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Pas de réformes en vue au Kirghizistan

Les habitants commence à effacer les traces du soulèvement. Keystone

Le gouvernement de transition du Kirghizistan a promis de tenir des élections dans six mois. Cette annonce survient après des troubles qui ont provoqué la chute du gouvernement en place. Expert de l’Asie centrale, Mohammed-Reza Djalili reste pessimiste quant à l’avenir du pays. Interview.

Suite au soulèvement dans la capitale kirghize, qui a fait au moins 68 morts, le ministère suisse des Affaires étrangères (DFAE) s’est dit «préoccupé» et a annoncé suivre l’évolution de la situation de près.

«Le DFAE n’a pas eu connaissance de victimes suisses, a précisé le ministère. La coopération avec le Kirghizistan et la poursuite des projets soutenus par la Suisse ne sont à ce stade pas menacés.»

Sur place, la présidente par intérim Rosa Otunbayeva a déclaré que les autorités allaient préparer une nouvelle constitution et organiser une élection présidentielle démocratique.

Expert de l’Asie centrale auprès de l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève, Mohammed-Reza Djalili estime que les nouveaux responsables sont en train de promettre les mêmes choses – frein à la corruption, fin du népotisme, démocratie – que le président déchu Kurmanbek Bakiyev, qui ne les a pas réalisées.

swissinfo.ch: Les gens ne sont probablement pas très familiers du Kirghizistan. Que pouvez-vous nous en dire?

Mohammed-Reza Djalili: C’est un pays très petit et très pauvre. Les autres pays de la région, comme l’Ouzbékistan et le Kazakhstan, sont beaucoup plus grands.

L’une des particularité du Kirghizistan est d’abriter deux grandes bases proches l’une de l’autre: une russe et une américaine, qui se trouvent près de la frontière chinoise. C’est une situation très particulière, mais ces bases représentent l’une des principales sources de revenu du pays, car il n’y a pas beaucoup de ressources au Kirghizistan, pas de gaz ni de pétrole. Beaucoup de vols américains vers l’Afghanistan partent de la base de Manas.

swissinfo.ch: Comment les puissances se comportent-elles entre elles dans la région?

M.-R. D. : La Russie a promis deux milliards de dollars au Kirghizistan pour fermer la base de Manas, car elle ne veut pas de bases étrangères dans son «pré carré». Mais sans résultat.

Le Kirghizistan est si pauvre qu’il a besoin de l’aide des Américains. Les relations se sont donc détériorées avec les Russes, qui accusent le Kirghizistan d’être corrompu.

Le problème des deux derniers jours, ce sont les Chinois. Ils sont réellement effrayés des changements au Kirghizistan – ils sont toujours effrayés de toute révolution ou de toute démocratisation – et ont un grand intérêt pour l’Asie centrale.

swissinfo.ch: Cela peut-il potentiellement provoquer de plus grands problèmes dans la région?

M.-R. D. : Je ne pense pas que le cas du Kirghizistan va affecter toute la région. Pour le moment, à mon avis, cela reste une question locale. Mais le problème est l’évolution de la situation dans le futur. Si la violence continue, cela peut créer des problèmes, car beaucoup de Kirghizes vivent dans des pays frontaliers comme l’Ouzbékistan ou le Kazakhstan.

swissinfo.ch: Qu’est-ce qui a provoqué ce soulèvement?

M.-R. D. : Le premier président, Askar Akayev, qui avait promis la démocratisation, mais qui ne l’a jamais réalisée. Après lui, il y a cinq ans, ce fut la «Révolution des tulipes», qui a porté Kurmanbek Bakiyev au pouvoir.

La cause de cette révolution était la même qu’aujourd’hui: une réaction contre la corruption et contre l’attitude non-démocratique du gouvernement. Kurmanbek Bakiyev avait promis la démocratie, mais après plusieurs années, rien ne s’est passé. Et le nouveau gouvernement fait maintenant les mêmes promesses.

swissinfo.ch: N’est-ce pas l’augmentation massive des prix de l’électricité qui a été la goutte qui a fait déborder le vase et qui a provoqué le soulèvement?

M.-R. D. : Oui, mais je crois que la principale raison, c’est la situation économique, le chômage et les difficultés que cela implique pour les familles et les citoyens. Prenez tous ces éléments ensemble et cela mène à la contestation du pouvoir.

