Les Suisses ne sont pas prêts à éteindre leur télévision publique
Près de deux tiers des citoyens helvétiques s’apprêtent à dire «non» à l’initiative «No Billag», qui veut supprimer tout financement public de l’audio-visuel en Suisse. C’est ce que montre un sondage réalisé à un peu plus de deux semaines d’une votation qui déchaîne les passions.
Le vent semble avoir définitivement tourné en défaveur de l’initiative «No Billag». Alors que les sondages parus à la fin de l’année dernière donnaient encore le «oui» en tête, le «non» ne cesse de gagner en importance depuis le début du mois de janvier.
Réalisé pour le compte de la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) – dont fait partie swissinfo.ch – le dernier sondage de l’institut gfs.bern indique que l’initiative «No Billag» serait refusée par 65% des personnes interrogées, et acceptée par 33%. Le «non» a progressé de 5 points depuis le précédent sondage réalisé par le même institut il y a près d’un mois.
A moins de deux semaines du scrutin, la part des indécis est particulièrement faible (2%). De plus, 78% des intentions exprimées sont fermes. La formation de l’opinion est par conséquent fortement avancée, ce qui devrait limiter les probabilités d’un revirement d’ici au 4 mars. «Au vu des intentions de vote exprimées et des tendances en matière de formation de l’opinion qui vont dans le même sens, on peut exclure un vote de protestation à l’échelle nationale», relèvent les sondeurs.
Cette situation n’a rien d’exceptionnel: il est en effet courant que le soutien à une initiative, qui peut de prime abord paraître attractive aux yeux de nombreux votants, diminue au fur et à mesure de l’avancement de la campagne et de la mise en avant de ses faiblesses par les opposants au projet. Ces deux derniers mois, une vaste offensive a été lancée contre «No Billag», mobilisant contre elle de nombreuses personnalités dans les milieux politiques, culturels ou sportifs du pays.
Vers un «oui» du Tessin?
C’est surtout en Suisse alémanique que le «non» à l’initiative a réalisé une progression remarquée: près de 66% des votants germanophones seraient prêts à refuser l’initiative, contre 59% il y a un mois. En Suisse romande, le soutien à l’initiative a au contraire légèrement progressé, passant de 28 à 31%. La majorité en faveur du «non» y reste toutefois stable et décidée, selon l’institut gfs.bern.
Le sondage
Pour ce deuxième sondage, l’institut gfs.bernLien externe a interrogé un panel représentatif de 1400 citoyens. Les interviews ont été réalisées par téléphone entre le 7 et le 14 février.
Le sondage est réalisé sur mandat de la Société suisse de radiodiffusion SSR SRG, dont fait partie swissinfo.ch.
La marge d’erreur est de +/- 2,7 points.
Pour des raisons liées à la protection des données, les enquêteurs n’ont pas accès aux coordonnées des Suisses établis à l’étranger.
L’évolution est en revanche plus surprenante au Tessin, où le «oui» a fait un grand bond en avant. Alors qu’ils n’étaient que 23% à plébisciter l’initiative à la mi-janvier, les Tessinois sont aujourd’hui totalement partagés sur le sort à réserver à ce texte qui s’attaque pourtant frontalement au plus grand employeur du canton, la Radiotelevisione svizzera (RSI).
Si le vote avait eu lieu le 14 février, 48% des Tessinois auraient accepté «No Billag» et 48% l’auraient rejetée – les 4% restants étant encore indécis. «Il est possible que les mots d’ordre de la Lega [droite populiste] et de l’UDC en faveur du ‘oui’ puissent se solder par un vote protestataire au Tessin», estiment les auteurs du sondage.
Le soutien diminue à l’UDC
Sans surprise, c’est parmi les partisans de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) que l’on trouve le plus de voix favorables à la suppression des redevances radio et télévision. Reste que la majorité en faveur du «oui» s’est largement estompée au sein de la seule formation politique d’importance à s’être prononcée en faveur de l’initiative «No Billag» (-10 points en un mois pour atteindre 56%).
Le soutien à l’initiative s’érode ensuite au fur et à mesure que l’on glisse vers la gauche de l’échiquier politique. Les sympathisants du Parti libéral-radical et du Parti démocrate-chrétien rejettent le texte à respectivement 72% et 77%. Le refus est plus massif encore chez les Verts (85%) et au Parti socialiste (86%).
Quant au fossé générationnel observé lors du premier sondage, il s’est lui aussi résorbé au fur et à mesure de l’avancement de la campagne. Les jeunes électeurs de 18 à 30 ans, que l’on qualifie souvent de «génération Netflix», ne semblent plus séduits par l’argument du «je paie ce que je consomme» avancé par les initiants. Les jeunes se montrent encore un peu plus favorables au ‘oui’ que leurs aînés, mais cela ne suffira certainement pas à obtenir une majorité en faveur de l’initiative dans cette tranche d’âge, soulignent les auteurs de l’enquête d’opinion.
La Confédération pas au régime minceur
Si l’initiative «No Billag» est sous le feu des projecteurs et suscite un débat passionné en Suisse et à l’étranger, il en va tout autrement de l’autre objet soumis au vote le 4 mars. L’enjeu est pourtant de taille, puisque le peuple doit décider s’il autorise la Confédération à prélever l’impôt fédéral direct (IFD) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ses deux principales sources de revenus, pour une nouvelle période de 15 ans.
Mais là aussi, le suspense ne devrait pas durer très longtemps à l’occasion du prochain dimanche de votation. Selon le sondage, le nouveau régime financier de la Confédération serait approuvé par près de 3 Suisses sur 4. L’arrêté fédéral, qui n’est combattu par aucun parti, n’est rejeté que par 16% des votants, alors que 10% sont encore indécis.
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