«Un environnement sain et une économie saine sont indissociables»
Pour les Verts libéraux, l’économie peut aussi tirer bénéfice du grand tournant énergétique qui devrait conduire à un abandon progressif de l’énergie nucléaire et fossile. Ce jeune parti du centre veut construire une société durable avec des recettes libérales. Entretien avec son président, Martin Bäumle.
Lors des élections fédérales d’octobre, les Verts libéraux espèrent consolider leur résultat surprenant de 5,4% des voix, obtenu il y a quatre ans. Mais cette force émergente du centre de l’échiquier politique devra d’abord réussir à se remettre de la véritable gifle reçue lors des votations fédérales du 8 mars dernier. Sa toute première initiative populaire, qui demandait de remplacer la TVA par une taxe sur les énergies non renouvelables, avait alors été rejetée par… 92% des votants.
swissinfo.ch: Quelles sont les deux principales priorités des Verts libéraux pour la prochaine législature?
L’interview a été réalisée en mars.
Martin Bäumle: Il faut avant tout mettre en œuvre le tournant énergétique de la manière la plus libérale possible. C’est pourquoi nous soutenons l’introduction de mesures d’incitation pour favoriser l’efficience énergétique et les économies d’énergie, dans le but de réduire les dégâts à l’environnement et de construire une société durable. En second lieu, nous voulons maintenir et renforcer notre place économique et la qualité de vie en Suisse. Pour ce faire, nous proposons la création et le développement de parcs de l’innovation.
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Les Verts libéraux et la Cinquième Suisse
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Le président des Verts libéraux s’exprime sur le rôle de la Suisse dans le monde et sur ce que les Suisses expatriés représentent pour son parti.
swissinfo.ch: Les Verts libéraux veulent concilier développement durable et intérêts économiques. Ne s’agit-il pas d’objectifs opposés?
M. B. : Non, au contraire. Un environnement sain et une économie saine sont indissociables. Si la qualité de l’environnement n’est pas bonne, la population en souffre et l’économie ne peut pas fonctionner. D’un autre côté, l’économie peut aussi gagner de l’argent avec un développement durable au niveau environnemental.
Mais il faut des solutions libérales pour y parvenir. Si l’économie peut tirer profit du secteur environnemental – par exemple avec les clean Tech – elle a alors intérêt à faire quelque chose. C’est en revanche beaucoup plus difficile si l’on veut imposer des obligations et des règlements. L’économie a en effet tendance à faire de l’opposition lorsqu’elle est contrainte à faire quelque chose sans pouvoir en profiter.
swissinfo.ch: En mars, le peuple a rejeté massivement votre initiative populaire «Remplacer la taxe sur la valeur ajoutée par une taxe sur l’énergie». De quelle manière votre parti entend-il désormais accélérer le tournant énergétique?
M. B. : Nous restons convaincus que l’introduction d’un système d’incitations plutôt que de subventions est la meilleure manière de mettre en œuvre le tournant énergétique de manière optimale. Cela veut dire réduire la consommation d’énergies fossiles, concrétiser la sortie du nucléaire et augmenter la part des énergies renouvelables. Nous cherchons maintenant à travailler de manière constructive et à élaborer de nouvelles propositions pour trouver des solutions et des incitations capables de réunir une majorité.
swissinfo.ch: Quatre ans après Fukushima, l’opposition à la transition énergétique se renforce. La Stratégie énergétique 2050 du gouvernement, qui devrait conduire à l’abandon de l’énergie nucléaire et à une meilleure protection du climat, dispose-t-elle encore de suffisamment de soutien pour aboutir?
M. B. : La droite cherche depuis un certain temps à tirer le frein. Chaque occasion – comme l’appréciation du franc suisse – est utilisée pour faire de la résistance et combattre le tournant énergétique. Mais j’espère que les partis du centre ne vont pas se prêter à ce jeu et qu’ils poursuivront sur la voie empruntée jusqu’à présent: mettre en œuvre la première étape de la nouvelle Stratégie énergétique et adopter le plus rapidement possible un système d’incitations pour promouvoir les énergies renouvelables.
swissinfo.ch: Depuis le vote du 9 février 2014, on parle beaucoup en Suisse de la manière d’appliquer l’initiative sur le frein à l’immigration, approuvée par le peuple, sans compromettre les accords bilatéraux conclus avec l’Union européenne. Quelle est la solution préconisée par votre parti?
