Pour l’Europe, la Suisse échappe à la liste noire
La Suisse, le Luxembourg et l'Autriche ne doivent pas se retrouver sur la liste des pays non coopératifs qu'établira le G20 le 2 avril. C'est la conclusion des 27 dirigeants européens réunis à Bruxelles. Mais Berne reste sous surveillance. Et l'UE doit encore convaincre les Etats-Unis.
Les concessions n’auront pas été vaines. En rompant avec des décennies de dogme, en acceptant l’échange d’information à la demande, le Luxembourg et l’Autriche ont convaincu leurs partenaires de l’Union Européenne.
Et la Suisse, qui a activement travaillé aux concessions avec ses alliés aux sein de l’Union, va en profiter: «A la suite des coups de boutoir qu’Angela Merkel et moi-même avons donné, des pays européens ont décidé qu’ils respecteront les critères de l’OCDE», déclarait Nicolas Sarkozy vendredi à la fin du Conseil européen de Bruxelles.
«Si telle est bien la volonté du Luxembourg, de l’Autriche et de la Suisse, ils n’ont pas à être sur la liste des paradis fiscaux», ajoutait le président d’une France qui a mené, avec l’Allemagne, le combat contre ces pays.
Même son de cloche chez Angela Merkel: «La seule menace d’une liste a provoqué des changements profonds dans certains pays, même si en vérité il s’agissait plus d’une liste virtuelle», s’est réjouie la chancelière.
Le poids du Luxembourg
«J’ai pu éviter que notre pays soit sur la liste de l’OCDE», s’est contenté de souffler Jean-Claude Juncker.
Il faut dire que le Premier ministre luxembourgeois avait pesé de tout son poids de doyen des Conseils européens pour convaincre ses partenaires. Selon un témoin, Jean-Claude Juncker avait vivement apostrophé ses pairs, jeudi, en séance plénière mais aussi au cours du dîner: «Il serait inadmissible qu’un Etat membre de l’Union qui applique le droit communautaire soit mis à l’index à l’OCDE.»
Parallèlement, son ministre du Budget menaçait, à mots couverts, de bloquer toute décision au sein de l’UE requérant l’unanimité. Au final, la détente l’a emporté.
Liste amendée
Les Européens ont donc amendé «en tenant compte des récents développements», la liste d’actions en 24 points qu’ils veulent faire adopter par le G20 le 2 avril.
Dans le point 15, ils s’engagent désormais «à combattre avec détermination l’évasion fiscale, la délinquance financière, le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme […], à protéger le système financier contre les pays ou territoires où la transparence fait défaut, qui ne coopèrent pas et ne sont pas réglementés […], à exiger l’établissement d’une liste de ces pays ou territoires, en tenant compte des récents développement et à élaborer un arsenal de sanctions […]»
Promesses à tenir
Il ne s’agit pas pour autant d’un blanc seing. Les Européens restent vigilants. Gordon Brown a ainsi rappelé que les engagements du Luxembourg, de la Suisse et des autres doivent se traduire «concrètement dans les conventions fiscales bilatérales.»
Même discours chez Peer Steinbruck qui ajoute, fidèle à lui-même: «Tant que je n’ai rien vu, je ne change pas ma position.» Le ministre allemand des Finances a fixé rendez vous à l’OCDE, qui doit se réunir en juin prochain. En attendant, il s’est déclaré prêt à rencontrer Hans Rudolf Merz pour «discuter de la politique suisse en matière de fiscalité.»
Rien n’est gagné
Les 27 se sont mis d’accord entre eux. Ils vont maintenant devoir défendre leur position face à leurs partenaires du G20, notamment les Américains. Il faudra les convaincre de s’aligner. Pour l’instant, rien ne permet de dire que ce sera facile. Les Américains auront peut être d’autres exigences, un autre agenda.
Et là, il faut bien dire qu’on sent dans les coulisses que les dirigeants de l’UE qui siègent au G20 font une différence entre Etats membres et Etats tiers, qu’ils auront à cœur de défendre d’abord les leurs, l’Autriche et le Luxembourg, et ensuite seulement, la Suisse.
Le parcours du combattant du Conseil fédéral (gouvernement), défenseur du secret bancaire, n’est pas encore arrivé à son terme.
swissinfo, Alain Franco, Bruxelles
La Suisse, l’Autriche et le Luxembourg n’ont apparemment plus à redouter d’être stigmatisés comme des paradis fiscaux sur une liste noire de l’OCDE…
Prudence. Les propos du président du Conseil de l’UE, le Premier ministre tchèque Mirek Topolanek, ont été accueillies avec soulagement, mais aussi avec prudence à Berne.
Nationalistes. Selon des réactions recueillies par la télévision alémanique, le député Hans Kaufmann (Union démocratique du Centre, droite nationaliste) pense que la Suisse doit encore s’attendre à des menaces de l’UE.
PDC. Il s’agit pour une fois d’une bonne nouvelle, estime de son côté Urs Schwaller, chef du groupe PDC (Parti démocrate-chrétien, centre). Selon lui, la Suisse «doit maintenant demander des précisions à l’OCDE, qui s’est conduit de manière inacceptable vis-à-vis d’un de ses membres fondateurs».
Socialiste. La députée socialiste Susanne Leutenegger Oberholzer s’attend quant à elle à ce que le climat des négociations à venir soit plus détendu.
Radicaux. Enfin, le président du parti libéral-radical (droite), Fulvio Pelli, qualifie de «juste» la décision de l’UE, la Suisse n’étant pour lui «pas un paradis fiscal».
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