Ueli Maurer en Israël sur fond de dégel
Samedi, le ministre suisse de la Défense entame un voyage controversé en Israël, ici qualifié de «partenaire important». Marque du dégel entre les deux pays pour les uns, cette visite est aussi critiquée par les autres, pour qui elle discrédite la Suisse.
Durant ce voyage de trois jours, Ueli Maurer rencontrera le président israélien Shimon Peres et le ministre de la Défense Ehud Barak, qui l’a invité. Il visitera aussi le mémorial Yad Vashem de l’holocauste à Jérusalem.
Pour le ministre de la Défense, cette visite permettra d’établir de meilleurs liens avec son homologue, avec qui il évoquera la coopération militaire en cours, en particulier les questions d’armement, la situation sécuritaire internationale, ainsi que le rôle des services de protection civile.
Le mois dernier, Ueli Maurer a dit au parlement qu’il aborderait également d’autres questions bilatérales, en vue d’«approfondir les zones d’intérêt mutuel», et qu’il ne négligerait pas les questions «où existent des différences».
L’association Suisse-Israël applaudit à cette visite. Pour elle, elle devrait aider à rétablir un dialogue en panne depuis 2008.
Entre 2006 et 2008, la politique suisse au Proche-Orient a eu plus d’une fois l’occasion de refroidir Israël, entre le contrat gazier conclu avec l’Iran et la poignée de main entre le président Hans-Rudolf Merz et son homologue de Téhéran Mahmoud Ahmadinejad, à une conférence contre le racisme à Genève.
Mais la Suisse défend sa politique, qui est de parler avec toutes les parties au conflit proche-oriental. Y compris le Hamas et le Hezbollah.
«N’y allez pas !»
Une trentaine d’ONG, soutenues par le député socialiste Carlo Sommaruga et ses collègues verts, a tenté d’empêcher cette visite d’Ueli Maurer en Israël.
Selon eux, elle sape l’engagement suisse pour une paix basée sur le droit international et envoie un mauvais message de soutien à l’occupation militaire israélienne des territoires palestiniens. Des manifestations ont eu lieu vendredi à Berne et à Genève.
Au parlement, Ueli Maurer avait dit que ces discussions permettraient à la Suisse «d’exposer sa vision» du processus de paix des questions qui lui sont liées.
Plus précisément, Sebastian Hueber, porte-parole du ministre, explique que celui-ci communiquera la préoccupation de la Suisse au sujet de deux rapports du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur les suites du rapport Goldstone (qui condamnait Israël après l’opération «Plomb durci») et sur l’arraisonnement de la flottille vers Gaza.
«Nous saisirons aussi l’occasion pour insister sur l’importance du droit international», en particulier celle des Conventions de Genève, ajoute Sebastian Hueber.
Dégel
Selon le quotidien romand Le Temps, cette visite d’Ueli Maurer intervient au moment d’un dégel dans les relations diplomatiques. Le fait que ce soit Barak, le patron de la diplomatie, qui ait invité Maurer est «symptomatique de ce changement» écrit le journal.
Et d’ajouter que les contacts stratégiques entre les deux pays n’avaient pas cessé malgré les tensions. Ainsi, en janvier, le diplomate suisse Christian Catrina aurait rencontré Amos Gilad, officiel de haut rang du ministère israélien de la Défense, pour une réunion de travail discrète sur l’Iran et le Hezbollah.
L’ancien ambassadeur François Nordmann constate aussi une certaine détente dans les relations.
«Nous sommes dans une période plus favorable, constate-t-il. On l’a vu avec la rencontre en mars entre Micheline Calmy-Rey, ministre des Affaires étrangères et le vice-premier ministre israélien Dan Meridor. Et également avec le récent voyage en Israël du secrétaire d’Etat Peter Maurer».
Liens militaires et bons offices
S’agissant de coopération militaire, les exportations d’armes vers Israël sont généralement interdites, mais selon le Groupe pour une Suisse sans armée, les deux pays ont poursuivi ces dernières années une collaboration militaire «intense».
Les partenariats mixtes ont été poursuivis, notamment dans le développement des drones. La Suisse a acheté à Israël des systèmes de reconnaissance électronique et de guidage d’artillerie, ainsi que d’autres équipements de haute technologie. Selon les pacifistes également, des réunions entre haut gradés de l’armée et des forces aériennes ont lieu régulièrement.
«Il y a un intérêt à poursuivre cette collaboration militaire, mais Ueli Maurer ne peut pas ignorer le contexte diplomatique», explique François Nordmann. L’ancien diplomate rappelle que la Suisse offre régulièrement ses «bons offices» pour des négociations.
«Mais si vous voulez offrir vos bons offices et participer aux négociations, vous devez avoir des relations avec toutes les parties. C’est ainsi que je vois la visite de M. Maurer en Israël», ajoute François Nordmann.
Non sans rappeler que la Suisse a été active dans le processus de paix. Jean-Daniel Ruch, envoyé spécial de Berne au Proche-Orient a récemment visité la région et rencontré toutes les parties en conflit. Et Micheline Calmy-Rey a pris part à une réunion sur le processus de paix en marge de l’Assemblée générales des Nations Unies en septembre.
«Mais je ne pense pas que les choses aient beaucoup bougé récemment», note François Nordmann pour qui l’intérêt de la Suisse est de rester vigilante et disponible pour des missions spécifiques.
Libre échange. Un accord est en vigueur depuis 1993 entre les membres de l’AELE (dont la Suisse) et Israël. Il s’applique aux produits industriels, aux produits de la pêche et de la mer. En addition, les pays de l’AELE ont passé individuellement des accords bilatéraux avec l’Etat hébreu dans le domaine agricole.
Exportations. En 2009, la Suisse a vendu des marchandises à Israël pour 927,4 millions de francs, principalement des produits pharmaceutiques, des pierres précieuses et de la bijouterie, des machines, des produits agricoles, de l’horlogerie et des instruments optiques.
Importations. Israël de son côté a vendu en 2009 pour 381 millions à la Suisse, de pierres précieuses et de bijouterie, de machines, de produits agricoles, de produits chimiques de base, d’instruments optiques et d’horlogerie.
«Très restrictive». C’est ainsi que le Secrétariat d’Etat à l’Economie qualifie la politique d’exportations vers Israël, en raison du conflit au Proche-Orient.
Matériel de guerre. En 2009, la Suisse en a vendu pour 100’000 francs à Israël. Il s’agissait d’un contrat temporaire, pour des pièces d’avions de combat F/A-18. Aucune exportation par contre dans la première moitié de 2010.
Drones. La Suisse utilise de ces avions sans pilote dont le design et la technologie sont basés sur un système d’Israel Aerospace Industries.
Traduction de l’anglais: Marc-André Miserez
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