M. B. : Nous devons trouver une manière pragmatique d’appliquer cette initiative, c’est-à-dire pour satisfaire au nouvel article constitutionnel et en même temps sauvegarder les accords bilatéraux. Ce n’est vraiment pas facile, mais il y a peut-être des solutions, comme le modèle proposé par l’ancien secrétaire d’Etat Michael Ambühl. Selon ce modèle, la Suisse pourrait appliquer une clause de sauvegarde dès qu’un certain taux d’immigrants serait atteint. Cette solution pourrait aussi être adoptée par d’autres pays européens confrontés à des problèmes analogues.
Je crois que nous pouvons atteindre ces deux objectifs de manière pragmatique. Mais si nous devions ne pas trouver une solution et si le peuple devait être à nouveau appelé à trancher, notre parti se placerait alors du côté du maintien des accords bilatéraux et non de celui de l’application stricto sensu de l’initiative. Pour les Verts libéraux, les accords bilatéraux ont clairement la priorité.
Verts libéraux
Le parti des Verts libéraux a été fondé en 2004 à Zurich, suite à des dissensions au sein de la section cantonale du Parti écologiste suisse (les Verts), qui ont conduit à la scission de l’aile la plus libérale.
D’abord actifs uniquement dans les cantons de Zurich et de St-Gall, les Verts libéraux ont créé une structure nationale en 2007 et obtenu 2,1% des suffrages lors des élections fédérales. Quatre ans plus tard, ce petit parti du centre a créé la surprise en obtenant 5,4% des suffrages. Aujourd’hui les Verts libéraux sont présents dans une vingtaine de cantons.
Au plan national, le parti est dirigé depuis sa création par le conseiller national zurichois Martin Bäumle. Diplômé en chimie de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, il est à la tête d’une société de conseil et de mesure des composés organiques volatiles.
swissinfo.ch: Quelles recettes proposez-vous pour lutter contre le franc fort?
M. B. : De notre point de vue, le franc fort ne représente pas véritablement un problème. Le débat actuel est absolument exagéré. A titre de comparaison, la mise en œuvre du frein à l’immigration, qui risque de créer de l’insécurité et un manque de main-d’œuvre qualifiée, pèserait bien plus sur les perspectives économiques.
Certaines branches de l’industrie d’exportation souffrent certainement du franc fort. Mais les entreprises ont eu quatre ans pour se préparer à l’appréciation du franc face à l’euro et celles qui ont pris les mesures nécessaires devraient pouvoir faire face à ce problème. Le tourisme est certainement touché, mais là aussi, il existe des problèmes structurels qui traînent depuis des années.
Selon nous, il serait faux d’intervenir avec des mesures de soutien et des recettes non appropriées. Il est en revanche important d’améliorer les conditions-cadre du système économique suisse et de continuer à mettre l’accent sur l’innovation.
swissinfo.ch: Ces dernières années, l’islam a fait couler beaucoup d’encre – minarets, voile, terrorisme. Quelle doit être la place de la religion musulmane dans la société suisse?
M. B. : Pour les Verts libéraux, la liberté de religion est une valeur fondamentale. Chacun doit pouvoir pratiquer la religion de son choix. La plupart de musulmans de Suisse sont des personnes normales, comme vous et moi. Il ne faut donc pas dramatiser. Il y a des fondamentalistes qui peuvent créer des problèmes auxquels il faut faire face. Si quelqu’un ne se comporte pas correctement, il faut intervenir. Mais c’est un principe qui s’applique dans n’importe quel domaine, pas seulement en matière de religion.
Je crois que la radicalisation religieuse est plutôt un problème mondial. Par chance, la Suisse est assez peu touchée, peut-être aussi parce qu’elle dispose d’une bonne politique d’intégration, comparativement à d’autres pays. Je n’entrevois pas de grandes menaces pour la Suisse. Il existe peut-être au sein de la population des peurs qu’il faut prendre au sérieux, pas en stigmatisant tous les musulmans, mais en luttant contre la radicalisation.
(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)
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Maintien des accords bilatéraux avec l’Union européenne et développement de la stratégie énergétique, à mettre en œuvre de façon rigoureuse: ce sont les deux priorités du Parti bourgeois-démocratique (PBD) pour la prochaine législature. Explications de son président, le conseiller national glaronnais Martin Landolt.
