict final dans l’affaire Salinas, qui concerne désormais uniquement la justice mexicaine, déterminera de l’avenir de ces fonds. Ceux-ci devraient être confisqués en faveur de l’Etat mexicain si la culpabilité de Raul Salinas est avérée. Celui-ci pourrait néanmoins revendiquer des droits sur cet argent.

La Suisse estime quant à elle que les preuves présentées par le Mexique sont solides. «Le traité d’entraide judiciaire entre la Suisse et le Mexique est une garantie suffisante. Nous n’avons pas posé de conditions supplémentaires à la restitution de cet argent», a expliqué Paul Perraudin.

Cet aspect a précisément été pointé du doigt par différentes ONG en Suisse. Saluant la décision d’une restitution, Action place financière suisse et la Déclaration de Berne ont notamment déploré qu’aucun cadre juridique ne régisse l’utilisation de ces fonds et ne permette d’exercer une certaine surveillance.

swissinfo et les agences

La Suisse a déjà restitué plus de 1,6 milliard de dollars provenant de comptes bloqués ayant appartenu à des dirigeants étrangers.

Les deux plus gros cas, impliquant chacun des montants supérieurs à un demi-milliard de dollars, concernent le dirigeant philippin Ferdinand Marcos et celui du Nigéria Sani Abacha.

Le Conseil fédéral avait bloqué les fonds Marcos le 24 mars 1986. Douze ans se sont écoulés jusqu’à leur restitution à l’Etat philippin.

Dans le cas Abacha, un jugement exemplaire du Tribunal fédéral au début 2005 avait permis pour la première fois une restitution sans qu’un jugement ait été prononcé dans son pays d’origine contre le détenteur des comptes.

L’an dernier, un accord a été conclu par la Suisse afin de permettre la restitution au Kazakhstan de fonds d’une valeur de 100 millions de francs.

Les avoirs des anciens dictateurs Jean-Claude Duvalier (Haïti) et Mobutu Sese Seko (République démocratique du Congo) sont toujours bloqués. Si aucune solution pour leur restitution n’est trouvée jusqu’à fin août, resp. au 15 décembre, ils seront rendus à l’entourage des dictateurs.

Homme d’affaires mexicain né en 1946, Raul Salinas de Gortari est le frère de l’ancien président de la République mexicaine Carlos Salinas de Gortari, qui officia de 1988 à 1994.

En 1995, Raul Salinas est condamné à la prison au Mexique pour avoir commandité le meurtre de son beau-frère, Francisco Ruiz Massieu, candidat à l’élection présidentielle en 1994.

En juin 2005, il est libéré à la suite de la révision de sa condamnation à 27 ans de prison pour meurtre.

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