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Une tentative pour stopper le bétonnage

La Suisse compte de moins en moins de surfaces pour ses vaches. Keystone

La Suisse est de plus en plus couverte de béton. Communes, cantons et Confédération s’accordent pour estimer que cela ne peut pas continuer. Les autorités ont présenté vendredi le concept «Projet de territoire suisse» pour freiner l’extension des villes. Mais les experts doutent de son efficacité.

L’espace suisse s’est beaucoup transformé au cours des dernières décennies. Les zones urbaines ont fortement augmenté et des constructions sont apparues de manière dispersée dans le reste du paysage.

Pour corriger le tir, le «Projet de territoire Suisse» vise une meilleure coordination des transports et de l’urbanisation.  Mis en consultation jusqu’à fin juin, le document doit aider les autorités communales, cantonales et fédérales à prendre des décisions sur le développement territorial.

Le projet propose de concentrer le développement de l’urbanisation sur des territoires majoritairement construits et de mieux valoriser les paysages non encore bâtis. L’accent doit aussi être mis sur l’utilisation durable des ressources et des infrastructures de transport.

Tenir compte de la réalité

Professeur émérite de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich et expert de la planification régionale, Martin Lendi qualifie le concept d’«étape souhaitable». Mais selon lui, «elle risque bien d’être rattrapée par la réalité dès le premier jour.» 

L’expert estime que le concept ignore la «dynamique du temps» et prend trop peu en compte la «nouvelle situation». «Les déplacements pendulaires sont devenus tout à fait normaux entre Zurich et Bâle, les trains régionaux ont repoussé très loin les frontières de l’agglomération zurichoise et Genève ne serait plus guère concevable sans la France voisine», explique-t-il.

Cela signifie que les déplacements pendulaires ont augmenté de manière exponentielle et que cette évolution va se poursuivre. Les flux migratoires vont également continuer à augmenter. Les travailleurs qualifiés provenant de l’étranger ne vivent plus  – comme les immigrés des années 1960 – dans des logements exigus, mais ont besoin de place.

Un taux hypothécaire exceptionnellement bas constitue en outre un autre facteur qui favorise les nouvelles constructions et qui augmente la pression sur l’aménagement du territoire.

«La ville Suisse est une situation réelle; celui qui ne voit pas ça est aveugle», relève Martin Lendi, en faisant notamment référence à la hausse continuelle du prix du terrain, aux trains bondés et aux autoroutes engorgées. C’est la raison pour laquelle la Suisse a besoin de davantage de planification urbaine. Par ailleurs, il n’est pas compréhensible que la protection du paysage ne soit pas intégrée dans le même ministère que l’aménagement du territoire.

Peu de marge de manœuvre

«Je ne vois rien de nouveau dans ces concepts, critique pour sa part Raimund Rodewald, directeur de la Fondation suisse pour la protection et aménagement du paysage. On ne change rien avec de tels documents.»

Avec d’autres organisations de défense de l’environnement, la fondation a lancé en 2007 une initiative populaire qui demande que l’aménagement du territoire soit avant tout de la responsabilité des cantons et de la Confédération. Actuellement, celle-ci relève surtout des communes.

Cela a limité la marge de manœuvre pour l’élaboration d’une planification nationale, reconnait Lukas Bühlmann, directeur de l’Association suisse pour l’aménagement national. «Je peux admettre que ce projet est un peu vague et peu concret, dit-il. Mais il s’agit seulement d’un concept et non d’un plan directeur.»

Lausanne, cité pionnière

Le projet veut être davantage qu’un guide pour les cantons et les communes. «Il est clair que différents besoins font obstacle à l’aménagement du territoire et que d’autres instruments institutionnels seront nécessaires pour lutter contre le bétonnage du pays», déclare le responsable des constructions du canton de Soleure, Walter Straumann. Mais au moins, la nécessité d’une plus grande collaboration entre les pouvoirs publics a été reconnue.

Et aujourd’hui déjà, il existe des exemples d’application du concept proposé par le «Projet de territoire suisse». Dans le canton de Vaud, les communes de Lausanne, Pully, Morges et Renens ont mis sur pied un plan d’aménagement du territoire concentré dans une zone réservée jusqu’il y a quelques années à l’industrie et aux chemins de fer. Cette zone accueillera d’ici 2020 des habitations pour 40’000 habitants et des édifices pour 30’000 poste de travail.

Ce plan correspond à la vision formulée dans le projet présenté vendredi à Berne: concentrer les logements et les centres économiques, en réalisant de nouvelles implantations qui respectent les critères écologiques du développement durable. Pour le maire de Lausanne Daniel Brélaz, il n’y a pas d’autre choix pour assurer l’avenir territorial de la Suisse. «En fin de compte, nous ne disposons pas d’une seconde Suisse en réserve», conclut-il.

Concentrer le développement de l’urbanisation sur les territoires qui sont déjà majoritairement construits.

Aménager les cœurs urbains, les centres ruraux et les centres des localités de manière à ce qu’ils comprennent des espaces libres tels que des parcs et des places pour augmenter la qualité de vie et d’habitat.

Mieux coordonner le réseau des transports et le développement de l’urbanisation, afin d’assurer un système de transport économique.

Accorder, lors de la planification, la priorité à l’utilisation optimale des infrastructures de transport existantes sur la construction de nouvelles voies de communication.

Demander aux acteurs de l’aménagement du territoire de mettre en place les conditions spatiales nécessaires à l’efficacité énergétique (p. ex. des trajets courts) et à l’exploitation d’énergies renouvelables.

Mieux valoriser les paysages qui ne sont pas encore construits et qui ont une composante identitaire, par exemple comme espaces destinés au délassement (de proximité), à la préservation de la diversité des espèces ou à une agriculture multifonctionnelle.

Face à la concurrence économique internationale, miser sur le polycentrisme de la Suisse, c’est-à-dire sur son réseau de villes, de centres ruraux et touristiques et sur ses centres de formation, de recherche et de culture. Ceux-ci devront parfaire leur profil respectif et exploiter les synergies. Les espaces métropolitains et la région de la ville fédérale devront assumer leur rôle de locomotives au niveau international.

Source: le communiqué officiel

(Traduction de l’allemand: Olivier Pauchard)

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