«Une lourde responsabilité attend la Suisse»
Pour Peter Tschopp, directeur de l'Institut universitaire de hautes études internationales à Genève, le 10 septembre est jour de fête, côté cour et côté jardin.
La Suisse à l’ONU devra assumer de nouvelles responsabilités. Est-elle prête? Interview.
swissinfo: vous dites jour de fête…
Peter Tschopp: Oui, parce que, avec vingt-cinq ans de retard mais avec un vote populaire et la caution des cantons, on a fini par rejoindre la réalité.
La Suisse a la possibilité de s’insérer dans la politique internationale telle qu’elle se fait aujourd’hui. Elle est de nouveau sur le radar du monde, elle est repérable. C’est le côté jardin, joyeux.
Mais ce passage du statut d’observateur à celui de membre se fait au moment où l’on parle d’une possible action militaire contre l’Irak?
P.T.: Cela, c’est le côté cour, celui des responsabilités. Il faut que la Suisse ait désormais une politique extérieure non seulement définie, mais prévisible.
On est au pied de cette responsabilité. Dans les prochains jours, une fois que nous serons investis de cette capacité de participer pleinement aux Nations Unies, il faudra dire oui ou non à la guerre des États-Unis contre l’Irak.
Le secrétaire général de l’ONU l’a d’ailleurs noté: avec la légitimité du peuple et des cantons, le Conseil fédéral, par son porte-parole Joseph Deiss, devra prendre position. Il ne pourra pas dire: «passez, on n’a rien vu!»
Je ne souhaite pas que la Suisse se noie dans la masse des 190 États membres de l’ONU, ou alors ce n’était pas la peine de faire voter le peuple et les cantons.
Vous voulez dire que la Suisse doit avoir une nouvelle politique étrangère?
P.T. Oui, entièrement. Mais c’est difficile. En ce moment, par exemple, Gerhard Schroeder est vertement critiqué par son concurrent Edmund Stoiber car il s’est prononcé sur la question irakienne. C’est au peuple allemand de choisir son camp.
C’est un peu la même chose en France avec la position tout à fait claire du président Chirac. Quant à Tony Blair, il a fait son choix.
Vous me direz que je me réfère à des pays autrement plus puissants que la Suisse. Oui et non, car la Suisse est plus puissante qu’elle n’y paraît, elle a voté l’entrée à l’ONU par une double majorité qualifiée.
Donc notre gouvernement doit prendre une position au nom du peuple et des cantons suisses. C’est une lourde responsabilité.
La Suisse n’est pas inconnue de l’ONU. Elle y a toujours été, un peu comme le Vatican, comme une espèce de conscience. Mais maintenant elle doit s’imposer comme acteur, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
Et que peut-elle apporter à l’ONU, qu’a-t-elle à lui offrir?
P.T.: Cela dépend du Conseil fédéral. C’est facile de prôner le oui à l’ONU. Désormais notre gouvernement et ses sept ministres plénipotentiaires doivent se mettre d’accord sur les grands enjeux de la politique extérieure.
L’ONU n’est qu’un forum, mais c’est un forum important. Pour la Suisse, c’est un nouveau rôle et un nouveau défi. Le Conseil fédéral devra le relever, je ne suis pas sûr qu’il en est pleinement conscient.
C’est difficile, chez nous, de se profiler en politique extérieure. Mais une fois encore, la responsabilité de Joseph Deiss et de ses collègues est écrasante puisqu’il parle au nom de la Suisse.
Et la question que je me pose et que je vous pose, c’est: que veut la Suisse en matière de politique extérieure?
Propos recueillis par Bernard Weissbrodt à Genève
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