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La crise budgétaire de l’ONU menace aussi Genève

Palais des Nations
Au Palais des Nations, le 16.10.19. L'ONU n'entend pas se faire tondre comme un mouton. Elle tire la sonnette d'alarme. SWI-Frédéric Burnand

Les Nations Unies sont confrontées à une grave crise de trésorerie, car 62 États – dont le plus gros contributeur, les Etats-Unis – n’ont pas encore payé leur cotisation annuelle. A Genève, les fonctionnaires du siège européen de l’ONU étudient les moyens de réduire les coûts, tandis que le pays hôte – la Suisse – observe la situation avec anxiété. ​​​​​​​

«Ce mois-ci, nous atteindrons le déficit le plus profond de la décennie. Nous risquons de commencer novembre sans avoir assez d’argent pour couvrir les salaires. Notre travail et nos réformes sont en danger.» C’est l’avertissementLien externe lancé au début du mois par le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.

Trois jours plus tard, la vice-secrétaire générale adjointe aux stratégies et politiques de gestion en a remis une couche devant la même Cinquième CommissionLien externe chargée des questions administratives et budgétaires. Selon Catherine Pollard, le budget ordinaire de l’ONU n’a cessé de souffrir de problèmes de liquidités ces dernières années. Mais en 2019, «le déficit a frappé plus tôt, il dure plus longtemps et il est plus profond».  Pour la 2e année consécutive, l’ONU a épuisé toutes ses réserves, en dépit des mesures « draconiennes » prises pour réduire les dépenses et les faire correspondre à l’argent disponible.

Au 10 octobreLien externe, 62 Etats membres n’avaient toujours pas payé leurs contributions. Les Etats-Unis, le Brésil, l’Argentine, le Mexique, l’Iran, Israël et le Venezuela totalisent 97% du 1,4 milliard de dollars manquant.  A elle seule, la dette des Etats-Unis pèse un peu plus d’un milliard.  Et ce, alors que les contributions attendues s’élèvent à 2,85 milliards de dollars, soit 362 millions de plus qu’en 2018.

A cette même date, 131 Etats membres sur 193 avaient payé la totalité de leur quote-part au budget ordinaire (dont la Suisse avec 32 millions de dollars, à parité avec le franc suisse).

Washington, responsable de 22% du budget ordinaire, doit quelque 381 millions de dollars pour les budgets ordinaires antérieurs et 674 millions de dollars pour le budget ordinaire de 2019. Les USA contribuent également pour 28% au budget distinct des opérations de maintien de la paix de l’ONU, mais elle ne s’est engagée à payer que 25 % de cette somme.

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«Il ne s’agit pas de pointer du doigt un pays en particulier. Regardez les chiffres: nous avons 193 Etats membres de l’ONU et 131 d’entre eux ont payé, et nous ne sommes qu’en octobre», déclare à swissinfo.ch Alessandra Vellucci, directrice du Service d’information des Nations Unies à Genève.

Mesures exceptionnelles

Dans une interviewLien externe accordée au journal Le Temps le mois dernier, Tatiana Valovaya a décrit la «situation financière très difficile» dont elle a hérité en tant que nouvelle Directrice générale des Nations Unies à Genève: «On nous demande de fournir davantage de services avec moins de ressources. Il faut être honnête: la situation financière est très difficile et c’est un vrai défi. Nous avons besoin du soutien des Etats membres si ceux-ci veulent que nous menions à bien les mandats donnés.»

Le problème de liquidité qui affecte le siège de l’ONU à Genève concerne ses 5000 employés permanents, mais pas les agences spécialisées comme l’Organisation internationale du travail (OIT) ou l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Les plates-formes de l’ONU à New York, Vienne et Nairobi et les commissions régionales sont également touchées.

Alexandra Vellucci précise que l’impact de la crise sur les opérations de Genève est en cours d’évaluation et que les responsables examinent des propositions spécifiques de réduction des coûts.

Depuis le début de l’année, l’ONU a soigneusement ajusté le recrutement et les dépenses autres que celles liées aux postes en fonction. António Guterres est allé plus loin le mois dernier en demandant des mesures supplémentaires pour faire face au déficit: les postes vacants ne peuvent être pourvus; seuls les déplacements essentiels sont autorisés; les manifestations en dehors des heures normales de travail et certaines réunions peuvent devoir être annulées ou reportées.

«Nous ferons tout notre possible pour ne pas avoir d’influence sur les salaires. L’objectif n’est pas de toucher aux coûts de personnel», ajoute Mme Vellucci.

«Serons-nous payés?»

Ian Richards, président de l’association du personnel de l’ONU à GenèveLien externe, estime, lui, que la crise de trésorerie est extrêmement perturbatrice. Ses collègues, dit-il, sont très inquiets: «Ils veulent savoir si nous serons payés. Il y a eu un gel effectif de l’embauche depuis l’été au secrétariat de l’ONU à Genève. A l’heure actuelle, nous sommes aux prises avec des factures de carburant, la diminution des heures supplémentaires et d’une série d’événements. On a demandé aux services de retarder les conférences ou de justifier les réunions de cette année.»

Ian Richard relève aussi que les décisions de reporter ou de réduire les dépenses en biens et services peuvent avoir un impact sur les fournisseurs locaux de l’ONU.

Répercussions

Le pays hôte, lui, partage ces inquiétudes. « La Suisse est particulièrement préoccupée par la crise de liquidité à laquelle est confrontée l’ONU», a déclaré Paola Ceresetti, porte-parole à Genève Lien externedu ministère suisse des Affaires étrangères (DFAE).

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Estimant que la crise aura probablement un impact général sur les opérations de l’ONU, Paola Ceresetti souligne que certaines répercussions de la crise financière sont déjà palpables, comme la réduction des services de traduction et l’arrêt des transcriptions et de leur diffusion quotidienne des débats des deux dernières sessions Lien externedu Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève.

Ce qui prétérite les missions diplomatiques des petits Etats, les ONG de défense des droits humains et les journalistes qui ont fait part de leurs préoccupations. «Nous accomplirons ces services dès que nous aurons l’argent prévu au budget pour l’année prochaine», précise Mme Vellucci. Paola Ceresetti ajoute qu’il est dans l’intérêt de la Suisse de veiller à ce que cette situation soit résolue «aussi vite que possible et de manière durable. La Suisse exhorte tous les Etats membres à verser leurs contributions annuelles, afin de permettre la poursuite des opérations de l’ONU. Elle appelle également à la mise en œuvre rapide des réformes entreprises par le Secrétaire général pour rendre l’ONU plus efficace.»

Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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