Philippe Lazzarini: «Nous avons plus que jamais besoin d’un cessez-le-feu humanitaire»
La population du nord de la bande de Gaza vit un «enfer sur Terre», selon Philippe Lazzarini, chef de l'UNRWA. Aux bombardements constants de l'armée israélienne s'ajoute la détresse de ne pas avoir accès à l'eau et à des denrées alimentaires en raison du strict siège imposé par Israël. Interview.
Israël a annoncé dimanche que la ville de Gaza, dans le nord de la bande côtière, était désormais encerclée par ses troupes. Dans la nuit de dimanche à lundi, l’armée de l’État hébreu a encore intensifié ses bombardements sur Gaza, tuant plus de 200 personnes, selon le ministère de la Santé du Hamas. Peu avant, les lignes téléphoniques et internet dans la région assiégée avaient été coupées par Israël, pour la troisième fois depuis le 7 octobre.
Interrogé lundi dans l’émission Forum de la RTS, le commissaire général de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), Philippe Lazzarini, a jugé la situation à Gaza «extrêmement préoccupante».
>>> Voir l’interview complète de Philippe Lazzarini dans Forum de la RTS:
«Il y a encore entre 250’000 et 350’000 personnes dans la ville de Gaza, dont beaucoup se trouvent dans des écoles de l’UNRWA», a indiqué le Suisse, rappelant que ces établissements scolaires «n’ont pas été épargnés par les opérations militaires» israéliennes. La semaine dernière, quatre écoles de l’ONU abritant des personnes déplacées ont été touchées par des bombardements qui ont tué 23 personnes et blessé des dizaines d’autres, selon l’UNRWA.
«Gaza n’est pas un bloc monolithique»
La situation des hôpitaux est également «alarmante», a souligné le responsable. Si Israël a annoncé lundi l’ouverture d’un corridor vers le sud de l’enclave palestinienne, de nombreux Gazaouis ne sont pas en mesure de fuir, estime Philippe Lazzarini. «Il y a beaucoup d’enfants, de personnes âgées et des personnes à mobilité réduite», a-t-il rappelé. Sans compter les nombreux blessés qui ne peuvent pas se déplacer.
Les habitants et habitantes du nord de la bande de Gaza vivent un «enfer sur Terre», a déploré le responsable. Les bombardements y sont incessants et tout manque: l’eau, l’électricité, la nourriture. «Même les établissements de l’UNRWA, qui devraient pouvoir apporter une protection à ces personnes, sont visés. Nous avons eu plus de 50 installations touchées et des dizaines de morts et de blessés.»
Israël justifie ces frappes en affirmant que des tunnels souterrains du Hamas se cachent sous certains bâtiments de l’agence onusienne. Mais Philippe Lazzarini assure qu’à chaque fois qu’une cavité souterraine a été découverte par le passé, l’UNRWA a «protesté auprès du Hamas et informé les autorités israéliennes». Ces dernières sont aussi avisées de l’utilisation des écoles de l’agence comme abris pour les populations civiles.
«Nous avons plus que jamais besoin d’un cessez-le-feu humanitaire. Il est aussi important de réaliser qu’il y a des vies et des histoires humaines à Gaza, comme partout ailleurs dans le monde, et que Gaza n’est pas un bloc monolithique où tout le monde représente le Hamas», a aussi déclaré le responsable.
Manque d’eau, de denrées et de carburant
Le commissaire général est par ailleurs revenu sur les pillages qui ont touché des entrepôts de l’UNRWA, dus d’après lui au désespoir dans lequel sont plongés les Gazaouis. «Le siège très strict imposé sur la bande de Gaza a pour conséquence le manque de denrées alimentaires et d’eau. Nous avons effectivement eu un ou deux pillages dans nos installations venant de personnes en totale détresse, qui luttent au quotidien pour avoir accès à un morceau de pain», a précisé Philippe Lazzarini. «Le marché n’a plus rien à offrir. Tout le monde dépend de l’UNRWA et les quelques camions qui sont entrés ne permettent pas de renverser l’impact de ce siège, qui deviendra bientôt une cause majeure de décès à Gaza», a-t-il ajouté.
L’aide humanitaire qui entre aujourd’hui dans l’enclave est «une goutte d’eau» par rapport aux besoins énormes de la population, a relevé le Suisse, qui s’est rendu à Gaza jeudi dernier: «J’ai visité une école et des déplacés. Voir que cette population a été réduite à devoir mendier une goutte d’eau et un morceau de pain, en ne sachant pas de surcroît si l’école des Nations unies dans laquelle ils se trouvent les protégera de futurs bombardements, a certainement été le jour le plus triste de ma carrière humanitaire».
Le responsable a en outre alerté sur le manque de carburant, dont «tout dépend» à Gaza, notamment les hôpitaux et les stations d’eau. Il n’y aura plus de combustible disponible d’ici quelques jours dans la région, a-t-il affirmé, avant de démentir les propos de certains médias israéliens qui accusaient le Hamas d’avoir détourné du carburant destiné à l’UNRWA.
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