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Optimisme prudent sur l’accord nucléaire avec l’Iran

Mahmoud Ahmadinejad sur le site nucléaire de Natanz. Malgré l’accord, l’Iran continuera à enrichir de l’uranium sur son sol. Keystone

Téhéran a accepté d’envoyer la plus grande partie de son uranium enrichi en Turquie. Cet accord, négocié entre les leaders de l’Iran, du Brésil et de la Turquie, est presque identique à celui proposé il y a sept mois en Suisse.

La décision annoncée ce lundi pourrait éloigner les menaces de sanctions internationales contre le programme nucléaire de la république islamique, mais certains se demandent aussi s’il ne s’agit pas d’une simple tentative de gagner du temps.

«Ils acceptent maintenant ce qu’ils avaient refusé il y a plusieurs mois», déclare Bruno Pellaud à swissinfo.ch. Le physicien suisse et ancien directeur général adjoint de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à Vienne dit rester «particulièrement prudent avec les Iraniens, car ils peuvent être parfois très retors». Mais il espère néanmoins que l’accord «restera substantiel».

Les termes de l’accord passé dimanche à Téhéran prévoient que l’Iran expédie 1200 kilos d’uranium faiblement enrichi en Turquie, où il sera enrichi et rendu à l’Iran dans un délai d’un an. Cet uranium pourrait ainsi servir pour un réacteur de recherche médicale, mais ne serait pas suffisamment riche pour en faire une bombe.

Lors des discussions qui avaient eu lieu à Genève début octobre 2009, les Etats-Unis, la Russie et la France avaient proposé que l’Iran livre la même quantité d’uranium faiblement enrichi à la Russie et à la France qui auraient pu l’enrichir pour en faire le carburant dont Téhéran a besoin, le tout sous la supervision de l’AIEA.

Dans une premier temps, l’Iran avait accepté la proposition avant de la refuser en invoquant le manque de confiance.

«Fondamentalement, nous sommes de retour au 1er octobre 2009, note Bruno Pellaud. Mais le train des sanctions est en marche. Il sera intéressant de voir si les Etats-Unis et les Occidentaux peuvent changer le cours des choses et rouvrir des négociations. L’Iran les a mené par le bout du nez».

«Respect mutuel»

Les Iraniens ont probablement senti la menace d’un nouvel appel aux sanctions par les Américains, des sanctions qui selon Bruno Pellaud pourraient être bien plus drastiques que tout ce qui a été proposé à ce jour. Et on a vu les officiels iraniens organiser des dîners et des rencontres avec certains membres du Conseil de sécurité des Nations Unies pour expliquer leur position.

Juste après l’annonce de l’accord sur l’échange de combustible nucléaire, le président Mahmoud Ahmadinejad a appelé les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne à reprendre les discussions sur des base «d’honnêteté, de justice et de respect mutuel». Une déclaration qui fait écho à celle du président américain Barack Obama, qui a tenté de renouer avec l’Iran après des années d’isolement.

Tandis que le Brésil et la Turquie estiment qu’il n’y a pas lieu d’imposer des sanctions, d’autres ont réagi avec prudence à l’annonce de l’accord. Ainsi, l’encre des signatures n’était pas encore sèche que Téhéran annonçait déjà qu’il ne cesserait pas d’enrichir de l’uranium sur son propre territoire. Et même si l’Iran assure que ses ambitions nucléaires sont pacifiques, le processus pourrait tout de même conduire à la production d’une bombe.

Toutefois, l’exportation hors d’Iran d’uranium faiblement enrichi ralentirait le développement d’une telle bombe, qui nécessite du carburant hautement enrichi.

«L’uranium faiblement enrichi est un très bon point de départ si vous voulez en faire un usage militaire, explique Bruno Pellaud. C’est comme un cake précuit, qu’il suffit de passer quelques minutes au micro-ondes avant de l’apporter sur la table».

Prudence et scepticisme

Les Etats-Unis et leurs alliés «éprouvent toujours de graves inquiétudes» au sujet du dossier nucléaire iranien, a affirmé lundi la Maison Blanche. Elle n’a toutefois pas rejeté catégoriquement l’accord passé sous médiation turque et brésilienne sur un échange d’uranium.

