Imposition des entreprises: la Suisse adopte les standards internationaux
Quelques jours après avoir décrété la fin du secret bancaire, le Parlement suisse a aussi décidé de renoncer – toujours sous la pression de l’UE, du G20 et de l’OCDE – aux régimes fiscaux spéciaux pour les entreprises étrangères. La troisième Réforme de l’imposition des entreprises, adoptée mardi par les Chambres fédérales, sera probablement combattue par un référendum de la gauche.
Avec la Réforme de l’imposition des entreprises III, la Suisse met fin à un long litige avec l’Union européenne. Déjà au début des années 2000, les membres de l’UE avaient commencé à exercer de fortes pressions pour pousser la Confédération à supprimer les statuts fiscaux spéciaux accordés par les cantons aux entreprises – holdings, sociétés mixtes et sociétés de gestion – qui opèrent à l’étranger et qui ont en Suisse des activités presque exclusivement administratives.
Les bénéfices obtenus par ces entreprises à l’étranger sont exemptés d’impôts cantonaux ou sont taxés par les cantons à des taux beaucoup plus bas que ceux qui sont appliqués à des entreprises opérant effectivement en Suisse. Selon Bruxelles, ces régimes fiscaux sont assimilables à des subventions publiques qui faussent la libre concurrence. En 2007, la Commission européenne avait même décrété que ces statuts fiscaux cantonaux violaient l’Accord de libre-échangeLien externe en vigueur entre la Suisse et l’UE depuis 1972.
Ces dernières années, s’étaient ajoutées aux pressions de l’UE également celles du G20 et de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques) qui avaient décidé d’adopter des standards internationaux à partir de 2017 pour empêcher les entreprises transnationales de contourner ou d’éluder l’impôt. En 2014, l’OCDE avait présenté le BEPSLien externe (Base Erosion and Profit Shifting), plan international destiné à harmoniser l’imposition des entreprises et à combler les lacunes des législations nationales.
Pour éviter des mesures de rétorsion, la Suisse s’est aussi vue contrainte d’adhérer aux standards de l’OCDE. En 2014, le gouvernement de Berne avait donc signé un accord avec BruxellesLien externe, dans lequel il s’engageait à supprimer les régimes fiscaux contestés, à condition que les membres de l’UE renoncent aux mesures de rétorsion prévues. Présentée la même année par le Conseil fédéral, la Réforme de l’imposition des entreprises III avait donc pour but initial d’adapter la législation suisse aux nouvelles normes internationales.
Voici les points principaux de la réforme adoptée mardi par le Parlement:
- Les régimes fiscaux spéciaux contestés par l’UE et l’OCDE seront supprimés dès 2019. Jusqu’à présent, environ 24’000 entreprises en bénéficient, qui fournissent des recettes fiscales de l’ordre de 4 à 5 milliards de francs par an.
- Afin de maintenir la compétitivité fiscale de leur place économique, les cantons prévoient de réduire les taux d’imposition sur le bénéfice de toutes les entreprises ayant leur siège sur leur sol.
- La réduction des recettes fiscales des cantons sera en partie compensée par la Confédération: à l’avenir, les cantons recevront 21,2% du produit de l’impôt fédéral direct (contre 17% actuellement).
- Pour continuer à attirer les entreprises étrangères, les cantons pourront avoir recours à ce que l’on appelle les «patent box», autorisées par les standards de l’OCDE. Il s’agit concrètement d’impositions privilégiées pour les entreprises actives dans la recherche et l’innovation.
- Le Parlement a par ailleurs prévu différents allègements fiscaux pour les entreprises, les banques et les assurances, mais qui seront examinés en marge de la Réforme de l’imposition des entreprises III.
Soutenue par les partis du centre et de la droite, cette réforme a été combattue au Parlement par la gauche, qui a d’ores et déjà annoncé un référendum. Les mesures adoptées ces jours causeront un trou de plus d’un milliard de francs dans les caisses fédérales, ce qui nécessitera de nouvelles mesures d’économies de la part de la Confédération. Selon les partis de la gauche, ces sont les classes moyennes et modestes qui en feront surtout les frais.
(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)
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