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Quand les partis font la cour aux Suisses de l’étranger

Un certain goût pour le folklore, mais aussi une volonté réelle de participer à la vie politique de la patrie. Sur plus de 700'000 expatriés, 150'000 sont inscrits sur les registres électoraux. Emanuel Ammon/AURA

Le nombre d’expatriés suisses inscrits sur les listes électorales ne cesse de croître. Dans la perspective des élections fédérales de 2015, ce potentiel intéresse les partis, lesquels s’efforceront une fois encore de s'assurer les voix de la Cinquième Suisse.

En 1992 lors de l’introduction du droit de vote Lien externepar correspondance, 14’000 Suisses de l’étranger figuraient sur les registres électoraux cantonaux. A fin 2013, leur nombre avait grimpé à plus de 155’000, soit l’équivalent de l’électorat d’un canton de moyenne dimension, comme le Valais ou le Tessin.

«La communauté des Suisses de l’étranger est considérable et continue à augmenter. Pour un parti, elle représente un atout à l’occasion des votations et des élections» souligne Thomas Jauch, responsable de la communication du Parti démocrate-chrétien (PDC).

Une présence en hausse

Quelques partis, comme l’Union démocratique du centre (UDC, droite nationaliste), sont particulièrement actifs à l’étranger. «Il y a sept ans, nous comptions 100 membres, aujourd’hui nous en avons environ 400. Nous avons des sections en Espagne, au Costa Rica, en Côte d’Ivoire et en Afrique du Sud, et nous projetons d’en ouvrir aux Etats-Unis et au Liechtenstein», explique Miriam Gurtner, secrétaire de l’UDC internationale.

Ces cinq derniers mois, le Parti socialiste (PS) international, fort d’une centaine d’adhérents, a ouvert des antennes à Paris, Berlin, Rome, Tel Aviv et Buenos Aires. «Nous avons pour objectif de sortir du cercle des membres et d’impliquer davantage la communauté suisse», relève de son côté Walter Suter, président de la section internationale du PS.

Pour sa part, le Parti libéral radical (PLR) international compte environ 120 membres. «Nous enregistrons une vingtaine de membres supplémentaires par année, nos effectifs sont donc en hausse», souligne François Baur, son président.

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En revanche, pour des raisons financières, le PDC, le Parti bourgeois démocratique (PDB) et le Parti écologiste suisse ont renoncé à la création de sections internationales. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’ils ont oublié les expatriés: «un responsable des Suisses de l’étranger siège au sein de la présidence de notre parti» explique encore Thomas Jauch, porte-parole du PDC.

Pas seulement sur le web

En vue des élections fédérales d’octobre 2015, les partis sont donc en train de peaufiner leurs stratégies pour tenter de faire brèche parmi les expatriés.

Les réseaux sociaux, internet et la documentation envoyée par la poste joueront un rôle important dans la campagne électorale. Cependant la communication à distance ne remplacera pas le traditionnel contact direct: «l’année prochaine nous prévoyons de participer, pour la première fois, au Congrès des Suisses de l’étranger», indique Caroline Brennecke, coordinatrice romande du PBD.

«Nos députés au parlement interviennent régulièrement lors de réunions dans les ambassades ou auprès des associations suisses de l’étranger, par exemple durant la fête nationale du 1er Août», ajoute Thomas Jauch.

Toujours plus de candidats «étrangers»

Afin de convaincre davantage ce corps électoral, quelques partis proposeront une fois encore des membres de la diaspora comme candidats dans certains cantons. Une stratégie toujours plus en vogue: en 1999, un seul candidat «étranger» figurait sur les listes, en 2003 il y en avait 17, en 2007 44 et en 2011, 81Lien externe

Disons-le: leurs chances d’être élus sont pratiquement nulles. En Suisse, il n’existe en effet aucune circonscription électorale réservée aux Suisses de l’étrangers comme c’est en revanche le cas en Italie par exemple. Les candidats doivent ainsi s’inscrire sur les listes cantonales. «La notoriété de la personne joue bien sûr un rôle fondamental, explique Miriam Gurtner. Quelques candidats ont cependant obtenu des résultats tout-à-fait respectables», précise la secrétaire de l’UDC internationale qui, en 2011, avait aligné 50 expatriés dans huit cantons différents.

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Les rapports avec l’UE au centre de la campagne

