Lutte contre la corruption: la Suisse peut faire encore mieux, estime Transparency International
La Suisse est l’un des pays où la corruption perçue dans le secteur public est la plus faible, mais elle a encore de nombreux points à améliorer, notamment en ce qui concerne le poids des lobbys au Parlement, avertit l’organisation Transparency International.
La Suisse est habituée à figurer parmi les bons élèves de l’indice de perception de la corruption dans le secteur public («Corruption Perception IndexLien externe», ou CPI) établi chaque année par l’organisation de lutte contre la corruption Transparency International.
Le classement 2020, rendu public jeudi, ne fait pas exception. La Confédération arrive en troisième position avec 85 points sur 100 (le même score qu’en 2019), à égalité avec la Finlande, la Suède et Singapour. En tête, le Danemark et la Nouvelle-Zélande obtiennent 88 points.
Créé en 1995, l’indice de perception de la corruption de Transparency International porte actuellement sur 180 pays. Il s’appuie sur une combinaison de 7 à 13 indices, enquêtes et évaluations publiés par des institutions indépendantes.
Il ne mesure pas la corruption réelle, mais repose sur l’appréciation qu’en ont des experts du monde scientifique et des milieux économiques. L’échelle va de zéro (très corrompu) à 100 (très peu corrompu). Il s’agit de l’indice le plus utilisé pour mesurer la corruption dans le secteur public à l’échelle mondiale.
«La Suisse fait régulièrement un très bon score, et c’est une bonne nouvelle», commente Martin Hilti, directeur de Transparency SuisseLien externe, pour SWI swissinfo.ch. Mais il tempère aussitôt: «on constate aussi qu’elle est encore à 15 points de la meilleure note possible.»
Les affaires de corruption dans le secteur public existent même en Suisse, souligne le spécialiste, évoquant divers scandales entre autres liés à l’attribution de marchés publics survenus ces dernières années.
Pour Martin Hilti, certaines pratiques comportant un risque important de conflits d’intérêts y sont courantes. Le pays devrait mieux sensibiliser à cette question, et faire en sorte que les cas avérés soient davantage sanctionnés.
«Le copinage est une pratique répandue», pointe-t-il. Et de citer également le système dit des «liens d’intérêts», qui permet aux parlementaires helvétiques d’exercer divers mandats rémunérés en dehors de leurs activités politiques.
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Le directeur de Transparency Suisse évoque encore la pratique du pantouflage. Ces dernières années, plusieurs polémiques ont concerné des ministres et hauts fonctionnaires acceptant des fonctions dans le secteur privé sitôt leur mandat politique achevé.
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«Nos plus grands chantiers concernent le secteur privé»
Par ailleurs, le bon résultat de la Suisse au CPI est «dangereux, car [il] ne montre qu’une partie de la vérité», précise le directeur de Transparency Suisse.
«Nos plus grands chantiers concernent le secteur privé», qui n’est pas pris en compte dans l’indice. Cela peut concerner notamment le blanchiment d’argent dans le secteur financier, ou encore le financement par des entreprises de faits de corruption à l’étranger.
L’organisation juge que la Suisse ne dispose pas de mécanismes efficaces pour débusquer les affaires de corruption, ainsi que pour prévenir et réprimer le blanchiment d’argent.
La base légale helvétique en la matière comporte d’importantes lacunes par rapport aux standards internationaux minimaux, et son champ d’application devrait être étendu, argue Martin Hilti.
La Suisse pourrait aussi beaucoup mieux faire en matière de protection des lanceurs d’alerte, ajoute-t-il.
Un autre angle mort concerne les principales organisations sportives internationales, à l’exemple de la FIFA, qui ont quasiment toutes leur siège en Suisse et présentent un risque de corruption accru en raison des énormes volumes d’argent qu’elles brassent. «Parce qu’elles sont basées chez nous, la responsabilité de mieux les réguler incombe à la Suisse», plaide le spécialiste.
Une majorité de pays stagnent
Les résultats de l’indice de perception de la corruption au niveau global montrent que le problème est endémique. Plus des deux tiers des pays affichent un résultat inférieur à 50, et le score moyen est de 43.
En une décennie, seuls une vingtaine de pays ont amélioré significativement leur score, et une vingtaine d’autres ont régressé. Les Etats-Unis, notamment, obtiennent leur plus mauvais score depuis 2012 (67 points) après plusieurs années de baisse.
Mais près de la moitié ont tout simplement stagné, ce qui fait dire à Transparency International que les efforts des gouvernements pour s’attaquer aux causes profondes de la corruption sont bloqués.
La corruption sape la réponse à la pandémie
Et la pandémie de Covid-19 met en lumière de manière concrète les effets délétères de la corruption, qui «sape les systèmes de santé et contribue au recul de la démocratie», d’après le rapport.
La publication montre que les pays les moins corrompus investissent davantage dans leur système santé, sont plus à-même de fournir une couverture médicale universelle et moins susceptibles de violer les normes et institutions démocratiques ou l’État de droit.
Transparency International cite l’exemple du Bangladesh (26 points au CPI), où l’on a constaté un détournement des aides et une corruption omniprésente dans l’approvisionnement en fournitures médicales; ou encore des Philippines (34 points), où la lutte contre le coronavirus s’est accompagnée d’attaques majeures contre les droits humains et la liberté de la presse.
«La pandémie de Covid-19 a permis la centralisation de davantage de pouvoirs aux mains des gouvernements, et a donc augmenté le risque d’abus», explique Martin Hilti.
Et même si de telles dérives n’ont pas été constatées en Suisse, il estime que la pandémie y a mis en évidence les problèmes préexistants, «en particulier le poids du lobbying»: «On a vu que les organisations qui avaient un bon accès au gouvernement ou aux administrations fédérales ont eu davantage de facilités à se faire entendre pendant la crise.»
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