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Martina Bircher, de l’instinct politique et un agenda conservateur

Martina Bircher
Martina Bircher admet qu'il faut un peu de temps pour s’habituer aux procédures parlementaires complexes au niveau national, mais elle est déjà intervenue dans les débats. Thomas Kern/swissinfo.ch

Martina Bircher s’est engagée à poursuivre la répression des abus de l’asile et des fraudes à l’aide sociale. Elle se dit motivée par son grand sens de la justice, mais ses critiques voient en elle une conservatrice intransigeante typique.

Le premier contact avec la nouvelle conseillère nationale révèle une acuité surprenante. Alors que nous cherchons à fixer un rendez-vous pour une interview d’une demi-heure, elle jette un coup d’œil sur mon bloc-notes et, sans y être invitée, corrige une inexactitude dans mes notes.

Lorsque nous nous retrouvons dix jours plus tard pendant la session des Chambres fédérales, elle arrive bien préparée et répond sans hésitations.

«Je suis une battante. Je veux lutter contre les abus, concrètement», dit Martina BircherLien externe. Âgée de 35 ans, la nouvelle conseillère nationale est précédée par une réputation de championne intransigeante de la loi et de l’ordre, en particulier sur les questions d’asile et de sécurité sociale.

Elle l’a acquise par ses prises de positions au parlement argovien et à l’exécutif d’Arburg, une petite ville située à une cinquantaine de kilomètres de Zurich. L’an dernier, elle a fait les titres de la presse bien au-delà des frontières de son canton lorsqu’elle a exigé une réduction des prestations sociales et des mesures de contrôle des naissances, en particulier pour les familles de requérants d’asile. 

Les citoyens suisses ont élu en octobre dernier le Parlement le plus féminin de l’histoire du pays. Même si la parité n’est y pas encore atteinte, les politiciennes représentent désormais 42% des députés de la Chambre basse. Pour marquer le coup, swissinfo.ch a décidé de faire le portrait de huit nouvelles élues issues de huit partis.

Pourquoi cette proposition controversée? Arburg compte dans le canton un pourcentage record de bénéficiaires de l’aide sociale.

Mettre fin aux abus

Martina Bircher, qui est aussi mère, dit que son engagement politique est motivé par un très fort sens de la justice. «Je veux améliorer les choses. Et quand il y a des problèmes, je veux les résoudre au niveau politique.» En tant que femme mesurant environ 1 mètre 60, elle explique que c’est peut-être en raison de cette petite taille qu’on l’a déjà sous-estimée plusieurs fois dans sa vie.

Elle semble avoir été particulièrement marquée par une expérience qui remonte à ses années d’école. «Un enseignant m’a lancé au visage que je n’étais pas assez intelligente pour devenir autre chose que mère au foyer.» Elle a réagi et elle est maintenant fière de travailler comme spécialiste financière à la Poste suisse tout en étant engagée en politique et en élevant un petit garçon.

Elle affirme qu’elle veut rester authentique, faire les choses à sa manière et progresser pas à pas. A-t-elle des modèles? «Je me fie à mon intuition, à ce que je crois bon». Elle est cependant fascinée par Sebastian Kurz, le jeune conservateur qui est à la tête du gouvernement autrichien.


Bircher and a fellow parliamentarian
Martina Bircher (à droite) et sa collègue Esther Friedli sont toutes deux vues comme de nouvelles parlementaires prometteuses pour l’UDC. Keystone/Marcel Bieri

Interrogée sur ses propres ambitions, sa réponse n’est pas très différente de celle de nombreux autres politiciens: «Jusqu’à maintenant, beaucoup de choses sont arrivées par hasard. D’ailleurs pour moi, en politique, l’important n’est pas ma carrière, mais comment améliorer les choses dans le pays sur la base de mes propres valeurs.»

Instinct politique

Martina Bircher est vue dans son parti comme une jeune politicienne prometteuse. À gauche cependant, ses opposants critiquent son style, la jugeant rude et vulgaire. Ils reconnaissent qu’elle a un bon instinct politique, mais dénoncent une froide tacticienne qui utilise habilement les médias. Au niveau local, ils voient en elle une petite soldate empressée de mettre en œuvre le programme très conservateur de l’état-major national de son parti.