«Nous avons mal commencé l’année électorale» admet Martin Landolt, sans fard. Le PBD a en effet perdu du terrain dans les cantons qui renouvelaient leurs autorités politiques. Le président est toutefois optimiste sur l’issue des élections fédérales, car lorsqu’il s’agit de leurs députés aux Chambres, les citoyens ont d’autres critères de choix, dit-il. La population veut renforcer le centre et son parti, selon lui.
swissinfo.ch: Quelles sont les deux priorités principales du PBD pour la prochaine législature?
Martin Landolt: Le maintien et la défense des accords bilatéraux forment notre premier objectif. Nous devrons décider de la nature de nos relations avec l’Europe et mettre un terme le plus vite possible à l’insécurité née de ces questions et de la mise en œuvre de l’initiative «contre l’immigration de masse».
Le deuxième point primordial, à nos yeux, est le développement et la mise en œuvre, de façon ordonnée, du tournant énergétique. Il faut absolument utiliser le potentiel économique de cette stratégie. La première partie des mesures est aux mains du Parlement. La deuxième partie, comprenant une réforme fiscale écologique avec un système d’incitation, sera un dossier important et nous nous y engagerons fortement.
swissinfo.ch: Jusqu’où êtes-vous prêts à aller pour sauver les accords bilatéraux?
M.L.: Les bilatérales sont essentielles. Nous voyons trois possibilités de régler notre rapport à l’Union européenne. Le premier serait l’isolement, le deuxième l’adhésion – deux options que nous ne voulons pas.
Il reste donc la voie bilatérale, que nous souhaitons ancrer dans la Constitution, afin que les choses soient claires. Nous sommes d’avis que cela correspond aussi à la volonté populaire, même après le 9 février 2014 et l’acceptation de l’initiative «contre l’immigration de masse». Par ce vote, les citoyens ont en premier lieu signalé qu’ils voulaient réduire l’immigration.
Jusqu’ici, nous sommes les seuls à avoir montré comment mettre en œuvre la volonté populaire en diminuant l’immigration et en promouvant le potentiel de main d’œuvre autochtone sans mettre en danger les relations bilatérales.
swissinfo.ch: Quelles sont les recettes du PBD pour limiter les effets négatifs du franc fort?
M.L.: La réponse la plus honnête à donner serait: aucune! Le franc fort est sûrement, en ce moment, un phénomène important et les questions à résoudre sont difficiles.
En soi, le thème du franc suisse n’est toutefois pas nouveau. Nous avons une monnaie forte depuis des décennies. Malgré cela, notre industrie d’exportation est florissante. Ce que notre parti ne fera pas, c’est de céder à l’opportunisme politique et tenter de lancer des projets peu populaires en les justifiant avec le franc fort.
En revanche, si des mesures spécifiques peuvent aider, rapidement et au bon endroit, nous sommes prêts à suivre cette voie. Nous y travaillons. Nous ne crierons pas pour autant avec ceux qui exigent une dérégulation et la suppression de la bureaucratie. Ces revendications ne sont pas très concrètes et figurent dans tous les programmes de partis depuis des décennies.
swissinfo.ch: L’islam est un autre thème social prédominant depuis plusieurs années, avec les questions du voile, de la radicalisation, du terrorisme. Quelle place l’islam devrait-il avoir dans la société suisse?
M.L.: Si nous essayons de séparer le plus strictement possible l’Etat et la religion, l’islam doit avoir sa place en Suisse. Mais cette place ne doit pas être identique à celle du catholicisme ou du protestantisme, qui sont, chez nous, ancrés dans l’enseignement scolaire.
Moi-même, comme le PBD, sommes en faveur d’une position très libérale. Nous devons donner une place à l’islam, donner aux croyants la possibilité de vivre leur foi, aussi longtemps qu’ils respectent nos règles de vie commune et la manière dont notre société fonctionne.
Le Parti bourgeois-démocratique
Le parti a été créé après la non-réélection du conseiller fédéral Christoph Blocher (Union démocratique du centre, UDC, droite conservatrice) en décembre 2007. L’assemblée constitutive du nouveau parti, composé de dissidents de l’UDC, a eu lieu le 1er novembre 2008 à Glaris.
Le parti dispose d’un siège au Conseil fédéral en la personne d’Eveline Widmer-Schlumpf, élue à la place de Christoph Blocher en tant que représente UDC des Grisons, et qui avait accepté l’élection. Son parti l’a évincée, ce qui a poussé ses proches à créer une nouvelle formation.
