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Roche et Novartis pèsent sur la réforme de santé d’Obama

Roche et Novartis se livrent à une féroce bataille d'influence à Washington. Keystone

Roche et Novartis figurent parmi les compagnies pharmaceutiques qui font le plus pression sur le Congrès et la Maison Blanche pour influer sur le projet de réforme du système de santé. Depuis le début de l'année, les géants suisses y ont consacré plus de 7 millions de dollars.

Roche, Novartis et les autres groupes de pression ont déjà consacré près de 400 millions de dollars pour influencer le contenu de la réforme de la santé, la plus grande priorité intérieure du président Barack Obama et qui est actuellement en discussion au Congrès.

«2009 sera une année record dans l’histoire du lobbying», prédit David Levinthal, porte-parole du Center for Responsive Politics, observatoire des relations financières entre les groupes de pression et les pouvoirs publics américains.

Au Congrès, Tammy Baldwin, co-présidente du groupe parlementaire des Amis de la Suisse, confirme l’emprise des compagnies pharmaceutiques et des compagnies d’assurance.

«Leurs lobbyistes sont très actifs et présents à la Chambre et au Sénat. Ils cherchent à obtenir des rendez-vous, ils cherchent à persuader, ils se font davantage entendre et ont beaucoup plus de moyens que les partisans d’un système universel et public d’assurance-maladie», confie la députée.

Mieux que les assureurs

«Notre système de santé est, dans une large mesure, basé sur le profit et beaucoup de gens en tirent de très bons revenus. C’est pourquoi il y a une grande résistance au changement», explique Tammy Baldwin.

Mais si la couverture médiatique s’est focalisée sur les démarches des compagnies d’assurance pour faire capoter une réforme fondamentale, il s’avère que les pharmaceutiques surpassent les assureurs en lobbying. «Le secteur pharmaceutique est le plus grand lobbyiste à Washington, bien avant les assurances», note David Levinthal.

A ce jeu, les deux géants suisses jouent un rôle singulier. Roche occupe en effet le cinquième rang des compagnies pharmaceutiques les plus actives à Washington au premier semestre. Elle est même la première compagnie pharmaceutique étrangère à courtiser les pouvoirs publics américains, avant le français Sanofi-Aventis, l’allemand Merck, l’anglais GlaxoSmithKline et un autre allemand, Bayer. De son côté, Novartis se classe dizième.

Motus et bouche cousue

Joint par swissinfo.ch, Roche a refusé de s’exprimer sur la réforme de santé et ses activités de lobbying. Le groupe suisse a suggéré de contacter un porte-parole de l’association des entreprises de biotechnologie, groupement auquel Roche adhère à la suite du rachat de Genentech. Mais ce porte-parole n’a pas répondu à notre demande d’interview.

Le responsable mondial des produits pharmaceutiques chez Novartis, Joe Jimenez, souligne pour sa part que Novartis «appuie les initiatives de l’Administration Obama en vue d’élargir la couverture médicale et d’améliorer la qualité des soins pour tous les Américains».

Il rappelle que le secteur pharmaceutique a pris «un engagement important» pour réduire les coûts du système américain, le plus cher au monde. Notamment parce que les prix des médicaments sont 40 à 60% plus élevés que dans les autres pays développés.

«Nous avons passé un accord avec la Maison Blanche et le Sénat qui nous reviendra à 80 milliards de dollars sur 10 ans sous forme de rabais pour les patients couverts par Medicaid et Medicare, les programmes publics destinés aux pauvres et aux plus de 65 ans, note le responsable de Novartis.

Des efforts qui paient

L’effort consenti est cependant relatif puisque les Etats-Unis comptent pour la moitié du marché pharmaceutique mondial, avec des ventes annuelles de près de 300 milliards de dollars. Par ailleurs, l’effort ne concerne pas les Américains, qui ne sont couverts ni par Medicaid, ni par Medicare, même si Joe Jimenez affirme que «les prix vont baisser» pour tout le monde.

Mais les autres efforts des compagnies pharmaceutiques, ceux déployés pour obtenir une réforme conforme à leurs intérêts, ont déjà payé. Aucune proposition de loi débattue au Congrès ne prévoit de plafonner les prix des médicaments. Aucune proposition ne prévoit non plus de réduire la durée des brevets des compagnies et de favoriser ainsi une baisse des prix en renforçant la concurrence des fabricants de génériques.

L’attention de Novartis et des autres compagnies se porte donc aujourd’hui sur les propositions qui visent à diminuer la durée de l’exclusivité des données tirées des essais cliniques afin de stimuler la concurrence de génériques moins onéreux.

Novartis se défend

Les défenseurs des consommateurs accusent les groupes pharmaceutiques de veiller au «status quo». «Ces entreprises sont préoccupées par leur chiffre d’affaires et tiennent à garder les prix aussi élevés qu’elles le veulent. Jusqu’à présent, dans ce débat sur la réforme de santé, elles ont obtenu ce qu’elles voulaient», affirme David Levinthal, du Center for Responsive Politics.

Novartis rétorque que les prix pratiqués aux Etats-Unis reflètent les coûts de production et permettent la poursuite de la recherche.

«Nous investissons 20% de notre chiffre d’affaires dans la recherche et quand certains nous accusent de n’être préoccupés que par nos revenus, nous disons que nous protégeons notre investissement et nous assurons que l’innovation est récompensée», affirme Joe Jimenez. «Sinon, le nombre de médicaments en développement sera réduit et la science n’avancera pas», avertit ce responsable de Novartis.

Marie-Christine Bonzom, Washington, swissinfo.ch

Priorité. La réforme du système de santé est un objectif prioritaire de la présidence de Barack Obama. Le projet prévoit d’étendre la couverture maladie à tous les Américains et de réduire les coûts.

Assurance publique. Certaines versions qui circulent au Congrès préconisent aussi la création d’une assurance-santé publique pour stimuler la concurrence et faire baisser les cotisations.

Opposition. La réforme se heurte à l’opposition farouche de la plupart des républicains, des assureurs privés, des syndicats et des grandes organisations patronales.

Sénat. Mercredi dernier, une étape importante a été franchie avec l’approbation du projet par la commission des Finances du sénat.

Des 121 secteurs industriels qui courtisent le Congrès et la Maison Blanche, le secteur pharmaceutique est numéro un.

Les compagnies pharmaceutiques ont dépensé plus que n’importe quel autre secteur pour faire pression sur le gouvernement américain au premier semestre 2009, soit près de 134 millions de dollars.

Les pharmas font même plus de «lobbying» contre la réforme de santé que les compagnies d’assurance, qui n’ont dépensé «que» 82 millions de dollars.

Roche est la compagnie pharmaceutique non-américaine qui a fait le plus de lobbying au premier semestre (plus de 4 millions de dollars).

Novartis est aussi très active à Washington (plus de 3 millions au premier semestre).

(source *: Center for Responsive Politics, sur la base d’informations devant être fournies dans le cadre d’une loi sur les groupes de pression et leur représentants au gouvernement américain)

* pour les deux encadrés

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