Une députée qui a siégé en même temps qu’elle au parlement argovien montre plus de bienveillance. Pour elle, Martina Bircher «a apporté une bouffée d’air frais. Elle est jeune, ambitieuse et plutôt impétueuse», mais avec un sens de ce qui est possible en politique. Elle sait aussi de quoi elle est capable et se fixe des objectifs élevés. Une autre politicienne locale de centre droit relève qu’elle ne mâche pas ses mots et est bien consciente de ses qualités.

Première session

Martina Bircher est entrée jeune en politique. Elle avait 19 ans quand elle a adhéré à l’Union démocratique du centre (UDC), le grand parti de la droite conservatrice. Elle l’a fait d’elle-même, sans liens familiaux et apparemment sans plan de carrière.

Martina Bircher a été élue à l’exécutif d’Aarburg en 2014 et elle y dirige les affaires sociales, la santé et la jeunesse. Elle a siégé au Parlement argovien de 2017 jusqu’à son élection au Conseil national en octobre 2019.

Une quinzaine d’années plus tard, elle fait maintenant ses premiers pas sur la scène politique nationale, après avoir accumulé une certaine expérience dans un exécutif communal et un législatif cantonal. Elle dit qu’elle n’était pas vraiment sûre d’être à la hauteur de la tâche et ajoute avoir été frappée par la complexité des procédures du système parlementaire bicaméral fédéral, en comparaison à ce qu’elle avait connu au niveau cantonal. Elle s’est cependant rapidement impliquée dans les débats sur le système de santé et la légalisation du cannabis, bien que jusque-là ses domaines de prédilection aient été l’aide sociale et l’asile.

La politicienne ajoute qu’elle a «une ou deux idées qui risquent bien de faire du bruit». Elle voudrait que le Parlement limite les prestations de la sécurité sociale, en particulier pour les réfugiés qui en reversent une partie à leurs familles à l’étranger, a-t-elle indiqué au Zofinger Tagblatt, un quotidien local.

Son profil politique

Le graphique ci-dessous illustre le profil politique de Martina Bircher sur la base de ses réponses au questionnaire smartvote. Il met en évidence ses positions restrictives sur l’asile et l’État social – et ses prédilections pour la loi et de l’ordre, le «moins d’État» et le libéralisme économique.


Smartvote Martina Bircher
sotomo.ch

Plus concrètement, la nouvelle conseillère nationale UDC soutient la hausse de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans. Elle s’oppose en revanche à l’augmentation de la taxe sur le CO2 actuellement en discussion au Parlement. «Dans ce domaine, c’est aux citoyens de prendre leurs responsabilités. L’État n’a pas à s’en mêler et d’ailleurs il y a déjà des mesures volontaires.»

Martina Bircher estime en outre que l’État doit examiner la possibilité d’un service obligatoire pour les femmes. «Pas nécessairement dans l’armée, mais peut-être dans le domaine social ou dans la protection de la population», dit-elle.

À propos du e-voting, une question importante parce qu’elle concerne directement la démocratie directe, Martina Bircher partage les critiques selon lesquelles les systèmes actuels sont trop vulnérables au piratage informatique. «Le vote électronique est en principe une bonne idée et les Suisses de l’étranger en profiteraient certainement, mais les risques sont trop grands.»

Elle rejette cependant catégoriquement l’idée d’abroger les droits politiques des citoyens suisses disséminés dans le monde au prétexte qu’ils ne payent pas d’impôts en Suisse. Elle ne souhaite pas non plus qu’ils en soient privés au-delà de la deuxième ou de la troisième génération d’émigrés. Elle est d’ailleurs membre honoraire de la section Espagne de l’UDC International et remarque: «Ils ne me pardonneraient jamais de soutenir une telle idée.»

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(Traduction de l’anglais: Olivier Huether)

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