Le PBD est particulièrement fort dans les cantons d’origine de l’UDC, fondée en 1971. Il s’est rapidement développé dans ces cantons – Berne, Grisons et Glaris. Au total, le parti compte 17 sections cantonales.
Lors des dernières élections fédérales d’automne 2011, le parti a gagné des sièges et atteint 5,4% de poids électoral. Il a pu créer un groupe parlementaire comptant neuf représentants du Conseil national et un du Conseil des Etats.
swissinfo.ch: Votre parti vient de perdre des plumes lors d’élections cantonales. Comment réagissez-vous à ces résultats dans la perspective des élections fédérales?
M.L.: Il s’agit de deux cantons. Effectivement, ce furent deux défaites douloureuses, à Berne comme à Bâle-Campagne. Nous avons analysé ces résultats et y avons trouvé des raisons différentes, qui n’ont aucun lien avec les élections fédérales à venir. Mais il est évidemment toujours difficile de communiquer qu’une défaite cantonale n’a rien à avoir avec les élections fédérales. Nous avons mal commencé cette année électorale. Mais nous pensons que les citoyens ont d’autres critères lorsqu’ils doivent renouveler leurs représentants fédéraux. Nous serons jugés sur des thèmes fédéraux. En tant que parti fédéral, nous avons d’autres possibilités de collaborer à la recherche de solutions que dans les cantons.
swissinfo.ch: Actuellement, votre parti ne semble rester fort que dans les cantons où il est né, soit les Grisons, Glaris et Berne. Comment voulez-vous vous implanter dans tout le pays, et surtout en Suisse romande?
M.L.: Nous divisons les cantons en trois catégories. Premièrement, les cantons fondateurs, Glaris, Berne et Grisons, où nous sommes une force importante, avec des représentants au gouvernement. Ensuite, il y a les cantons où nous sommes présents, mais sans élus. Il est difficile de se montrer, politiquement, bien que nombre de nos membres s’y engagent fortement.
Et il y a une catégorie intermédiaire: dans certains cantons, nous sommes élus dans les législatifs, avons parfois aussi des groupes parlementaires. Selon l’analyse que nous avons menée après les élections à Bâle-Campagne, mi-février, nous n’avons pas bien réussi à utiliser cette plateforme pour nous profiler sur le plan cantonal.
C’est pourquoi nous pensons qu’il est juste de lancer la campagne électorale fédérale maintenant, car, sur le plan fédéral, le PBD s’est engagé avec succès ces dernières années sur différents thèmes et continuera à le faire. Si les citoyens prennent ces thèmes et notre travail en considération et comme critère de choix, je pense que nous serons soutenus et récompensés pour ce travail.
swissinfo.ch: Certaines personnes disent du PBD qu’il est «le plus petit parti à s’offrir un conseiller fédéral». Quelles chances donnez-vous à votre conseillère fédérale après les élections? Pourrez-vous maintenir son siège avec un poids électoral de quelque 5% tel qu’il est actuellement?
M.L.: Nous sommes le plus petit parti représenté au Conseil fédéral, nous ne le nions pas. Nous ne voulons pas paraître plus grands que ce que nous sommes. Nous n’avons pas choisi cette voie. La naissance du PBD est très particulière, puisqu’il grandit du haut vers le bas et non l’inverse. Mais nous voulons nous engager et nous établir en tant que force recherchant des solutions, avec notre conseillère fédérale, mais aussi indépendamment d’elle. Nous sommes convaincus que les forces axées sur les solutions sortiront renforcées des urnes, en octobre, que nous avons notre place au Parlement et que, ainsi, les majorités du Parlement resteront reflétées au Conseil fédéral.
Notre conseillère fédérale joue un rôle important au sein du gouvernement. Outre l’excellence de son travail, elle garantit la formation de majorités pour que des projets importants se poursuivent à long terme, comme le tournant énergétique, la réforme de l’imposition des entreprises, la réforme de la place financière ou encore le maintien des bilatérales. Il ne serait pas bon que d’autres majorités au Conseil fédéral impliquent des changements de cap à 180 degrés.
swissinfo.ch: Votre parti aura-t-il alors un siège au gouvernement fédéral en 2016?
M.L.: C’est mon pronostic, et je pense que notre conseillère fédérale sera soutenue par un centre et par un PBD renforcés.
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