Les puissances européennes et la Russie ont réagi avec une prudence teintée de scepticisme. A Londres comme à Paris, on dit attendre de connaître les détails du texte pour se prononcer sur le fond, mais dans les trois capitales, il n’était pas question dans l’immédiat de renoncer à envisager de nouvelles sanctions contre l’Iran.

Ainsi, Londres a jugé que les négociations en vue de ces mesures devaient se poursuivre. «L’Iran a l’obligation d’assurer la communauté internationale de ses intentions pacifiques», déclare Alistair Burt, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, dans un communiqué.

Pour le ministère français des Affaires étrangères, l’accord ne résout pas les problèmes de fond que pose le programme nucléaire de Téhéran. Et le porte-parole du Quai d’Orsay, Bernard Valero, de déplorer les «violations constantes» de ses obligations internationales par l’Iran.

Le président russe Dmitri Medvedev a jugé quant à lui que les questions que se pose la communauté internationale sur le programme nucléaire iranien restaient sans réponse. Mais il a suggéré une «pause» dans les consultations sur les sanctions, afin d’analyser la nouvelle situation créée par le nouvel accord.

A Bruxelles comme à Berlin enfin, on insiste sur la nécessité d’examiner en détail les modalités de l’accord avant de se prononcer sur le fond.

Tim Neville, swissinfo.ch, avec les agences
(Traduction et adaptation de l’anglais: Marc-André Miserez)

Premier obstacle L’accord conclu lundi a permis de franchir un «premier obstacle» dans la résolution de la crise, a estimé le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).

Nouvel élan Il permet d’espérer à un nouvel élan dans les négociations avec la communauté internationale.

Un pas «La Suisse s’est toujours engagée en faveur d’une solution diplomatique» dans cette crise et «a exigé de l’Iran une collaboration active avec l’AIEA», l’Agence internationale de l’énergie atomique. L’accord conclu lundi est «un pas dans cette direction», indique le DFAE dans une prise de position.

2005
8.08 Quelques jours après la prise de fonction du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, l’Iran reprend des activités nucléaires dans son usine de conversion d’uranium d’Ispahan, suspendues depuis 2004.

2006
10.01 L’Iran lève les scellés de plusieurs centres de recherche nucléaire.
5.02 L’Iran cesse d’appliquer le protocole additionnel du Traité de non prolifération.
11.04 L’Iran annonce avoir procédé à son premier enrichissement d’uranium (3,5%), puis 4,8% en mai.
31.07 Le Conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 1696 enjoignant l’Iran de cesser ses opérations d’enrichissement sous peine de sanctions.
23.12 Sanctions économiques de l’ONU (renforcées en mars 2007 puis en mars 2008).

2007
9.04 L’Iran annonce être passé à l’enrichissement industriel.

2008
26.07 Ahmadinejad déclare que l’Iran possède 5000 à 6000 centrifugeuses.

2009
9.04 L’Iran inaugure à Ispahan la première usine de fabrication de combustible nucléaire et annonce avoir installé 7000 centrifugeuses à Natanz.
5.06 L’Iran a accumulé 1339 kilos d’uranium faiblement enrichi UF6, estime l’AIEA (environ 2065 kilos actuellement).
25-28.09 La révélation d’un site secret d’enrichissement à Fordoo près de Qom provoque un tollé.
21.10 L’AIEA propose à Téhéran qu’il livre une grande partie de son uranium faiblement enrichi à la Russie, chargée de l’enrichir avant d’être transformé en France en combustible pour le réacteur de recherche de Téhéran. Offre rejetée le 18 novembre.

2010
9.02 L’Iran commence à enrichir de l’uranium à 20% à Natanz.
18.02 L’AIEA s’inquiète d’informations selon lesquelles Téhéran pourrait être en train de fabriquer l’arme atomique.
6.05 L’Iran invite à dîner à New York les 15 membres du Conseil de sécurité de l’ONU.
17.05 L’Iran, la Turquie et le Brésil adoptent une proposition d’échange sur le territoire turc de combustible nucléaire iranien contre de l’uranium enrichi à 20%. L’Iran dit cependant qu’il continuera à enrichir l’uranium à 20%.

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