Opération coup de poing de la Chine au Conseil des droits de l’homme
La principale session du Conseil des droits de l’homme a vécu à l’heure chinoise ce mois de mars. L’approche «constructive et mutuellement bénéfique» défendue par Pékin au même endroit l’année dernière s’est traduite par une défense musclée et répétée de sa politique au Xinjiang. Les dénonciations des exactions commises à l’encontre des minorités musulmanes dans la région autonome seraient tout simplement mensongères, selon la Chine.
C’est avec toute la panoplie des Etats cherchant à faire taire les critiques dans les enceintes internationales que les représentants du gouvernement chinois ont débarqué à Genève pour la 40e sessionLien externe du Conseil des droits de l’homme (CDH).
Mobilisation des Etats amis pour vanter les mérites de Pékin, pressions sur les autres diplomates pour qu’ils ne participent pas à des réunions critiquant les violations massives des libertés et des droits de l’homme en Chine, interventions d’ONG aux ordres de Pékin et même une exposition sur le formidable développement des droits humains au Xinjiang organisée par la mission chinoise à Genève et la China society for human rights studies Lien externeaux abords de la salle du CDH et de celles qui accueillaient des réunions sur la Chine.
«Je suis les travaux des instances onusiennes dévolues aux droits de l’homme depuis 1980. Et je n’ai jamais vu, ici au Palais des Nations, une telle force de frappe déployée par un Etat pour étouffer les critiques», souligne Adrien Claude Zoller, directeur de Genève pour les droits de l’hommeLien externe, une ONG de formation pour la société civile.
Même constat pour John FisherLien externe, représentant à Genève de Human Rights Watch: «Je n’ai jamais vu au CDH une pression si forte et des intimidations pareilles sur des diplomates et des ONG de la part d’un gouvernement.» Une attitude déjà dénoncée par l’organisation de défense des droits humains en 2017.
+ La Chine nourrit le climat de Guerre froide au Conseil des droits de l’homme (23’03’18)
Fébrilité chinoise
Adrien Claude Zoller estime que la Chine a surréagi à Genève et miné sa crédibilité. Il explique la fébrilité de la délégation chinoise par la crainte de Pékin qu’une résolution soit déposée au CDH portant sur la création d’une commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme au Xinjiang. C’est en effet ce qu’a demandé une vaste coalition d’ONG avant la session du CDH. Lors de cette même session, le gouvernement chinois devait aussi prendre position sur les recommandations formulées par les Etats lors de son 3e Examen périodique universelLien externe passé en novembre dernier.
A cette occasion, le vice-ministre des affaires étrangères de la République populaire de Chine, Le Yucheng, a qualifié de mensongères les informations dénonçant notamment l’existence de camps d’internement au Xinjiang où seraient détenus un million de Kazakhs, Turkmènes et Ouigours de confession musulmane, soit les minorités ethniques vivant dans la région autonome.
Le vice-ministre a invoqué les attaques terroristes commises dans cette région par le passé: «Des mesures ont dû être prises avec le soutien de la population, notamment la création de centres de formation qui ne sont en rien des camps d’internement.»
Bienvenue au Xinjiang
Un argumentaireLien externe martelé lors de cette session chaque fois que la Chine était mise en cause à propos du Xinjiang. Et ce dès le début de la session. Lors de son discoursLien externe, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a précisé être en discussion avec le gouvernement chinois pour permettre «une évaluation indépendante des allégations de disparitions forcées et de détentions arbitraires, en particulier dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang».
Réfutant lesdites allégations, la délégation chinoise a invité «quiconque souhaite visiter le Xinjiang à le faire, sous réserve de faire preuve d’honnêteté et de respect de la souveraineté de la Chine.»
#SwitzerlandLien externe concerned over #HumanRightsLien externe situations in #VenezuelaLien externe (arrests during #protestsLien externe), #ChinaLien externe (so called “re-education camps” in #XinjiangLien externe), #TurkmenistanLien externe (#enforcedLien externe disappearances) and #SudanLien externe (arrests of #protestersLien externe). Full statement: https://t.co/4nhUUFhpTFLien externe #HRC40Lien externe pic.twitter.com/vWCVlKxXa0Lien externe
— SwitzerlandUN (@swiss_un) March 12, 2019Lien externe
Une timide ouverture relevée par la diplomatie helvétique: «La Suisse salue la disposition de la Chine à ouvrir partiellement l’accès aux centres de rééducation à Xinjiang pour certains diplomates et journalistes. La Chine devrait également accorder un accès sans entrave à la Haut-Commissaire et aux procédures spéciales pour y mener une investigation indépendante.»
Résultat: aucune résolution sur la Chine n’a finalement été déposée. Au nom de l’Organisation de la coopération islamique, le Pakistan a même loué la Chine pour le soin qu’elle apporte à ses citoyens musulmans.
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