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Sous le choc, les Tamouls de Suisse se mobilisent

Toutes les générations de la diaspora se sont retrouvées à Genève. swissinfo.ch

Près d'un quart de la communauté tamoule de Suisse s'est retrouvée mercredi à Genève pour dénoncer un génocide en cours au Sri Lanka. La diaspora tamoule prépare d'autres manifestations d'envergure en Suisse.

«Stop Genocide of Tamils». C’est l’un des slogans agités par les milliers de Tamouls (12’000, selon la police genevoise) rassemblés mercredi devant le siège européen des Nations Unies à Genève. Une manifestation massive à l’échelle helvétique, organisée par la branche suisse de l’Organisation de la jeunesse tamoule.

De plus en plus utilisé en cas de conflit au point d’en perdre toute signification, le terme de génocide n’est peut-être pas, dans le cas du Sri Lanka, totalement hors de propos.

«Un ministre du gouvernement sri lankais a récemment déclaré qu’il fallait éliminer les Tamouls du Sri Lanka au profit de la majorité cingalaise. Et ce alors que la population de l’île est très mélangée», assure Shiva Thambipillai, responsable du Forum Tamouls Suisse, une fédération qui regroupe environ 70 associations tamoules.

De retour du Sri Lanka, Adrien-Claude Zoller – directeur de Genève pour les droits de l’homme – craint, lui, que la défaite militaire de la guérilla séparatiste tamoule (LTTE) soit suivie par des massacres à l’encontre de la minorité tamoule.

Une mémoire blessée

De son côté, Robert Muggah, directeur de recherche à l’Institut de hautes études internationales et du développement, rappelle que les Tamouls ont déjà subi des pogroms, en particulier en juillet 1983. Ces massacres appelés «Black July Pogrom» sont d’ailleurs considérés comme le début de la guerre civile sri-lankaise.

«Motivées par des raisons économiques, alimentées par les colons anglais, les tensions entre la majorité cingalaise et la minorité tamoule se sont radicalisées après l’indépendance de l’île en 1948. Une tendance qui s’est encore accentuée avec l’actuel gouvernement de coalition, qui s’est allié avec le Janatha Vimukthi Peramuna, une formation marxiste-léniniste aux positions extrémistes», souligne Robert Muggah.

Mais si la diaspora tamoule de Suisse s’est fortement mobilisée à Genève et prévoit d’y revenir en masse (20’000 personnes attendues) le 16 mars avec des manifestants issus de toute l’Europe – après avoir organisé un grand rassemblement à Berne d’ici la fin du mois -, c’est d’abord pour réclamer que les civils tamouls ne fassent plus les frais de l’offensive qualifiée de finale contre la guérilla séparatiste des Tigres tamouls.

Appel au cessez-le-feu

«Nous avons écrit au gouvernement suisse pour qu’il appelle à un cessez-le-feu et fasse pression pour des négociations. Une option que Colombo semble complètement rejeter», précise Shiva Thambipillai.

Le ministère suisse des Affaires étrangères, lui, a réagi ce jeudi, en lançant «un appel urgent à toutes les parties pour qu’elles respectent le droit international humanitaire et mettent un terme aux hostilités.»

Un appel également lancé par plusieurs chancelleries occidentales, qui ne semblent guère impressionner le président nationaliste. Mahinda Rajapakse promet une victoire militaire totale sur les séparatistes tamouls.

«Les ombres du terrorisme ont presque été dissipées. Les Tigres seront complètement battus dans quelques jours», a claironné le chef de l’Etat dans un discours à la Nation mercredi pour le 61e anniversaire de l’indépendance de cette ancienne colonie britannique.

Une diaspora organisée

Mais pour ce faire Colombo devra compter avec la forte mobilisation de la diaspora tamoule. «Aujourd’hui, la diaspora dans le monde est presque aussi nombreuse que la minorité tamoule restée sur l’île, qui compte environ 2 millions de personnes. Elle s’est installée principalement au sud de l’Inde dans l’Etat du Tamil Nadu, au Canada, dans les pays scandinaves et en Suisse», détaille Robert Muggah.

Avant de souligner: «Les communautés tamoules exilées sont très organisées et très conscientes que le conflit avec Colombo est aussi une guerre de l’information. Cela dit, elles sont encore sous le choc de l’offensive en cours et de la possible défaite des Tigres, une guérilla réputée invincible».

Pas d’alternative politique

Reste à savoir si en Suisse comme ailleurs, la diaspora est sous la coupe de la guérilla séparatiste et de ses réseaux dans le monde. «Seule une minorité adhère pleinement au mouvement séparatiste. Mais la diaspora soutient leur cause, d’autant qu’il n’existe plus d’autres mouvements pour représenter de manière crédible la minorité tamoule», relève Robert Muggah.

Un avis que partage Shiva Thambipillai. «Les médias nous demandent souvent si les Tigres obligent la diaspora à leur verser de l’argent. C’est faux. Nous leur donnons librement des fonds pour leurs actions dans le domaine de la santé ou du social. Cela pour aider nos familles restées sur place», ajoute ce réfugié, en Suisse depuis plus de 20 ans.

De son coté, Rainer Mattern, de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés, est plus nuancé. «La diaspora est souvent profondément divisée en raison des méthodes violentes dont les LTTE sont coutumiers», dit-il.

swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

La communauté tamoule de Suisse compte plus de 40’000 personnes.

Près de 15’000 d’entre eux ont adopté la nationalité suisse.

La majorité des Tamouls vit en Suisse allemande, principalement dans le canton de Berne.

La Suisse romande compte près de 8000 Tamouls, dont 3000 dans le canton de Vaud.

Les plus grandes vagues de réfugiés tamouls remontent aux années 80.

En 2008, la Suisse a enregistré 1’262 demandes d’asile émanant de ressortissants sri-lankais.

«Dans les années 1980, seuls des hommes jeunes arrivaient et certains ont été associés aux drogues et à la criminalité. Les Tamouls étaient considérés comme des réfugiés, et rien d’autre.

Mais c’était une création des médias et il y avait un fort racisme.

Mais dès qu’ils ont reçu l’autorisation de travailler, les choses ont changé. Ils étaient de bons travailleurs, ils faisaient ce qu’on leur disait, et on a soudain découvert que la culture tamoule avait des points communs avec la culture suisse dans l’attitude face au travail.»

Un réfugié tamoul en Suisse cité dans un rapport de l’Office fédéral des migrations

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