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«Nous voulons renverser la situation»

Ronja Jansen, Praesidentin der JUSO Schweiz
Ronja Jansen, présidente de la Jeunesse socialiste suisse. Keystone/Alessandro Della Valle

La présidente de la Jeunesse socialiste suisse (JSS) exige plus d’équité. Dans un entretien, Ronja Jansen explique pourquoi son parti a lancé l'initiative 99% et quelles en seraient les bénéfices.

Lancée par la Jeunesse socialiste suisse (JSS), l’initiative 99% sera soumise au vote le 26 septembre prochain. Le texte propose de taxer à 150% les parts du revenu du capital dépassant un certain montant (la JSS évoque un seuil de 100 000 francs suisses). Le régime fiscal actuel n’est pas équitable et la redistribution s’avère insuffisante, selon la JSS.

La présidente de la JSS, Ronja Jansen, est engagée dans le comité pour le «Oui à l’initiative 99%», qui a été soumise par son parti avec le slogan suivant: «L’argent ne travaille pas – toi oui!». La jeune Bâloise est membre de la présidence du Parti socialiste suisse.

swissinfo.ch: Madame Jansen, les gains en capital sont imposés par les cantons et les communes. Pourquoi vouloir encore un impôt au niveau fédéral?

Ronja Jansen: L’initiative demande de multiplier par 1,5 l’imposition des revenus du capital. Cela devrait s’appliquer à tous les niveaux, de sorte qu’au final plus d’argent soit disponible à l’ensemble des échelons gouvernementaux. Le service public en particulier est très souvent assuré par les cantons, c’est pourquoi nous voulons que l’argent revienne à ce niveau et profite à la population active.

Et pourquoi 1,5? Pourquoi pas un facteur semblable à celui appliqué aux revenus du travail?

Les revenus du capital, tels que les dividendes et les bénéfices des actions, ne proviennent pas du travail. Nous estimons que les gens doivent payer un peu plus d’impôts sur ces gains. C’est une toute petite minorité qui profite de ces revenus sans travail, les 1% les plus riches. Lesquels peuvent tout à fait supporter une imposition quelque peu plus élevée sur les revenus de leur capital.

>> Notre focus sur l’initiative: 

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Même au sein du PS, des voix critiques s’élèvent. Elles dénoncent le fait que tous les types de revenus ne seraient pas imposés de la même manière, ce qui créerait de nouvelles inégalités. Que répondez-vous à cela?

Il n’existe pratiquement plus aucune de ces voix au sein du PS. Lorsque le PS Suisse a adopté son slogan, il n’y a pas eu un seul vote contre l’initiative. Le parti la soutient unanimement. Même les représentants de la plate-forme réformiste [l’aile sociale-libérale du parti, NDLR] comme Daniel Jositsch ont approuvé l’initiative des 99% au Parlement.

Concernant l’inégalité de traitement entre les différentes formes de revenus, ce n’est pas un élément que la JSS veut introduire, mais bel et bien un élément déjà courant aujourd’hui. Par exemple, si vous êtes un actionnaire important, vous êtes imposé à un taux privilégié: les dividendes ne sont imposables qu’à 50 à 70%. Nous voulons renverser la situation: le travail salarié ne devrait plus être imposé plus lourdement que les revenus du capital.

Au-delà d’un certain montant. Ce montant n’a pas encore été déterminé par le texte de l’initiative. La JSS évoque un seuil de 100 000 francs. Comment cette limite a-t-elle été définie?

Seuls les 1% les plus riches de la population gagnent 100 000 francs de revenus du capital. Si l’on applique un rendement de 3,3%, soit un taux plutôt modeste, il faut avoir investi plus de trois millions de francs en actions pour être concerné par l’initiative.

Nous ne voulons pas faire peser l’initiative sur les petits épargnants, mais sur ceux qui possèdent un capital tel qu’ils ne doivent plus travailler. Et, à notre avis, c’est le cas à partir d’un seuil de 100 000 francs.

Les personnes ne devant pas travailler sont particulièrement mobiles. N’y a-t-il pas un risque que ce groupe, qui paie déjà des impôts sur les dividendes, tourne le dos à la Suisse?

La droite revient avec cet affreux argument à chaque initiative de gauche, alors qu’il a été à maintes reprises réfuté par des études et la pratique. La Suisse dispose d’une grande marge de manœuvre dans ce domaine. Son attractivité ne repose pas uniquement sur son modèle fiscal. D’autres facteurs sont importants: la stabilité politique, les infrastructures, le haut niveau d’éducation.

