Les Suisses d’Israël plaident en faveur de la paix
Nés en Suisse au sein de familles juives traditionnelles imprégnées par l’horreur du nazisme et l’enthousiasme de la naissance de l’Etat d’Israël, Jochi Weil, Erich Bloch et Viktor Weiss sont tous les trois favorables à la création d’un Etat palestinien. Ils partagent pour swissinfo.ch leur vision du conflit israélo-palestinien.
«Les attaques, tant sur Gaza que sur Israël, doivent immédiatement cesser et les protagonistes doivent s’asseoir à la table des négociations», affirme Jochi Weil. «Parler, c’est mieux que d’envoyer des bombes et des missiles. Nous devons accepter les Palestiniens mais eux aussi doivent nous accepter», poursuit Erich Bloch. «Cela me désole de voir tant d’innocents mourir», leur fait écho Victor Weiss.
Solidarité suisse en cas d’attaque
Lorsque des roquettes sont lancées depuis la Bande de Gaza, le hurlement des sirènes avertit les habitants de Rohovot, lieu de résidence de Viktor Weiss au sud de Tel Aviv, qu’il est temps de se réfugier dans les abris. Erich Bloch a quant à lui dû se réfugier une demi-douzaine de fois dans les endroits prévus à cet effet près de sa maison de Netanya. «Ces moments sont très stressants», relève-t-il.
La colonie suisse veille sur ses membres. Erich Bloch explique qu’avec le soutien financier de la communauté juive de Suisse, ils ont loué un hôtel dans la ville pour accueillir leurs proches en cas d’évacuation.
Les deux expatriés se sont rendus mi-août à Baden, dans le canton d’Argovie, pour assister au congrès annuel de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE). Ils y ont notamment plaidé pour le maintien de l’enregistrement obligatoire des expatriés auprès des représentations suisses. «C’est très important pour nous, il s’agit d’une question de sécurité», a relevé Erich Bloch.
Erich Bloch et Viktor Weiss vivent en Israël et représentent la diaspora helvétique de ce pays, soit à peu près 18‘000 personnes, au Conseil des Suisses de l’étranger (CSE)Lien externe, sorte de Parlement de la 5e Suisse. Jochi Weil réside en Suisse et a travaillé durant 30 ans en tant que responsable de projets médicaux à Gaza et en Israël.
Jochi Weil, membre à la fois du Parti socialiste suisse et israélien, et Erich Bloch, sous-directeur du département scientifique du ministère israélien de la Science, des Technologies et de l’Espace, ont tous deux participé au Mouvement de la jeunesse sioniste.
Une alternative à l’antisémitisme
«En 1967, Israël était un tout jeune pays, l’unique patrie du peuple juif dans le monde. Je voulais contribuer à sa construction, j’étais plein d’enthousiasme. Je m’y suis rendu une première fois en 1970, puis définitivement en 1983», raconte le scientifique, qui a étudié à Berne avant de décrocher un doctorat à l’Institut des sciences Weizmann en Israël.
Erich Bloch voyait dans le sionisme et l’existence d’un Etat israélien l’alternative à l’antisémitisme en Europe et dans le monde. Il conjuguait son travail parlementaire – d’abord dans son canton natal de Schaffhouse, puis au niveau fédéral – avec son engagement au sein de l’organisation sioniste.
Aujourd’hui à la retraite, il a conservé son activité politique et a récemment fondé la branche israélienne de la section internationale du Parti socialiste suisse.
Il y a toujours une solution
Lui aussi retraité, Jochi Weil est né à Zurich en 1942. Sa mère a vu le jour à Hambourg et a fui l’Allemagne sous le nazisme. Deux de ses sœurs n’ont pas eu la même chance et sont morts dans des camps de concentration.
«L’Holocauste est très ancrée dans ma famille. J’ai grandi dans une famille plus ou moins libérale, surtout du côté de ma mère. Elle disait toujours qu’il fallait être ouvert à l’égard de tous les êtres humains. Ces paroles sont pour moi comme un héritage».
De son point de vue, il est toujours possible de trouver une solution, même lorsque les choses se présentent mal. «En tant que juifs, il est de de notre devoir de tout faire pour éviter de revivre la situation de la Seconde Guerre mondiale. Pas seulement pour les juifs, mais pour tous les hommes dans ce monde».
Quelles sont les pistes qui à ses yeux permettraient de résoudre l’interminable conflit israélo-palestinien? «Il est urgent de discuter, sur le même niveau et en montrant du respect, afin de trouver une solution juste. Celle-ci passe de mon point de vue par la création d’un Etat palestinien dans les frontières qui prévalaient avant la guerre de 1967», souligne Jochi Weil.
«La situation actuelle n’est bonne ni pour Israël ni pour le peuple palestinien. Je suis pour la création de deux Etats: Israël et la Palestine. Deux Etats qui coexistent dans la sécurité et la liberté», affirme Eric Bloch. Viktor Weiss ne dit pas autre chose: «Il faut deux Etats qui vivent ensemble, avec les mêmes droits».
«Des nouvelles idées et du courage»
Nos interlocuteurs sont d’accord sur l’urgence pour la Suisse, en tant que membre de l’ONU et dépositaire des Conventions de Genève, de convoquer une conférence internationale pour mettre fin à la violence. «Nous ne pouvons pas continuer ainsi 10, 20 ou 30 ans. Nous devons négocier. Il faut des nouvelles idées et du courage», estime Erich Bloch.
«Il y a beaucoup de crimes commis, en particulier du côté israélien, mais aussi du côté palestinien. Il est très important d’avoir recours à la Cour pénale internationale pour déterminer clairement les responsables de ces crimes», affirme Jochi Weil.
Depuis le début de l’escalade de violence au mois de juillet, 1999 Palestiniens ont été tués, pour la majorité des civils, dont près de 500 enfants, selon l’Office des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA)Lien externe. 9842 ont été blessés et 292’489 personnes ont été déplacées. Du côté israélien, le bilan fait état de près de 70 morts, dont quatre civils et notamment un enfant de quatre ans.
Le droit de résister
Viktor Weiss reconnaît que les pertes ont été nombreuses. «Tous ces morts, cela ne me plaît pas», dit-il. Mais il considère qu’Israël doit défendre sa population des attaques. «Elles sont intenses, des milliers de roquettes ont été lancées ces derniers mois», accuse-t-il, précisant que le Hamas utilise des civils et des infrastructures non militaires pour se protéger.
«Je n’aime pas non plus le Hamas, lui répond Jochi Weil. Mais c’est un mouvement de résistance. Les Palestiniens, surtout ceux de Gaza, ont été tellement mis sous pression qu’ils ont le droit de résister». Pour Jochi Weil, qui a durant 30 ans bâti un pont entre les communautés israéliennes et palestiniennes à-travers la Centrale sanitaire suisse (CSS),Lien externe il est impératif de mettre fin au blocus de Gaza et de donner aux Palestiniens «la possibilité de gagner leur vie et de mener une vie digne».
Erich Bloch estime pour sa part que la priorité est ailleurs: «Il faut en finir avec le blocus, mais avant cela la sécurité d’Israël doit être garantie. C’est la priorité».
(Traduction et adaptation de l’espagnol: Samuel Jaberg)
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