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Ratko Mladic sous les verrous

Le général Ratko Mladic en 1993. Keystone

L’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie Ratko Mladic a été arrêté jeudi. Avec cette arrestation, trois ans après celle de Radovan Karadzic, le travail débuté par Carla del Ponte est finalement couronné de succès.

Ratko Mladic a été arrêté tôt dans la matinée de jeudi en Serbie. «Au nom de la République de Serbie, je peux annoncer l’arrestation de Ratko Mladic. Le processus d’extradition est en cours», a précisé le président serbe Boris Tadic lors d’une conférence de presse à Belgrade.

Les détails de l’arrestation par la police serbe n’ont pas été communiqués. Mais selon diverses sources serbes, il semblerait que l’homme, qui se faisait appeler Milorad Komadic, ait été localisé en Voïvodine (Serbie septentrionale), où il travaillait dans une ferme.

L’ancien général a été inculpé de génocide par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), basé à La Haye, pour le massacre à l’été 1995 de 8000 Bosniaques musulmans à Srebrenica, dans l’est de la Bosnie, et pour le siège de Sarajevo.

Il risque la prison à vie s’il est reconnu coupable des quinze accusations de persécutions, exterminations, meurtres, déportations, actes inhumains, prises d’otages et recours à la terreur qui pèsent sur lui.

La prévision de Carla del Ponte

En août 2008, la Suisse Carla del Ponte, ancienne procureur du TPIY, avait commenté l’arrestation de Radovan Karadzic en affirmant que celle de Ratko Mladic suivrait tôt ou tard, car il y avait une volonté claire de la Serbie d’œuvrer dans ce sens.

«Après mon départ du TPIY, en décembre 2007, j’étais frustrée de ne pas avoir pu obtenir ces arrestations. Aujourd’hui, je suis très contente: les faits prouvent que notre stratégie était la bonne», avait-elle déclaré à l’époque.

Et les faits actuels le prouvent encore une fois, puisque, devant la presse, le président serbe a annoncé l’«extradition immédiate» de Ratko Mladic vers La Haye.  

Dernier des grands criminels

Ratko Mladic était avec son mentor politique Radovan Karadzic, capturé en 2008, le dernier grand criminel de guerre présumé recherché dans les Balkans.

Le 15 mai 1992, alors que la Bosnie a voté l’indépendance par référendum, le président autoproclamé des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, le nomme commandant de l’Armée serbe de Bosnie, poste qu’il conservera jusqu’en décembre 1996. Il organise les 43 mois de siège de Sarajevo et commande les troupes qui s’emparent, en juillet 1995, de l’enclave musulmane de Srebrenica.

Fin 1995, le TPIY l’inculpe de génocide pour le siège de Sarajevo et les massacres de Srebrenica. La chute de Slobodan Milosevic à Belgrade, en octobre 2000, le prive de la protection officielle de l’Etat.

Ratko Mladic entre dans la clandestinité en 2001 et échappe aux forces internationales. Selon l’Otan, il s’est rendu en 2004 dans son ancien bunker pour retrouver ses anciens compagnons d’arme et en est reparti au nez et à la barbe de la police bosniaque.

Les familles de victimes soulagées

Les famille de victimes du massacre de Srebrenica se sont immédiatement déclarées satisfaites de l’arrestation. «Après seize ans d’attente, pour nous, les familles de victimes, c’est un soulagement. C’est vraiment très important», a déclaré Hajra Catic, présidente de l’association Femmes de Srebrenica dont le mari et le fils ont été tués dans le massacre de Srebrenica.

Toujours au niveau des réactions, Catherine Ashton, la haute représentante de la politique extérieure de l’UE, a salué l’arrestation, une «étape importante pour la Serbie et la justice internationale». Elle a demandé le transfertt de Ratko Mladic sans délai au TPIY à La Haye.

L’Otan a également salué l’arrestation de Ratko Mladic, estimant qu’elle offrait une possibilité «à la justice d’être faite», près de 16 ans après son inculpation pour génocide et crimes de guerre. «Je salue vivement la nouvelle de l’arrestation de Ratko Mladic  et le fait que son extradition vers La Haye est en cours», a déclaré dans un communiqué le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Anders Fogh Rasmussen.

Suisse satisfaite

En Suisse, le ministère des Affaires étrangères se «félicite» de l’arrestation. «Le transfert vers le TPIY de cet homme en fuite depuis de nombreuses années constituera un tournant dans la recherche de la justice pour les victimes des crimes de guerre commis en ex-Yougoslavie. La Suisse plaide pour que cette arrestation soit aussi l’occasion de renforcer le travail de réconciliation entrepris par les pays de cette région», indique-t-il dans un communiqué.

«C’est une question politique, mais je peux vous confier mon sentiment de satisfaction de voir la loi appliquée, a déclaré quant à lui le président du Comité international de la Croix-Rouge Jakob Kellenberger. Mon impression est que le combat contre l’impunité est en train de devenir sérieux.»

Un pas vers l’Europe

L’Union européenne avait accentué ces derniers temps la pression sur Belgrade, mettant l’arrestation de Ratko Mladic dans la balance des négociations pour l’intégration à l’UE. L’arrestation de jeudi pourrait donc accélérer l’ancrage de la Serbie en Europe.

Journaliste spécialisé dans les questions humanitaires pour les quotidiens suisse Le Temps et français Libération, Pierre Hazan est aussi d’avis que cette perspective européenne a joué un rôle dans l’arrestation. «Les souvenirs de la guerre s’estompent un peu, explique-t-il à swissinfo.ch. Il y a actuellement beaucoup de problèmes économiques. La Serbie souhaite faire partie de l’UE et avoir de bonnes relations avec des organisations internationales comme la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international, où les pays occidentaux jouent un rôle majeur. Pour toutes ces raisons, je crois qu’il était préférable pour le gouvernement de l’arrêter.»

«Bien que je souhaite être très prudent sur ce point, mon sentiment est qu’il y a en Serbie de très nombreux jeunes qui aimeraient laisser le passé derrière eux et essayer de trouver un emploi, poursuit-il. Cela pourrait être une priorité.»

Sur les 161 personnes inculpées par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) depuis sa création en 1993, un seul est désormais toujours en fuite: l’ex-président de la Krajina.

Goran Hadzic, 52 ans, ancien président de la République serbe auto-proclamée de Krajina, qui s’étendait sur environ un tiers du territoire de la Croatie durant la guerre (1991-1995), est accusé de crimes de guerre et contre l’humanité.

Il a disparu de son domicile peu après la publication de son inculpation en juillet 2004 et ne s’est pas rendu malgré les appels du gouvernement serbe. Il doit répondre de quatorze chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour son implication présumée dans les meurtres de centaines de civils croates et la déportation de dizaines de milliers de Croates et autres non-serbes par les troupes serbes durant la guerre de Croatie (1991-1995).

Son inculpation mentionne de manière spécifique sa responsabilité dans le massacre de l’hôpital de Vukovar, au cours duquel 250 Croates et autres non-serbes ont été tués.

Le massacre de Srebrenica a lieu le 11 juillet 1995. Des soldats et des paramilitaires serbes y éliminent environ 8000 musulmans de sexe masculin.

La ville bosniaque était l’une des six zones de sécurité protégées par les forces de maintien de la paix de l’ONU. Mais les troupes onusiennes n’ont pas été capables de prévenir le massacre

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