Pourquoi la Suisse irrite Israël
En réponse à une parlementaire, le gouvernement suisse a exprimé sa «préoccupation» concernant la situation des jeunes Palestiniens dans les prisons militaires israéliennes, ce qui a suscité la réaction immédiate du gouvernement israélien. L’incident est plus qu’une simple dissonance de politique étrangère et met en évidence un antisionisme de gauche en Suisse.
Lors de la session de printemps des Chambres fédérales, la conseillère nationale socialiste Brigitte Crottaz s’est adressée au Conseil fédéral pour savoir «Comment faire respecter les droits de l’enfant dans le conflit israélo-palestinienLien externe». Des centaines d’enfants palestiniens ont été mis en prison par Israël, dans certains cas juste pour avoir jeté des pierres, affirmait la députée. Certains n’ont que 10 ans et passent plusieurs mois en prison sans bénéficier d’une représentation juridique ou d’une assistance médicale.
Dans sa réponse, le Conseil fédéral a dit être «préoccupé par la situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé, y compris celle des enfants palestiniens dans les prisons militaires israéliennes». Le gouvernement a encore rappelé qu’il rappelle régulièrement les obligations découlant de la Convention relative aux droits de l’enfant dans le cadre de ses échanges bilatéraux avec les autorités israéliennes.
Une action concertée?
Le gouvernement israélien a réagi immédiatement: par l’intermédiaire de son ambassade en Suisse, il a publié une prise de position officielle, qui a été envoyée au gouvernement suisse par le biais du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Le document nie les accusations de Brigitte Crottaz. Par exemple, il n’est pas vrai que des enfants de moins de 12 ans sont emprisonnés, et cela ne se produit certainement pas sans représentation légale ou assistance médicale, écrit l’ambassade israélienne.
«Nous espérons que cette prise de position contribue à formuler une politique fondée et équilibrée qui tienne compte de la complexité de la situation», a indiqué une porte-parole de l’ambassade d’Israël en Suisse contactée par swissinfo.ch.
Walter Blum, de l’Association Suisse-Israël, estimeLien externe aussi que la réponse du Conseil fédéral est incompréhensible. Selon lui, il s’agissait d’une action concertée de la part du Parlement: «À l’heure des questions, quatre questions concernant Israël ont été soumises par des représentants écologiques et socialistes du Conseil national».
Antisionisme et antisémitisme
L’antisionisme est l’attitude de ceux qui s’opposent à l’existence d’Israël en tant qu’État-nation juif. L’antisémitismeLien externe, en revanche, comprend toutes les formes d’hostilité envers les Juifs. Selon le rapportLien externe sur l’antisémitisme, il existe un antisémitisme d’extrême gauche en Suisse.
Jusqu’à la guerre des Six Jours de 1967, les partis de gauche suisses étaient en faveur d’Israël. Depuis les années 1970, la critique d’Israël a augmenté parmi la gauche, qui prend souvent parti pour la défense des minorités opprimées et est solidaire des Palestiniens.
Selon la Fédération suisse des communautés israélites,Lien externe la critique de l’État d’Israël ou de sa politique n’est généralement pas antisémite, à condition qu’elle soit formulée de la même manière qu’elle le serait à l’égard de tout autre État.
«Antisionisme d’extrême gauche»
Cet incident soulève une fois de plus la question de savoir pourquoi certains politiciens de gauche sont autant «fixés» sur Israël (voir encadré). Après tout, Israël est loin d’être le seul pays qui emprisonne des mineurs. La Suisse elle-même a été critiquée pour sa pratique consistant à emprisonner des mineurs dans l’attente de leur expulsion.
Pour la socialiste Lea KusanoLien externe, ce n’est pas un problème qu’il y ait des politiciens qui se battent avec véhémence pour les droits de l’homme. «Cependant, lorsque leurs interventions et leurs activités se concentrent presque exclusivement sur Israël, on a l’impression qu’il s’agit plus d’Israël que des droits de l’homme, et que la tradition de l’antisionisme d’extrême gauche se poursuit», juge-t-elle.
Les rapports de l’ONU, source de préoccupation
Brigitte Crottaz n’était pas disponible pour une réaction. Des organisations non gouvernementales telles qu’Amnesty International alertent toutefois depuis longtemps sur le problème des enfants dans les prisons israéliennes. L’Unicef a également publié un rapport avec des recommandations en 2013.
Contacté par swissinfo.ch, le DFAE indique que les préoccupations de la Suisse s’appuient sur de nombreux rapports de l’ONU, notamment le rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme de février 2018 sur la situation des droits fondamentaux dans les territoires occupés. «La question est régulièrement soulevée dans le cadre des relations bilatérales avec les autorités israéliennes», déclare le porte-parole du DFAE, Pierre-Alain Eltschinger. La position du gouvernement israélien sera également discutée dans ce contexte.
*Ce texte a été modifié le 29 avril. Une citation de Lea Kusano a été retirée
(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)
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