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Polémique sur l’exclusion de l’ONU d’une ONG arabe

Accréditée à l'ONU depuis 2004, la CADH suit de près le Conseil des droits de l'homme. Keystone

La Commission arabe des droits humains, active à Genève, pourrait, à la demande de l'Algérie, se voir retirer son accréditation auprès des Nations Unies. Un dangereux précédent, selon l'ONG.

L’affaire fait grand bruit dans l’enceinte du Palais des Nations à Genève: à la demande de l’Algérie, l’ONU devrait suspendre le statut consultatif d’une organisation des droits de l’homme arabe. Motif: l’un de ses représentants appartiendrait à une organisation inscrite sur la liste 1267 du Conseil de sécurité pour activités terroristes.

La décision a été adoptée récemment à New York suite au vote du Comité des Organisations non gouvernementales, un organe du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) chargé d’étudier les demandes d’accréditations des ONG auprès de l’ONU.

Les 19 pays membres ont voté à une très large majorité (avec la seule abstention des Etats-Unis) la suspension pour un an de la Commission arabe des droits humains (CADH). Cette décision devrait être validée à la prochaine réunion de l’ECOSOC, en juillet à Genève.

L’Examen périodique universel

«Cette décision démesurée crée un précédent grave au sein de l’ONU», s’insurge le Tunisien Abdel Wahab Hani, représentant permanent de l’ONG à Genève depuis janvier 2009. La CADH, accréditée à l’ONU depuis 2004, suit de près les travaux du Conseil des droits de l’homme.

Retour sur image pour comprendre les circonstances de cette suspension: le 10 juin 2008 à Genève, l’Examen périodique universel passe au crible l’Algérie. Dans le cadre de cet examen, Rachid Mesli dresse, au nom de la CADH, le sombre tableau des abus commis par les autorités algériennes: torture, arrestations arbitraires, disparitions forcées.

L’orateur, avocat algérien réfugié en Suisse depuis 2000, a lui-même connu la disparition forcée, la torture et a séjourné près de quatre ans dans les geôles algériennes. A sa libération fin 1999, il obtient l’asile politique en Suisse et y poursuit son action d’avocat des droits de l’homme. Il a ainsi soumis auprès de l’ONU des centaines de dossiers de victimes algériennes.

La piste du GSPC

Deux mois plus tard, le 22 août, Idriss Jazaïri, ambassadeur algérien auprès de l’ONU, déplore en séance plénière qu’un membre d’une ONG «faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international pour appartenance à un groupe terroriste armé» puisse prendre la parole devant le Conseil des droits de l’homme.

Le diplomate fait référence au GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat), un groupe armé algérien qui figure sur la liste des organisations terroristes dressée par les Etats-Unis en 2002. Cette même plainte est formulée le 18 janvier dernier auprès de l’ECOSOC à New York. L’Algérie y demande l’exclusion de la CADH.

«Ces allégations sont ridicules et non fondées, réagit Rachid Mesli. Les autorités algériennes ne supportent pas ceux qui dénoncent les violations des droits de l’homme en Algérie. Elles ont même par le passé accusé Amnesty International de terrorisme!»

Un amalgame

Pour Abdel Wahab Hani, l’ONU fait un amalgame entre le CADH et un présumé passé de Rachid Mesli. Le Tunisien dénonce aussi des irrégularités dans la plainte algérienne. «Elle a été déposée à la dernière minute, ce qui nous a empêchés de nous défendre», note-t-il.

Par ailleurs, Rachid Mesli ne représente plus la CADH depuis le 31 décembre 2008. Lors de son intervention, le 10 juin, Mesli avait associé le nom de sa propre association Al Karama (fondée en 2004, dépourvue du statut consultatif) à celui de la CADH.

Mais l’avocat algérien reste dans le collimateur de son pays d’origine. Il a notamment soumis en 2001 les dossiers d’Abbassi Madani et Ali Belhadj (deux principaux leaders du Front islamique du salut – FIS) au Groupe de travail sur les détentions arbitraires. L’organe onusien a reconnu que les deux leaders du FIS étaient détenus suite à un procès inéquitable.

swissinfo: Carole Vann, Juan Gasparini/InfoSud

Enquêtes. Basée à Genève, Alkarama (l’honneur) dénonce la torture, la détention arbitraire, les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires et les procès inéquitables.

Plaintes. En quatre ans, l’ONG arabe en a déposé des milliers auprès des organes ad hoc du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Et ce au nom de victimes des Etats d’Arabie saoudite, de Bahreïn, de Syrie, de Libye, du Maroc, d’Algérie, de Tunisie, etc.

Argent. Financée par des fonds privés, Alkarama a des bureaux à Londres (Royaume-Uni), Beyrouth (Liban), Doha (Qatar), Sanaa (Yémen), ainsi qu’un réseau de militants dans tous les pays arabes.

Ratifications. L’Algérie a ratifié quasi tous les traités internationaux, notamment ceux relatifs aux droits de l’homme (Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), les Conventions de l’ONU contre la torture, sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ainsi que sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Refus. L’Algérie a refusé les visites du rapporteur spécial de l’ONU sur la torture (2007), sur les exécutions extrajudiciaires (2007), sur les abus dans la lutte contre le terrorisme (2007), ainsi que le groupe de travail sur les questions de disparitions forcées (2006).

Abus. En 2007, Alger était épinglé par le Comité des droits de l’homme pour les nombreux abus commis dans le pays et le manque de coopération du gouvernement.

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