L’argument est en outre discutable d’un point de vue démocratique. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être soumis au chantage d’une petite minorité qui veut s’assurer des avantages aux dépens de la population.

Le Conseil fédéral a critiqué le fait que le texte légal était flou, en particulier la définition des termes actifs et capitaux. Sur quels éléments exactement la nouvelle taxe doit-elle s’appliquer?

Le but de l’initiative est très clair, il figure déjà dans le titre: nous voulons soulager 99% de la population. Il est tout à fait normal que la mise en œuvre exacte d’une initiative populaire ne soit précisée qu’au cours du processus législatif. Malheureusement, nous sommes désormais habitués à ce que les opposants tentent de discréditer une initiative, en la jugeant trop détaillée ou trop vague.

Nous avons opté pour une approche sans trop de détails dans le texte constitutionnel. Car c’est aussi l’objectif des textes d’initiative: ceux-ci sont inscrits dans la Constitution et il n’y a guère de sens à définir dans ce cadre des taux d’imposition précis ou d’autres limites financières.

En 1977, les Suisses ont rejeté par 55% l’initiativeLien externe «en vue de l’harmonisation fiscale, d’une imposition plus forte de la richesse et du dégrèvement des bas revenus». Après cela, les projets de loi visant une redistribution des richesses du haut vers le bas ont échoué à la majorité. Pourquoi serait-ce différent cette fois-ci?

Au cours des dernières décennies, les entreprises et les plus riches ont été massivement soulagés. Chaque année, la Confédération, les cantons et les communes ont perdu au moins cinq milliards de francs en raison de ces réductions d’impôts – et les inégalités se sont creusées dans le même temps. La pression pour agir a donc nettement augmenté.

Il me semble que nombreuses sont les personnes parmi la population à ressentir également cela. La Suisse compte beaucoup plus de gens touchés par la pauvreté et la pression exercée sur la classe moyenne s’est aussi fortement accrue. Les primes d’assurance maladie augmentent, les loyers sont de plus en plus chers, alors que les salaires stagnent. Nous sommes convaincus que des contre-mesures sont nécessaires.

L’OCDE souhaite introduire une fiscalité internationale des entreprises et la question de l’équité fiscale est de plus en plus abordée dans de nombreux pays. Le temps de la déréglementation est-il terminé? L’heure d’un État fort a-t-elle sonné?

Je ne veux pas revenir en arrière, mais me tourner vers un avenir progressiste. Nous vivons une période où le consensus dominant en matière de politique économique est en train de se dissoudre. Des institutions comme le Fonds monétaire international ou l’OCDE affirment désormais ceci: «Nous avons exagéré avec l’allègement pour les plus riches. Il faudrait peut-être les taxer un peu plus.»

À cet égard, notre initiative s’inscrit dans l’esprit du temps. J’espère que cela ne se limitera pas à la Suisse, mais que la tendance mondiale se poursuivra. Nous voulons soulager la population active et responsabiliser les riches qui s’enrichissent toujours plus. L’objectif de l’initiative est raisonnable.

Selon les opposants, les PME risquent d’être privées de ressources financières qui manqueraient alors pour les investissements, la recherche et le développement ou pour leurs salariés. Leur conclusion: la JSS vise les super-riches, mais toucherait au final la classe moyenne.

L’argument est complètement farfelu. La droite le brandit à chaque fois que la gauche réclame plus d’équité, et peu importe la nature exacte de la proposition. Nous avons toujours été clairs sur les personnes concernées ou non par l’initiative. Le nouvel impôt ne frappe pas les entreprises, mais les personnes physiques dont le revenu du capital dépasse 100 000 francs. Pour percevoir un tel montant, un investissement d’au moins trois millions en actions est nécessaire. Ainsi, seuls les 1% les plus riches de la population sont touchés.

S’agissant des entreprises, la plupart des PME ne dégagent pas tant de bénéfices au point de pouvoir payer ce montant en revenu du capital. Nous n’avons aucun intérêt à taxer davantage les propriétaires de PME, cette inquiétude n’est pas fondée.

D’ailleurs, de plus en plus de PME se plaignent et nous contactent. Elle veulent s’engager en faveur de l’initiative, nous disant: «Je ne peux pas soutenir tout ce qui est dit en notre nom.» Une affirmation révélatrice, je pense.  

>> Le conseiller national Andri Silberschmidt (PLR/ZH) s’oppose à l’initiative 99%. Dans un entretien, il expose ses arguments.

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