Un diagnostic global pour les droits humains
60 ans après son adoption, la Déclaration universelle des droits de l'homme continue d'être bafouée plus ou moins gravement par les Etats de la planète. Un nouvel instrument - l'Examen périodique universel - permet des progrès si l'Etat examiné collabore.
«A la fin des années 40 à Genève, le Conseil économique et social de l’ONU a déclaré que ni lui ni la commission des droits de l’homme (remplacé aujourd’hui par le Conseil des droits de l’homme) ne devraient se prononcer sur les cas de violation dans les pays. Une résolution qui existe encore», rappelle Adrien-Claude Zoller, fondateur de Genève pour les droits humains, une association de formation des droits de l’homme.
Et d’ajouter: «C’est à partir de là que tout le processus des rapporteurs spéciaux (experts indépendants enquêtant sur les droits de l’homme) a démarré. Il a fallu des années pour que ce maillage se mette en place»,
Une procédure universelle
Remplaçant en 2006 une Commission des droits de l’homme critiquée de toute part, le Conseil des droits de l’homme, lui, s’est doté d’un nouvel instrument de surveillance: l’Examen périodique universel (EPU). Avec cette procédure, le Conseil des droits de l’homme examine la situation des droits humains de chaque Etat membre de l’ONU.
Depuis son lancement au début de l’année, 32 Etats ont été auditionnés et 16 autres le sont ces jours. Andrew Clapham, directeur de l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains relève un premier progrès apporté par l’EPU. «Tous les Etats du monde sont soumis à la même procédure face à leur obligation en matière de droits de l’homme. Ça vaut pour les grandes puissances, comme les petits pays ignorés dans le passé», relève l’universitaire basé à Genève.
«Même si des zones d’ombre peuvent subsister, cet examen permet un diagnostic global de la situation des droits de l’homme dans chaque pays», ajoute de son coté, Yves Lador, un expert des questions de droits de l’homme.
Deux points de vue que nuance Adrien Claude Zoller: «C’est un outil supplémentaire pour mettre en œuvre les droits de l’homme. Mais il y a déjà des examens périodiques avec les organes de supervision des traités relatifs aux droits humains. Les rapporteurs spéciaux font des études chaque année et envoient périodiquement aux gouvernements des questionnaires.»
Le pari du dialogue
Et le co-créateur de UPR-info.org, une mine d’information sur l’EPU d’ajouter: «La vraie nouveauté tient à la méthode de travail. Ce ne sont pas des experts qui évaluent la situation dans un Etat, mais des gouvernements.»
Comme l’explique Andrew Clapham: «L’EPU ne délivre pas une note, mais pousse l’Etat à prendre des engagements dans le cadre de son dialogue avec ses pairs. Le vrai test pour l’EPU, c’est dans 4 ans, quand les Etats passent pour la 2ème fois l’examen.»
Un point de vue que partage Adrien-Claude Zoller qui ajoute: «L’examen dépend de ce qu’accepte souverainement l’Etat. Après deux ou trois revues, les Etats qui ne jouent pas le jeu apparaitront au grand jour. Ce qui finira par leur poser des problèmes. L’EPU commencera à fonctionner dans une dizaine d’années. Mais pour les Etats qui jouent le jeu et les gouvernements habitués à dialoguer avec la société civile, l’impact peut être immédiat.»
Ainsi en Suisse s’est mis en place un espace de dialogue entre une coalition d’ONG et le gouvernement à l’occasion du passage de la Confédération à l’EPU. Un espace de dialogue qui existe dans beaucoup de pays, selon Adrien-Claude Zoller.
Le cas des dictatures
Mais que se passe-t-il avec une dictature? Durant la 3ème session d’examen en cours actuellement, le Conseil va auditionner le Turkménistan (9 décembre) et l’Ouzbékistan (11 décembre). L’examen permettra de voir si ces deux régimes très autoritaires reconnaissent les graves violations qu’ils commettent.
Un constat qui vaut également pour l’Etat démocratique d’Israël miné par son conflit avec les Palestiniens et qui passe devant le Conseil ce jeudi, ou avec la Colombie (10 décembre) aux prises avec un conflit interne sanglant depuis des décennies.
«Il ne faut pas attendre de miracle de cet examen. Mais les Etats peuvent demander à Israël une meilleure prise en compte des résolutions de l’ONU à son encontre et le respect des conventions internationales qu’il a signées», relève Yves Lador. Avant d’ajouter: «Avant l’EPU, l’espace pour poser ce genre de question n’existait pas.»
Mais selon cet expert, l’EPU doit accorder plus de place aux experts comme les rapporteurs spéciaux et aux ONG, en particulier dans les recommandations faites à l’Etat examiné.
L’importance du suivi
Reste enfin la question du suivi de l’EPU. Les modalités de cette procédure ne sont pas encore totalement fixées. Mais selon Andrew Clapham, c’est là que réside le grand potentiel de l’EPU: «A la fin de l’examen, l’Etat prend des engagements et les autres pays vont suivre ces engagements qui peuvent déboucher sur l’abrogation de certaines lois ou la réforme d’institutions problématiques.»
Et l’universitaire de conclure: «Quand le pays concerné passera à nouveau son examen, les autres Etats pourront mesurer le degré d’application de ces engagements.»
swissinfo, Frédéric Burnand à Genève
Le Botswana, les Bahamas, le Burundi, le Luxembourg, la Barbade, le Monténégro, les Emirats Arabes Unis, Israël, le Liechtenstein, la Serbie, le Turkménistan, l’Ouzbékistan, le Burkina Faso, le Cap Vert, la Colombie, et Tuvalu.
Fin 2008, durant sa première année d’existence, l’Examen périodique universel aura passé au crible 48 pays.
Les 192 Etats qui composent l’ONU doivent être examinés une fois tous les quatre ans.
L’EPU se déroule en marge des sessions régulières du Conseil des droits de l’homme. Cet examen prend la forme d’un dialogue de trois heures sur chaque pays.
Cet «examen par les pairs» se base sur trois types de documents: un rapport de 20 pages présenté par le pays examiné; un rapport de 10 pages de la Haut-commissaire aux Droits de l’homme rassemblant les informations produites par les organes de l’ONU; un résumé de 10 pages des positions des ONG écrit par la Haut-commissaire.
Pour chaque pays examiné, trois diplomates de pays différents et tirés au sort coordonnent l’examen débouche sur un rapport et des recommandations adressées à l’Etat examiné et adoptées par les membres du Conseil des droits de l’homme.
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