Veillée d’armes autour de la libre circulation des personnes
Peu après la décision du Parlement de réunir en un seul décret la reconduction de l'accord de libre circulation et son extension à la Bulgarie et à la Roumanie, partisans et adversaires de la poursuite de la voie bilatérale ont d'ores et déjà lancé leur campagne. Mais la droite nationaliste réfléchit encore.
«La libre circulation des personnes a contribué de manière substantielle à la création de 190’000 postes de travail en Suisse ces dernières années», a déclaré lundi Gerold Bührer, président d’economiesuisse, l’organisation faîtière de l’économie nationale. Il a souligné que l’accord entre Berne et Bruxelles a apporté un dynamisme certain à la croissance.
«La Suisse a besoin des travailleurs qualifiés de l’UE», a pour sa part rappelé Rudolf Stämpfli, président de l’Union patronale suisse. Selon lui, les craintes des opposants à la libre circulation ne sont pas fondées. Pour le patron des patrons, l’immigration est en effet soumise aux demandes du marché et les assurances sociales «bénéficient des contributions versées par les immigrés».
Les milieux des petites et moyennes entreprises sont d’accord avec ce constat. Un refus de la reconduction de l’accord sur la libre circulation des personnes serait pour elles «catastrophique», estime Edi Engelberger, président de l’Union suisse des arts et métiers.
Le «oui, mais» syndical
Les syndicats se montrent plus prudents. Réunis lundi à Berne, les délégués de l’Union syndicale suisse (USS) ont certes décidé à l’unanimité de soutenir les relations bilatérales avec l’UE, renonçant du même coup à soutenir un référendum contre la libre circulation des personnes.
Aux yeux de l’USS, le bilan des mesures d’accompagnement introduites en 2004 pour protéger la main d’œuvre indigène du dumping salarial et social des travailleurs européens est positif. Il y a toutefois encore des lacunes à combler, en particulier dans le domaine du travail à domicile et partiel, estime Daniel Lampart, chef économique de l’organisation syndicale.
Même s’ils ne s’opposent pas à la libre circulation, les syndicats mettent toutefois en garde: ils combattront toute tentative visant à abaisser les mesures d’accompagnement. Les syndicats observeront par conséquent quel seront les prochains développements dans ce domaine avant de s’exprimer sur d’éventuelles recommandations de vote.
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Référendum
L’inconnue UDC
Vendredi, un comité radical (droite) en faveur du «oui» à la reconduction de l’accord de libre circulation s’était déjà formé. Lancer un référendum pour renoncer aux avantages de la libre circulation serait un auto-goal, a averti le président du Parti radical-démocratique Fulvio Pelli. «Compte tenu des taux de croissance enregistrés en Roumanie et en Bulgarie, l’extension de cet accord est aussi une chance pour la Suisse», a-t-il ajouté.
Il reste cependant une grosse inconnue dans les rangs de la droite. Personne ne sait pour l’heure ce que décidera l’Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste). Malgré sa politique clairement anti-européenne, le premier parti du pays n’a en effet pas encore officialisé le lancement d’un référendum.
Les opinions sont partagées au sein de l’UDC. Si une partie de ses membres rejettent l’idée d’une extension à la Roumanie et à la Bulgarie en raison de la «criminalité des étrangers», une majorité de ses représentants au Parlement reconnaissent en revanche l’intérêt économique de la libre circulation.
Le 17 mars, le comité central de l’UDC avait indiqué que le parti serait «contraint» de lancer le référendum au cas où le Parlement lierait la reconduction de l’accord et son extension à la Roumanie et à la Bulgarie dans un seul décret. Mais maintenant que le Parlement l’a fait, les dirigeants de l’UDC se réservent la possibilité de réexaminer le dossier et renvoient toute décision au 5 juillet, date de la prochaine assemblée des délégués du parti.
Avec ou sans l’UDC
Mais en attendant la décision du premier parti du pays, la Ligue des Tessinois (droite populiste) a d’ores et déjà affirmé qu’elle lancera un référendum contre les bilatérales. Elle le fera «avec ou sans l’UDC», lit-on dans son journal Il Mattino della domenica.
La Lega, qui a connu une nette croissance au cours des derniers mois tant au niveau cantonal que communal, entend s’opposer à des accords bilatéraux qui «ont rendu le Tessin plus pauvre et moins sûr», écrit Giuliano Bignasca. Le président de la Lega déplore en effet «l’invasion de frontaliers à bas coût» et «la libre circulation des criminels de l’Est».
Le parti tessinois compte avant tout sur le soutien des Démocrates suisses (droite xénophobe) et de l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN), un mouvement apolitique de droite très influent mais qui rassemble surtout les éléments les plus radicaux de l’UDC.
Président de l’ASIN, le député UDC Hans Fehr a déjà déclaré son intention de soutenir le référendum, soulignant que la place économique suisse n’est nullement en jeu. Contrairement à ce que soutient le gouvernement, Hans Fehr estime que l’UE ne dénoncera pas les accords bilatéraux et que la «clause guillotine» (qui rendrait l’ensemble des accords bilatéraux caducs au cas où la Suisse renoncerait à un seul de ces accords) n’est là que «pour faire peur».
Pour le bien-être du pays
Alors que partisans et adversaires fourbissent leurs armes, Micheline Calmy-Rey a de son côté fait savoir que le gouvernement ne développera aucun scénario dans l’optique d’un refus populaire à la prolongation et à l’extension de la libre circulation des personnes.
La ministre suisse des Affaires étrangères compte en particulier sur la capacités des citoyens à reconnaître l’importance que revêtent les accords bilatéraux et la libre circulation des personnes pour le bien-être de la Suisse.
swissinfo et les agences
Suite au refus populaire de l’entrée de la Suisse dans l’Espace économique européen (EEE), le gouvernement suisse s’est engagé dans une voie dite d’accords bilatéraux avec l’Union européenne.
Un premier paquet de sept accords a été conclu entre Berne et Bruxelles en 1999. Parmi eux figure l’accord sur la libre circulation des personnes.
La libre circulation des personnes permet à des citoyens européens de venir s’installer et/ou travailler en Suisse et à des citoyens suisses de faire de même dans l’UE.
A l’origine, cet accord s’appliquait aux quinze premiers Etats de l’UE. Depuis, il a été étendu aux dix nouveaux Etats entrés dans l’UE en 2004 et doit encore l’être à la Roumanie et à la Bulgarie.
La libre circulation des personnes est limitée à fin 2008. Du côté de l’UE, l’accord peut être tacitement reconduit. En Suisse, le renouvellement est soumis au référendum facultatif.
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