Ce contenu a été publié sur A pratiquement un an des élections fédérales de 2015, on assiste aux premières escarmouches entre partis. Le début très précoce de la campagne électorale est lié en particulier aux incertitudes sur l’avenir des rapports avec l’Union européenne. Ce thème s’inscrit d’ores et déjà au centre des débats politiques en vue du renouvellement des Chambres fédérales. Le langage et la rhétorique de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) «ressemblent brutalement à ceux des années 30 en Allemagne». L’UDC manifeste «des tendances fascistes». A en juger par les attaques lancées en septembre par les présidents de deux partis nationaux contre l’UDC, on pourrait s’attendre à une campagne plutôt musclée pour les élections fédérales du 18 octobre 2015. Il est peut-être encore trop tôt pour le dire, mais il est clair que le climat politique actuel contraste avec celui des dernières élections. En 2011, l’UDC avant tenté encore une fois de placer la question des étrangers au centre de l’attention, en réutilisant des images et des textes provocants, par exemple avec une affiche montrant des bottes noires piétinant le sol suisse. Pour éviter de faire à nouveau le jeu du plus grand parti du pays, qui sortait de quatre succès électoraux successifs, les autres formations politiques avaient alors décidé d’ignorer sa propagande et de se concentrer sur leurs propres thèmes. Mais aucun parti n’avait finalement réussi à imposer un thème dominant et les débat étaient restés plutôt ternes, même en fin de campagne. Avec pour résultat que tant l’UDC que les quatre autres principaux partis – Parti socialiste (PS / gauche), Parti libéral-radical (PLR / centre-droit), Parti démocrate-chrétien (PDC / centre) et Parti écologiste suisse (PES / gauche) – étaient ressortis affaiblis des urnes. Deux nouveaux partis du centre de l’échiquier politique, le Parti bourgeois démocratique (PBD) et les Verts libéraux (VL), s’étaient en revanche renforcés. Perspectives économiques menacées Cette fois en revanche, entre polémiques et prises de position, la campagne semble déjà entrée dans le vif du sujet à un an de l’échéance électorale. Et, suite au succès de l’initiative populaire demandant un frein à l’immigration, approuvée par le peuple en février, on distingue déjà un grand thème d’affrontement: l’avenir des relations avec l’UE. D’ici la fin de l’année, le gouvernement a l’intention de présenter ses propositions pour mettre en œuvre cette initiative de l’UDC qui exige l’introduction de contingents pour réduire l’afflux de main-d’œuvre étrangère. Pour 2015, on s’attend donc à des négociations difficiles avec Bruxelles et à des débats intenses de politique intérieure. Pour les partis du centre et de la gauche, cette initiative de l’UDC ne touche pas seulement les étrangers, mais aussi les intérêts de la Suisse. Les contingents sont incompatibles avec l’accord sur la libre circulation des personnes. Ce qui est en jeu, c’est donc l’ensemble des traités bilatéraux conclus avec l’UE et, en particulier, l’accès des entreprises suisses au grand marché unique européen. La mise en œuvre de l’initiative menacerait ainsi les perspectives économiques de la Suisse, alors que plus de 60% de ses relations commerciales se font avec les Vingt-huit. «Le maintien d’une économie saine fait partie de nos priorités pour les élections fédérales. C’est pourquoi nous voulons nous battre pour sauvegarder les accords bilatéraux qui ont contribué au succès économique de la Suisse ces dernières années, explique Dominique de Buman, vice-président du PDC. Pour gagner des voix, l’UDC est par contre prête à rompre les accords bilatéraux et à conduire la Suisse dans une situation d’isolement qui aurait des effets catastrophiques.» Défendre la souveraineté nationale «Notre objectif premier est de sauvegarder l’indépendance et la sécurité de la Suisse, réplique Albert Rösti, responsable de la campagne électorale de l’UDC. Nous sommes le seul parti qui combat l’adhésion rampante à l’UE. Bruxelles veut maintenant imposer à la Suisse un accord institutionnel qui nous forcerait à adapter automatiquement notre droit à celui de l’UE. Cela signifierait que nous perdrions notre souveraineté.» Pour préserver «l’indépendance et la sécurité de la Suisse», l’UDC veut aller encore plus loin et a déjà annoncé deux nouvelles initiatives populaires en vue des élections fédérales. La première vise à restreindre drastiquement les possibilités pour déposer une demande d’asile en Suisse. La seconde veut ancrer dans la Constitution fédérale la primauté du droit suisse sur le droit international. «Nous constatons que le gouvernement et les autres partis veulent tout faire pour ne pas mettre en œuvre nos initiatives sur le renvoi des criminels étrangers et sur le frein à l’immigration en affirmant que celles-ci seraient contraires au droit international et européen. C’est inacceptable, du moment que nos initiatives ont été acceptées par le peuple. Le droit des autres pays ne peut prévaloir sur le droit suisse», juge Albert Rösti. Une future Corée du Nord Les nouveaux projets de l’UDC ont soulevé un concert de réactions négatives de la part des autres partis. «L’UDC veut nier les relations internationales et le droit international, l’existence des Nations Unies et des autres organisations internationales. De cette manière, la Suisse deviendrait une sorte de Corée du Nord en Europe», dénonce Dominique de Buman. Pour Andy Tschümperlin, chef du groupe socialiste des Chambres fédérales, «l’UDC cherche à mettre au premier plan les rapports avec l’étranger uniquement pour promouvoir l’idée d’un ‘ennemi commun’ et pour détourner l’attention des problèmes intérieurs. Il est donc nécessaire de lancer un grand débat pour affronter ces questions, comme la répartition plus juste de la richesse.» «Nous ne pouvons empêcher aucun parti de remettre en cause les relations avec l’étranger et des principes fondamentaux tels que le respect du droit international, mais nous devons continuer à défendre nos valeurs, c’est-à-dire une démocratie ouverte sur le monde qui ne vise pas seulement à tirer profit de l’étranger, mais qui veut aussi participer à la résolution de problèmes globaux tels que le climat ou le tournant énergétique», déclare pour sa part Regula Rytz, co-présidente des Verts. Positions trop éloignées Une campagne centrée sur les rapports avec l’étranger pourrait cependant à nouveau favoriser le parti de la droite conservatrice qui, par le passé, a déjà séduit de nombreux citoyens en mettant l’accent sur tout rapprochement avec l’UE. Mais cette fois encore, il ne faut pas attendre de stratégie commune de la part de partis du centre et de la gauche, dont les positions sont trop éloignées sur de nombreux thèmes économiques et sociaux. «Nous sommes convaincus que ni la politique d’isolement de l’UDC ni la politique de redistribution des richesses du PS ne peuvent permettre à la Suisse de progresser. Des solutions libérales sont nécessaires pour sauvegarder le bien commun et les perspectives de développement du pays», affirme Vincenzo Pedrazzini, responsable de la campagne électorale du PLR. Reste que le parti du centre-droit songe à faire liste commune avec l’UDC dans une dizaine de cantons.