Les gens deviennent de plus en plus pauvre et il existe de très grandes inégalités entre la population et l’élite. L’élite politique jouit d’une très bonne situation économique, alors que la majorité de la population est très pauvre. Le problème est qu’il n’y a pas eu de réelle évolution pour améliorer le niveau de vie d’une majorité de Kirghizes.

swissinfo.ch: Pourquoi les présidents n’ont-ils pas honoré leurs promesses?

M.-R. D. : Il y a deux raisons: une économique et une politique. Il existe un système népotique au Kirghizistan. Lorsque quelqu’un arrive au pouvoir, toute sa famille, ses amis et ses collègues ont accès à tout et les autres personnes sont exclues du système. C’est une société très injuste.

Le gouvernement n’est pas très fort et ce n’a jamais été le cas. Il n’a pas les mêmes possibilités que les gouvernements ouzbèk ou kazakh qui disposent d’argent, d’une bonne police et d’une bonne armée. C’est un Etat fragile.

swissinfo.ch: Comment voyez-vous l’évolution de la situation? Voyez-vous le gouvernement actuel tenir ses promesses ou va-t-on vers un nouveau soulèvement dans cinq ans?

M.-R. D. : Nous pouvons espérer que le nouveau gouvernement ne va pas commettre les mêmes erreurs que les autres, mais je ne suis pas vraiment optimiste. Nous assistons à un coup d’Etat. Il ne s’agit pas d’un changement social, d’un changement en profondeur. Peut-être y aura-t-il des changements plus intelligents apportés au système, mais pour le moment tout ce que nous pouvons faire, c’est «Wait and See».

Tim Neville, swissinfo.ch
(Traduction de l’anglais: Olivier Pauchard)

Environ 55 citoyens suisses sont enregistrés au Kirghizistan. La Suisse a reconnu le pays le 23 décembre 1991, moins de trois mois après sa séparation d’avec l’URSS.

Les projets de coopération suisses au Kirghizistan ont été temporairement suspendus en raison des troubles. Pour les ministère suisse des Affaires étrangères, ce travail n’est «théoriquement» pas été remis en question.

La Suisse est active depuis 1994 au Kirghizistan avec des projets d’aide au développement. Il s’agit d’un pays prioritaire dans la régions avec le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. La Suisse représente ces pays à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international.

L’engagement suisse au Kirghizistan est un effort conjoint de la Direction pour la coopération et le développement (DDC) et du Secrétariat d’Etat à l’économie (seco). Les deux organes ont investi environ 15,5 millions de francs au Kirghizistan.

Le président kirghiz déchu Kourmanbek Bakiev a déclaré jeudi dans un communiqué publié par l’agence kirghize 24kg qu’il refusait de démissionner après le soulèvement sanglant qui a déjà fait au moins 75 morts et un millier de blessés dans ce pays d’Asie centrale.

Sur les ondes de la radio russe Echo de Moscou, il a par ailleurs confirmé jeudi après-midi qu’il se trouvait «dans le sud» du Kirghizstan et n’avait «pas l’intention» d’en partir.

Kourmanbek Bakiev, qui a fui la capitale Bichkek mercredi à la suite de violentes émeutes, a néanmoins reconnu par voie de communiqué que l’armée et les forces de l’ordre étaient passées sous le contrôle du gouvernement intérimaire formé par l’opposition.

Il a également lancé un appel à la communauté internationale, indiquant que le Kirghizstan était au seuil d’une «catastrophe humanitaire».

Réagissant aux événements, l’Union européenne (UE) s’est dite prête jeudi «à offrir une aide d’humanitaire d’urgence si nécessaire» pour contribuer à un retour au calme après de violents affrontements entre policiers et manifestants.

Quant au secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, il a appelé à rétablir d’urgence l’ordre constitutionnel au Kirghizstan.

De son côté, la Russie a dépêché environ 150 parachutistes à sa base militaire de Kant, à une vingtaine de kilomètres de Bichkek, pour protéger les familles des militaires russes.

Population: 5,41 millions
Surface : 199,951 km carrés, (quatre fois la Suisse)
Espérance de vie : 69,4 ans
PIB : 5,06 milliards de dollars
Revenu par tête : 934,40 dollars
Inflation: 21,21%
Chômage: 18%
Religion majoritaire: islam (65.1%)
Exportations suisses: 11,4 millions de francs
Importations suisses: 5,5 millions de francs

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