Un feu vert pâle à de nouvelles centrales nucléaires
Les trois projets de nouvelles centrales nucléaires suisses répondent aux normes, a indiqué lundi l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN). Mais cet avis ne constitue qu’une toute première étape. Le chemin sera encore très long avant une éventuelle construction.
La Suisse s’inquiète pour son avenir énergétique. En effet, ses cinq réacteurs nucléaires actuellement en service arrivent gentiment en fin de vie. Toute la question est donc de savoir comment remplacer cette source d’énergie.
Le débat politique sur ce thème a commencé il y a plusieurs mois déjà. La droite et les représentants de l’économie sont favorables à la construction de nouvelles centrales. Celles-ci auraient l’avantage de fournir une part non négligeable de l’électricité et, vu qu’elles ne dégagent pas de CO2, elles contribueraient aux efforts de la Suisse pour lutter contre le réchauffement climatique.
Mais l’énergie a aussi de farouches opposants. Les partis de gauche et les défenseurs de l’environnement ne veulent absolument pas en entendre parler. Ils préfèrent miser notamment sur les énergies renouvelables et sur les économies d’énergie.
Des dangers «acceptables»
C’est dans ce contexte que les sociétés qui exploitent les centrales nucléaires actuelles ont déposé des projets pour remplacer leurs installations vieillissantes. Une première étape vient donc d’être franchie avec l’accord de principe des experts de l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire.
Lors d’une conférence de presse tenue lundi à Berne, son directeur Hans Wanner a indiqué que les trois projets répondaient «à toutes les exigences légales dans tous les domaines». Les sites proposés – Mühleberg (Berne), Gösgen (Soleure) et Beznau (Argovie) – sont «adéquats» aux yeux des experts.
«Cela signifie que les trois projets ne présentent pas de menaces extraordinaires qui mettraient en cause la construction d’une nouvelle centrale, explique Hans Wanner. Les différents menaces ont été prises en compte et analysées sur la base des caractéristiques de chaque site. Nous avons jugé que le potentiel de danger est acceptable.»
Pour livrer cet avis, l’IFSN a examiné plusieurs critères de sécurité. Il s’agit de la résistance aux séismes et autres dangers naturels, aux chutes d’avions, aux actes de sabotage et de terrorisme. Le démantèlement des installations, l’évacuation des déchets et la protection de la population contre la radioactivité ont également été passés à la loupe.
Encore quelques précisions
Les experts ont cependant demandé quelques précisions aux promoteurs des trois projets. Les trois sites doivent ainsi réaliser des études sismologiques plus approfondies.
«Les centrales doivent résister à des séismes très violents, explique Hans Wanner. Or nous n’avons pas beaucoup de données pour les grands tremblements de terre. On mesure donc ce que l’on peut, c’est-à-dire les microséismes. Lorsque l’on est en possession de telles informations, on peut faire des modèles plus réalistes, même pour les séismes plus forts, raison pour laquelle nous avons demandé d’installer des systèmes de mesure microsismiques à proximité des sites potentiels.»
Le site de Beznau, prévu sur une île sur le Rhin, doit encore faire l’objet d’études concernant les risques d’inondation. Quant aux promoteurs de Mühleberg, ils doivent étudier plus avant les risques de glissement de terrain et de chutes de pierres, le site se trouvant à proximité d’une colline.
Un long processus
Quoi qu’il en soit, l’IFSN a donné son aval aux trois projets. Mais il ne s’agit que de la toute première étape d’un long processus.
«Nous sommes maintenant à l’étape pour obtenir une autorisation générale, explique Franz Schnider, vice-directeur de l’Office fédéral de l’énergie. Après, il faudra encore une autorisation de construire et une autorisation d’exploiter. C’est donc le premier des trois pas. Et encore, n’en sommes-nous qu’au début de ce premier pas. On attend maintenant l’avis de la Commission fédérale de la sécurité nucléaire. C’est un 2e avis d’experts qui vont juger si l’IFSN a fait correctement son travail.»
Outre l’aspect technique, il faut encore compter avec le processus politique. Sur la base des rapports des experts, le gouvernement prendra sa décision vers la mi-2012. Une décision qui devra encore être débattue au Parlement. Enfin, le dernier mot reviendra certainement au peuple, la décision du Parlement étant soumise au référendum facultatif. L’éventuelle votation aurait lieu, au mieux, à la fin 2013.
La Suisse dispose actuellement de trois sites nucléaires: Beznau (Argovie), Mühleberg (Berne) et Gösgen (Soleure).
Au total, cinq réacteurs nucléaires sont en activité.
En 2009, le nucléaire a fourni 39,3% de l’approvisionnement électrique de la Suisse. Les autres sources sont les centrales à accumulation (31,6%), les centrales au fil de l’eau (24,2%) et les centrales thermiques classiques ainsi que les énergies renouvelables (4,9%).
Les trois projets concernent des centrales avec réacteur à eau légère dont le rendement est beaucoup plus élevé que celui des centrales actuelles. La puissance prévue pour chaque installation est d’environ 1450 MW.
Les trois sociétés qui présentent des projets et qui exploitent les centrales actuelles sont les Forces motrices bernoises (Mühleberg), Axpo (Beznau) et Alpiq (Gösgen).
Si le Parlement et le peuple se prononçaient en faveur de la construction de nouvelles centrales, la mise en service d’une ou de plusieurs nouvelles installations n’interviendrait pas avant 2025-2027.
Le peuple suisse avait accepté un moratoire de 10 ans sur la construction de nouvelles centrales nucléaires en septembre 1990. Mais en mai 2003, il avait refusé deux initiatives, l’une demandant un nouveau moratoire de 10 ans et l’autre l’abandon progressif du nucléaire.
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