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Pour les Verts, de telles listes permettent d’améliorer la collaboration internationale avec les partis jumeaux. «En 2011, les Verts genevois ont présenté une liste apparentée des Verts transfrontaliersLien externe: C’était certainement une bonne stratégie, aussi pour améliorer la collaboration avec les Verts en France. Nous pouvons en profiter aujourd’hui par exemple dans la campagne contre le gaz de schiste», indique Miriam Behrens, secrétaire générale des Verts.

Lorsqu’un parti n’a pas ou peu de candidats expatriés, comme par exemple le PLR en 2011 (une seule candidate dans le canton de Zurich), il peut tabler sur un autre registre. «En tant que PLR international nous avons promu des candidats figurant sur les listes cantonales qui se sont activement et expressément engagés pour la cause des Suisses de l’étranger, créant ainsi une ‘liste virtuelle’», explique François Baur.

Il est bien évident que le résultat global d’une élection n’a jamais été chamboulé par le vote des Suisses de l’étranger. Cependant, comme l’observe Ariane Rustichelli, co-directrice de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE)Lien externe, le seul fait de parvenir à attirer les suffrages des expatriés peut parfois permettre à un parti de «faire la différence».

«Tous les votes comptent dans un système proportionnel comme le nôtre», remarque Walter Suter. Nous avons eu un cas concret dans le canton de Genève, où les quelque 500 voix obtenues par les candidats de la liste internationale ont permis de conserver le troisième siège du PS.»

Thèmes en évidence

«Ces candidatures permettent aussi et surtout aux Suisses de l’étranger de se faire connaître et de mettre en évidence certains thèmes chers à la diaspora», souligne Ariane Rustichelli.

«Durant la campagne, les listes de l’UDC internationale ont permis d’illustrer les requêtes des Suisses de l’étranger, requêtes qui passent souvent en second plan lors des débats politiques», déclare Miriam Gurtner.

Tout cela semble porter ses fruits. Ainsi une des sept revendications présentées dans le «Manifeste électoral de 2011» de l’OSE vient de se concrétiser: en septembre, le Parlement a en effet définitivement approuvé la Loi sur les Suisses de l’étranger laquelle rassemble en un seul texte toutes les dispositions concernant les émigrés.

L’exercice des droits politiques s’est aussi amélioré. «Pour les élections de 2015, nous ne disposerons pas encore du vote électronique Lien externegénéralisé comme nous l’avions demandé. La plus grande partie des Suisses de l’étranger pourra toutefois utiliser la fonction e-voting», explique Ariane Rustichelli.

Côté restructuration, la vague de fermetures des agences consulaires est retombée. «Plusieurs interventions parlementaires ont été déposées contre ces fermetures et dans près de la moitié des cas, elles ont été acceptées», note encore Mme Rustichelli.

Une autre point sensible concerne la possibilité pour les Suisses de l’étranger d’ouvrir un compte bancaire dans leur patrie d’origine. Depuis le début de la crise financière en 2008 et à la suite des pressions exercées par les autorités américaines contre l’évasion fiscale, de nombreuses banques suisses n’acceptent plus les dépôts des expatriés.

Une situation qui pourrait peut-être rapidement changer. En septembre, la Chambre du Peuple a en effet accepté, contre l’avis du gouvernement, une motion du député UDC Roland BüchelLien externe, également membre du Conseil des Suisses de l’étranger, demandant de garantir à tous les expatriés la possibilité d’ouvrir un compte auprès de Postfinance, l’institut bancaire de la Poste suisse. La proposition doit encore surmonter l’écueil du Conseil des Etats. Une autre motion est en cours d’élaboration pour faire de même avec les banques ‘too big to fail’. Un thème, confirme Miriam Gurtner, qui sera sans aucun doute au centre de la campagne de son parti en vue des élections fédérales de l’année prochaine.

(Traduction de l’italien: Gemma d’Urso)

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