«Quelque chose en nous d’Obama», jubile la presse
L'élection du 44e président américain suscite les commentaires lyriques de la presse suisse. Mais pour elle, si le moment est historique, il reste à concrétiser dans l'action.
Emotions et lyrisme à la une! Et cette photo d’abord, bouleversante, dans Le Matin: un Jessie Jackson, premier candidat noir à une élection présidentielle américaine, en larmes…
Selon Le Temps, ces larmes de joie et d’émotion, qui ont coulé «dans le monde entier», sont des larmes «qui évoquent une éternité vengée, des larmes qui disent des siècles de combats et de rages, des larmes qui expriment simplement, profondément, l’émotion des hommes lorsque la dignité et la fraternité l’emportent sur les haines, les préjugés et les discriminations.»
L’emphase, La Liberté y recourt aussi, dans un éditorial titré «Quelque chose en nous d’Obama». Pour le quotidien de Fribourg, «ce moment est un repère dans la longue marche de l’humanité vers la tolérance et l’abolition des discriminations raciales.»
«Une nouvelle Amérique», titre la Tribune de Genève, pour laquelle «l’Amérique est de retour» et vient de retrouver ses amis, partenaires et admirateurs. Historique, cette élection d’un homme de couleur à la Maison blanche l’est, d’autant que «le président et l’Etat qu’il dirige partagent désormais un même ADN, celui du métissage.»
Huit années d’un pouvoir diviseur, fin d’un cycle économique, désir «presque immatériel de changement»: l’élection d’Obama est historique mais n’est pas étonnante, estime 24heures.
«Yes we can!»
Pour le journal lausannois, Obama est l’incarnation du rêve permanent des Etats-Unis: un optimisme et une confiance dans sa destinée. «L’Amérique a choisi son meilleur représentant, celui en qui elle se reconnaît.»
Cette élection résonne en chacun, intimement. Le «Yes we can!» du candidat Obama, Le Temps le voit comme un appel à «réveiller le meilleur de soi: la possibilité de surmonter l’insurmontable, l’envie de conquérir l’impossible».
Le quotidien édité à Genève constate aussi qu’Obama n’a pas été élu parce que métis, mais malgré cela. Une grande leçon de démocratie donc, le facteur racial n’étant plus un «obstacle fatal».
A Zurich, le Tages Anzeiger replace cette élection dans le débat dérégulation/force du politique. La démocratie américaine a «prouvé sa capacité proverbiale à se renouveler et redonné à son système politique une nouvelle base, estime le quotidien. L’élection d’Obama lui rend sa souveraineté; le peuple a repris son contrôle démocratique des mains de l’économie.»
Retour de balancier
A Zurich toujours, la Neue Zürcher Zeitung estime que la victoire d’Obama n’est pas le mandat que le peuple octroierait pour une «révolution» démocrate. Elle découle plutôt de l’héritage républicain et des huit années Bush.
«Si Obama se méprend [sur cette analyse], il risque, à l’exemple de Bush, de se prendre les pieds dans le tapis. Le retour de balancier serait rapide, peut-être même lors des prochaines élections au Congrès dans deux ans.»
Sur le plan politique intérieur, la défaite de l’équipe de McCain prouve aussi «qu’une idéologie comme celle de Palin [sa colistière social-conservatrice populiste] n’est plus capable d’obtenir une majorité», estime le Bund. Autrement dit, pour pouvoir rêver d’un retour au pouvoir, les républicains centristes devront reprendre du poil de la bête au sein du parti.
Obama, c’est aussi l’arrivée au pouvoir d’un «quadra», constate la Basler Zeitung. Fini les Bush et autres Clinton de la génération des «Babyboomer». Obama utilise le langage d’aujourd’hui, qui touche et motive une jeunesse peu politisée. Un langage moins idéologique que fondé sur des valeurs et des idéaux communs.
Tout reste à faire
N’en demeure pas moins que, pour la plupart des journaux, tout reste à faire. Les attentes face au nouveau président sont «démesurées», constate par exemple la Tribune de Genève. «Barack Obama fut un candidat de génie. Il doit prouver que le président est de la même trempe.»
Son défi le plus urgent se situe dans le champ économique, constate L’Express. Il devra «faire face à une crise dont les effets sociaux sont dévastateurs et à un déficit public phénoménal qui va peser sur tous les autres dossiers durant des années.»
Est-il, pour autant, condamné à décevoir? Pour ceux qui croient aux chimères, oui, estime 24heures, pas pour les autres. En deux ans de campagne, Obama a fait tout juste. Plus que le bénéfice du doute, il dispose aujourd’hui d’un «capital de sympathie et de confiance à la mesure de sa large victoire. Et d’un mot qu’il a ravivé à la face du monde: le progrès».
«Les cloportes n’ont pas toujours raison, assène pour sa part Le Matin. Ils parient sur la pire quand la preuve du meilleur vient d’être donnée».
swissinfo, Pierre-François Besson
Les principaux quotidiens américains ont été contraints de réimprimer des milliers d’exemplaires mercredi, au lendemain de l’élection historique.
A Washington, environ 400 personnes faisaient elles la queue devant les bureaux du Washington Post pour acheter l’édition du jour, déjà épuisée en milieu de journée dans la capitale.
Le Post qui avait mis en vente 30% d’exemplaires de plus que d’habitude, a annoncé qu’il allait réimprimer 250’000 copies supplémentaires de l’édition spéciale du 5 novembre.
A New York, le journal New York Times avait aussi augmenté son tirage de 35% mais il a dû lancer l’impression de 50’000 copies de plus pour satisfaire son lectorat.
Le Los Angeles Times a de son côté décidé de laisser tourner ses rotatives et a imprimé 100’000 exemplaires supplémentaires vendus directement aux lecteurs se présentant au siège du journal.
Des internautes ont profité de cette pénurie pour faire des affaires. L’édition du New York Times, simplement barrée en une du titre « Obama », se vendait mercredi matin jusqu’à 400 dollars sur un site d’enchères.
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