«Si on ne juge pas la notion de crime d’agression, on ne fait que la moitié du travail»
Le Conseil de l'Europe demande qu'un tribunal international spécial soit créé pour l'Ukraine. Invité sur les ondes de la RTS, le président de la Commission des affaires juridiques et des droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, le Neuchâtelois Damien Cottier, estime que seule la justice peut permettre une «paix durable».
Un nouveau procès de Nuremberg est-il possible en Ukraine? Le Conseil de l’Europe a, en tout cas, exigé jeudi à Strasbourg à l’unanimité la création d’un tribunal international spécial afin de poursuivre les dirigeants russes, mais aussi biélorusses, désignés comme responsables de la guerre en Ukraine.
Car la Cour pénale internationale, dont le siège est à La Haye, n’est compétente que pour les crimes de guerre et contre l’humanité et non pour le «crime d’agression», la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine n’étant pas signataires du traité ayant institué la Cour.
«Le crime d’agression? C’est la décision de lancer un conflit international illégalement. (…) Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il est interdit de mener une guerre. Ce n’est pas un prolongement légitime de l’activité politique ou diplomatique», a souligné le président de la Commission des affaires juridiques et des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe Damien Cottier, vendredi dans La Matinale de la RTS.
Et d’ajouter: «Dans le jugement de Nuremberg, il est écrit que le crime d’agression est le crime suprême, parce qu’il permet tous les autres crimes. (…). Si on ne juge pas la notion de crime d’agression, on ne fait que la moitié du travail. C’est comme si on ne jugeait que la moitié des criminels.»
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«Pas de paix sans justice»
Pour le Neuchâtelois Damien Cottier, également conseiller national (député) PLR (droite libérale), ce tribunal spécial est essentiel pour dire que la violation du droit international n’est pas laissée sans conséquence. «Il faut rendre la justice pour les victimes, très nombreuses. On ne pourra pas, non plus, créer une paix durable sans justice.»
Le Conseil de l’Europe – qui réunit davantage de pays que l’Union européenne, y compris la Suisse – appelle donc ses Etats membres à mettre en place ce tribunal spécial avec le soutien d’autant d’Etats et d’organisations internationales que possible, notamment l’Assemblée générale des Nations unies. Il attend du sommet des chefs d’Etats et de gouvernements du Conseil de l’Europe, en mai à Reykjavik, «un soutien politique» à ce projet.
Obtenir l’adhésion du monde
Damien Cottier reconnaît qu’il y aura un «grand travail de conviction» pour obtenir le soutien le plus large possible de la communauté internationale. Et ce tribunal spécial ne devrait pas être créé en Ukraine, car il y aurait «une impression de partialité», et l’immunité des chefs d’Etat ne peut être levée que par la communauté internationale, citant l’ancien président du Kosovo Hashim Thaci (2016-2020) qui devrait être jugé à La Haye.
«Est-ce qu’un jour les responsables seront devant un tribunal? Je ne peux pas vous le dire. Mais ce qui est sûr, c’est que si on ne crée pas un tribunal spécial, ils ne le seront jamais.» Le président de la Commission des affaires juridiques et des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe rappelle aussi que ces crimes sont «imprescriptibles».
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