On s’attendait à des changements, mais pas d’une telle ampleur
Pour les politologues, le résultat des élections de dimanche n'est pas surprenant. Ils ne s'attendaient toutefois pas à des changements aussi importants pour les partis gouvernementaux.
Selon les experts, l’issue du scrutin – qui a vu une forte avancée de la droite nationaliste – ne devrait pas trop écorner l’image de la Suisse à l’étranger sur le long terme.
«Ce résultat ne me surprend pas, mais je ne m’attendais pas à ce que la victoire de l’Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste) puisse atteindre de telles dimensions», déclare la politologue Regula Stämpfli.
La réaction de Regula Stämpfli est partagée par les autres observateurs contactés par swissinfo. A leurs yeux, le succès de l’UDC n’est finalement pas étonnant. Ce parti a réussi à faire parler de lui tout au long de la campagne, bien aidé en cela par ses adversaires et les médias. Dimanche, il en a donc recueilli les fruits.
Durant cette campagne, il a beaucoup été question de la réélection de Christoph Blocher au gouvernement, en décembre prochain. Les résultats de ces élections font de l’éviction du chef de fil de l’UDC un scénario de science-fiction. On voit mal, en effet, quel parti endosserait la responsabilité de rejeter le parti le plus puissant – et de loin – du pays dans l’opposition et risquer ainsi de faire voler en éclat la politique du consensus chère à la Suisse.
«Ce serait très curieux d’imaginer un gouvernement sans UDC, déclare Pascal Sciarini, directeur du département de sciences politiques de l’Université de Genève. Ce qui serait plus plausible, ce serait un gouvernement sans le Parti socialiste, car les socialistes sont en chute, alors que les trois partis de droite ont une très confortable majorité qui leur permettrait d’aborder les votes au Parlement, voire les référendums, de manière très sereine.»
L’écologie a le vent en poupe
L’autre grand vainqueur de ces élections est l’écologie. Le Parti écologiste suisse a réussi son parti en flirtant avec la barre symbolique des 10% de voix et en parvenant même à entrer à la Chambre haute. Par ailleurs, plus à droite, le mouvement écologique libéral, qui n’existait pas encore il y a quatre ans, a réussi une belle percée.
Cette avancée des écologistes s’est fait essentiellement au détriment du Parti socialiste qui, en descendant en dessous de la barre des 20%, a connu un véritable «dimanche noir». Ce report d’une partie des voix des socialistes vers les écologistes n’est pas étonnant.
En effet, les écologistes peuvent actuellement surfer sur une thématique – le changement climatique – qui est dans l’air du temps. «Quant aux socialistes, ils se sont écroulés surtout en Suisse alémanique, où ils se sont distanciés de leurs thèmes traditionnels, comme les problèmes de la société, des travailleurs ou des assurances sociales, commente le politologue Ernest Weibel. En Suisse romande, où ils restent plus proches de ces thèmes, ils ont mieux résisté.»
Reste à voir maintenant si cette percée des Verts peut durer. Une étude de l’Université de Berne montre que les élus verts sont ceux qui votent le plus à contre-courant du Parlement. Par ailleurs, leurs initiatives populaires sont balayées par le peuple. Il semble donc y avoir un décalage entre le succès des Verts lors des élections et leur efficacité réelle. L’avenir dira comment ce décalage est perçu par les citoyens.
Duel fratricide au centre
A l’issue de ces élections fédérales, on ne sait plus vraiment qui est le leader du centre de l’échiquier politique. Traditionnellement, le Parti radical-démocratique (PRD / droite) disposait d’une bonne longueur d’avance sur le Parti démocrate-chrétien (PDC / centre droit). Mais désormais, les deux partis sont pratiquement à égalité.
Mais au-delà des chiffres, une tendance se confirment. Comme les sondages l’annonçaient, les radicaux se trouvent bel et bien sur une pente descendante, alors que les démocrates-chrétiens reprennent du poil de la bête après des années de vaches maigres.
Avec les résultats de dimanche, les démocrates-chrétiens semblent en mesure de revendiquer le siège gouvernemental perdu au profit de l’UDC. Et, mathématiquement parlant, ce second siège démocrate-chrétien ne pourrait être repris qu’aux radicaux.
Mais les jeux sont loin d’être faits. Les démocrates-chrétiens ne peuvent regagner leur siège qu’avec le soutien de la gauche. Quant à l’UDC, elle devait logiquement soutenir les radicaux, plus à droite. Les deux blocs étant plus ou moins de même force, les jeux restent ouverts.
Image écornée
Au final, ces élections ne changent pas grand-chose dans le paysage politique suisse. Comme d’habitude, le Parlement reste largement dominé par les partis de droite.
Mais la force de l’UDC est une nouvelle fois confirmée, ce qui n’est pas sans poser de problèmes pour l’image de la Suisse à étranger. Au cours de la campagne déjà, les médias étrangers s’étaient émus de la campagne xénophobe de ce parti.
«L’image de la Suisse ne va pas s’arranger, déclare Pascal Sciarini. Je ne me réjouis pas, demain, des dizaines de téléphones que je vais recevoir de la presse étrangère pour me demander de commenter ces résultats. Il y a une véritable inquiétude à l’étranger par rapport à ce qui ce passe en Suisse.»
«Il va être compliqué de leur expliquer que l’UDC n’est pas véritablement de l’extrême droite comme par exemple le Front national en France, poursuit-il. Car lorsque les étrangers voient les affiches de l’UDC, pour eux, c’est la même chose.»
«Je pense que les amis de la Suisse seront probablement un peu désappointés, renchérit Clive Church, politologue à l’Université du Kent. Cela ne va pas encourager l’Union européenne à avoir des illusions sur le désir de la Suisse de la rejoindre.»
Mais les réactions ne devraient pas avoir trop d’effet à long terme. «Je ne crois pas qu’il y aura des répercussions. Lorsqu’il y a eu l’avancée de l’extrême droite en Autriche ou dans d’autres pays, les réactions se sont éteintes très rapidement», conclut Ernest Weibel.
swissinfo, Olivier Pauchard
La participation pour l’élection du Conseil national a atteint 48,8%. C’est 3,6% de plus qu’en 2003, et c’est même le taux le plus élevé depuis 1975.
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