RUAG va redevenir l’armurier des soldats suisses
La Confédération va se séparer de tous les secteurs du groupe d'armement RUAG qui ne travaillent pas pour l'armée suisse. Le reste, dont l’aérospatial, sera privatisé et vendu.
La nouvelle tombée lundi matin était attendue. L’été dernier, le Conseil fédéral (gouvernement) a lancé un examen de la politique de gouvernance des entreprises proches de la Confédération. RUAGLien externe, privatisé en 1998, mais détenu à 100% par l’Etat, qui est à la fois son principal client, en fait évidemment partie.
Au fil des ans, l’ancienne fabrique d’armes et de munitions est devenue un véritable groupe technologique international, avec plus 8000 employés, dont plus de la moitié travaillent hors de Suisse, et qui réalise 55% de son chiffre d’affaires (de deux milliards de francs) dans les activités civiles.
Sécurité à améliorer
A la suite notamment de l’affaire CarPostal, de la cyberattaque chez Ruag et du vol de données chez Swisscom, le Conseil fédéral avait décidé le 8 juin 2018 de soumettre à un audit externe le pilotage des entreprises liées à la Confédération. Principal enjeu: séparer les flux financiers et les systèmes informatiques, afin d’accroître la sécurité.
«RUAG est devenu un groupe technologique international. Sa mission légale de couverture des besoins matériels de l’armée ne constitue aujourd’hui plus qu’une partie de ses activités», souligne le Conseil fédéral dans son communiquéLien externe. C’est pour anticiper l’évolution du groupe que le gouvernement a pris les décisions annoncées ce lundi.
RUAG compte cinq divisions, spécialisées dans l’aérospatial (celle qui a repris notamment Oerlikon Space et fabrique donc les coiffes des fusées Ariane et Vega), l’aviation civile et militaire, la fabrication de munitions de petit calibre, le développement de technologies métallurgiques et l’entretien des systèmes de défense.
Scindé en deux groupes
Dès janvier 2020, RUAG Holding deviendra une société de participation scindée en deux groupes dirigés séparément. MRO CH (environ 2500 collaborateurs, sites de production en Suisse) travaillera pour l’armée. RUAG International (environ 6500 collaborateurs, dont deux tiers à l’étranger) sera composé des autres secteurs d’activité.
La valeur de l’entreprise est estimée entre 500 et 700 millions de francs. La privatisation, qui pourrait intervenir dans les années qui suivent 2021, devrait se faire via une entrée en bourse. Rien n’a encore été décidé définitivement. Si cette stratégie ne fonctionne pas, une vente complète de tous les domaines de RUAG international pourrait être envisagée.
Création d’un groupe aérospatial
Une partie de l’argent issu des ventes sera réinvesti dans un nouveau groupe aérospatial, qui devrait être à terme privatisé et coté en bourse. Faute de base légale, la Confédération ne peut pas détenir durablement de participation dans un groupe technologique de ce type. De plus, le Conseil fédéral n’y voit aucun intérêt public et les risques économiques pour la Confédération sont trop grands.
Le groupe Aerospace devrait se profiler dans un domaine en principe civil. L’idée de se concentrer uniquement sur le spatial (trop concentré aux Etats-Unis) ou l’aéronautique (trop dépendant d’Airbus) a été écartée pour le moment. Il s’agit de développer une entreprise attractive à caractère helvétique. Le savoir-faire technique restera en Suisse. RUAG soumettra cette année un plan de mise en œuvre.
«L’appât du gain»
La nouvelle stratégie du gouvernement ne convainc pas les milieux de gauche. Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) critique vivement la privatisation quasi totale de l’entreprise d’armement, proche de la Confédération. Le Conseil fédéral se dérobe à ses responsabilités quant aux exportations de matériel de guerre, accuse l’organisation antimilitariste. «Il est évident que par cette privatisation, le Conseil fédéral entend faciliter un business peu populaire», écrit le GSsA dans un communiqué.
Le GSsA a de gros doutes sur les motivations du Conseil fédéral pour justifier la privatisation de RUAG. Son explication selon laquelle les sites de production suisses sont maintenant déjà dépendants de composants venant de l’étranger montre «que l’industrie de l’armement suisse n’a rien à voir avec la défense du pays, mais beaucoup avec l’appât du gain».
Certains élus socialistes critiquent également le principe même de la privatisation. Interviewée par la Radio Télévision Suisse (RTS), la députée Brigitte Crottaz estime que «la surveillance politique de RUAG est modeste et pas suffisante. Il faudrait que les exportations soient surveillées de manière à s’assurer qu’elles respectent les normes.»
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.