États-Unis: le risque de blocage rend amère la victoire démocrate
Que signifient les résultats des élections de mi-mandat aux États-Unis pour le pays et le monde? Les réactions de la presse suisse suggèrent que tout dépend de ce que le président Trump fera ensuite: va-t-il redoubler ses attaques contre les démocrates et autres adversaires ou envisager de trouver des compromis?
Les démocrates ont ravi mardi la majorité de la Chambre des représentants au Parti républicain de Donald Trump, lors d’une révolte suburbaine qui menaçait l’agenda gouvernemental du président des États-Unis. Les républicains ont toutefois gagné du terrain au Sénat et préservé des gouvernorats clés, repoussant la «vague bleue» qui n’a pas réussi à se concrétiser.
«Les deux sont soulagés de constater que leurs pires peurs ne se soient pas réalisées», écrit le quotidien zurichois Tages-Anzeiger. «Une seule chose peut être affirmée avec certitude: le Parti républicain est définitivement entre les mains de Donald Trump. Il gagne grâce à lui, là où il est fort – et décline là où les votants le rejettent.»
Alors que les électeurs des banlieues ayant fait des études supérieures ne se sont pas montrés sensibles aux mises en garde du président concernant une probable «invasion» de migrants, les cols bleus et les habitants de l’Amérique rurale se sont ralliés à ses propos.
«Le fait que les républicains aient perdu autant de sièges à la Chambre des représentants, malgré une économie en plein essor, est la punition méritée par un Congrès qui n’a fait que suivre une forme de politique s’apparentant à rien de plus qu’une soumission inconditionnelle au président», commente le Tages-Anzeiger.
«Depuis qu’il [Donald Trump] est entré à la Maison-Blanche, les députés républicains n’ont rien fait pour freiner ses pires instincts et aberrations. Sous leur direction, le Congrès a, dans une certaine mesure, négligé sa responsabilité de surveillance, ce qui a transformé le principe des ‘checks and balances’ en une farce.»
Deux options
La nouvelle majorité démocrate à la Chambre des représentants mettra fin à la domination du Parti républicain à Washington pour les deux dernières années du premier mandat de Trump, avec des questions majeures concernant les soins de santé, l’immigration et les dépenses gouvernementales.
Le quotidien Neue Zürcher Zeitung (NZZ) estime que ce gouvernement divisé menace d’aggraver le blocus au Congrès, comme on l’a vu au cours des six dernières années de l’administration Obama, et affirme que Donald Trump a essentiellement deux façons de traiter ce problème. La première consisterait «à faire appel à ses compétences de «négociateur», dont il s’est tant vanté, et d’essayer de trouver des compromis avec la Chambre des représentants afin de poursuivre le processus législatif». Selon le journal, les chances que cela se produise restent intactes, puisque les démocrates ont un intérêt à montrer aux électeurs qu’ils peuvent être constructifs et pas seulement obstructifs.
«L’alternative serait que Trump dirige directement sa rhétorique redoutée vers le peuple américain, en tentant d’attiser l’opinion publique contre les démocrates. Cela pourrait faire pression sur les démocrates, qui dépendent fortement des électeurs indécis, et rompre avec le front uni qu’ils forment à la Chambre des représentants.» Ce serait «indésirable» pour la politique américaine, estime la NZZ. «La polarisation actuelle augmenterait encore, avec seulement des conséquences négatives pour les institutions américaines.»
«Douce victoire»
Le journal Le Temps, édité à Genève, considère que si la victoire des démocrates à la Chambre des représentants s’apparente à un «coup d’assommoir» pour Donald Trump, l’impact positif pour le parti ne doit pas être surestimé:
«Les démocrates vont certes pouvoir lancer des commissions d’enquête parlementaires, notamment à propos de l’ingérence russe dans la présidentielle de 2016 et les soupçons de collusion avec l’équipe de campagne de Trump, et être en mesure d’influencer l’agenda du président. Ils pourraient aussi décider de lancer une procédure de destitution. Mais les chances d’aboutissement d’un impeachment restent maigres: ils devraient pouvoir compter sur 60% des voix au Sénat, toujours en mains républicaines. Ce qui est impossible.»
«Aujourd’hui, les démocrates peuvent savourer une douce victoire, une petite revanche sur 2016», poursuit le journal. «Ils ont réussi à imposer des femmes, des jeunes et des représentants de minorités – deux femmes musulmanes et deux Amérindiennes font par exemple pour la première fois leur entrée au Congrès. Une sorte de renouveau, hommage à la diversité de l’Amérique, qui ne peut que leur être profitable dans la perspective de la course à la présidentielle de 2020. Dans les faits, cette course-là démarre dès aujourd’hui.»
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