Une libéralisation des magasins de stations-service?
En matière d’heures d'ouverture des magasins, la Suisse est parmi les pays d’Europe les plus restrictifs. Ses citoyens se prononcent le 22 septembre sur une proposition de loi permettant aux shops des stations-service autoroutières d’ouvrir 24h sur 24, y compris le dimanche.
Selon le droit en vigueur, les stations-service ne peuvent pas employer leur personnel pour vendre certains articles entre 1h et 5h du matin, ainsi que le dimanche. Durant ces périodes, elles doivent fermer l’accès à une partie de leur surface de vente alors que des employés sont présents pour le carburant, le kiosque et la cafétéria.
La révision de la loi doit permettre d’offrir en tout temps tous les produits et prestations. Et ce pour répondre principalement aux besoins des voyageurs. La proposition du parlement sera limitée aux stations situées sur les aires d’autoroute et le long d’axes de circulation importants fortement fréquentés par les voyageurs.
La Suisse compte plus de 1330 stations-service à travers le pays. Seule une trentaine d’entre elles sont concernées par cette modification législative soutenue par les partis de droite, le gouvernement et une partie de la communauté des affaires.
«La loi actuelle impose des restrictions absurdes, juge le parlementaire Martin Bäumle du parti des Verts libéraux (centre-droit). Certains produits peuvent être vendus tandis que d’autres sont exclus.»
D’autres partisans de la réforme disent qu’il y a trop d’obstacles bureaucratiques pour le commerce de détail.
Christian Lüscher, du Parti libéral radical (centre-droit) le principal soutien de la modification de loi, minimise les craintes à gauche que la modification de la loi puisse saper les normes du travail: «Ce scrutin ne vise ni une libéralisation des heures d’ouverture – qui sont de la compétence des cantons – ni une modification de la situation des travailleurs. Il s’agit uniquement d’une définition de l’assortiment.»
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Cheval de Troie
Mais le refus du shopping illimité dans les stations-service à toute heure est une question de principe pour une large alliance de syndicats, de partis de gauche et de groupes religieux qui invoquent la lutte pour la protection des droits des travailleurs.
«Cette réforme ouvre les vannes pour l’ensemble du secteur de la distribution. Si les boutiques de stations-service sont autorisées à vendre la gamme complète de produits 24 heures par jour et sept jours par semaine, cela finira par devenir la règle dans le commerce de détail », explique Vania Alleva, du syndicat Unia.
Kurt Regotz du syndicat Syna avertit que les employés auront à supporter le poids de cette libéralisation: «Beaucoup d’employés de magasin souffrent de conditions difficiles avec de faibles salaires, sans oublier le travail sur appel.»
Le syndicaliste doute fortement de la nécessité de ces ouvertures nocturnes élargies: «C’est à peu près aussi nécessaire que d’illuminer le Cervin la nuit.»
Se référant à d’autres propositions visant une plus grande libéralisation des heures d’ouverture des magasins y compris le dimanche, les opposants craignent que cette réforme ne soit un « cheval de Troie » du secteur de la distribution, qui va créer des exigences supplémentaires et mettre les avantages économiques au-dessus du bien-être des employés.
Grand critique du consumérisme, le parlementaire écologiste, Daniel Vischer soutient que l’ouverture permanente de ces stations-services conduirait à plus de trafic automobile, surtout pendant la nuit.
Le dimanche 22 septembre, les Suisses votent sur:
– une initiative populaire « Oui à l’abrogation du service militaire obligatoire »
– une révision de la loi sur les épidémies
– un referendum sur la libéralisation des heures d’ouverture des shops des stations-service.
Des votations et des élections ont lieu le même jour dans la plupart des 26 cantons du pays.
Un débat au long cours
L’assouplissement des restrictions sur les heures d’ouverture des boutiques des stations-service est un objet de votation récurrent ces dernières – que ce soit au niveau national, cantonal ou communal.
Seules quelques propositions visant à assouplir la réglementation dans différents cantons et sur le plan national ont passé la rampe du vote populaire. Elles ont permis l’ouverture des boutiques de stations-service le dimanche quatre fois par an et la prolongation des heures des boutiques dans les gares et les aéroports.
Pour sa part, la Cour suprême suisse a confirmé en 2010 une interdiction des ouvertures des magasins des stations d’essence 24 heures sur 24.
Trois propositions distinctes sont encore en suspens au parlement. La motion Lombardi vise à rationaliser les heures d’ouverture dans tout le pays. La motion Abate veut autoriser l’ouverture des commerces le dimanche dans les régions touristiques traditionnelles. Quant à la motion Bertschy, elle permettrait aux boutiques de moins de 120 mètres carrés de rester ouvertes la nuit et le dimanche.
Intégré dans la législation du travail en 1877, le dimanche sans travail est considéré comme un acquis majeur par les syndicats. Depuis lors, ils avertissent que même un assouplissement partiel produit une pente glissante vers une semaine de travail de sept jours.
Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand
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