Les frontières cantonales ne sont pas intangibles
Les citoyens des cantons de Berne et de Fribourg votent le 9 février sur un transfert de territoire. Aujourd’hui bernoise, la commune de Clavaleyres veut fusionner avec une commune fribourgeoise. Un tel changement d’appartenance est possible, mais très rare.
Le village de Clavaleyres est une enclave bernoise entre les cantons de Vaud et de Fribourg. Cette commune de 101 hectares comptant une cinquantaine d’habitants a des problèmes en raison de sa petite taille. Sans école ni commerces, elle ne compte même plus assez de citoyens intéressés pour renouveler ses autorités.
La solution passe par une fusion avec une commune plus grande. Mais aucune fusion n’a été possible avec une autre commune bernoise. La commune de Villars-les-Moines, aussi enclavée dans le canton de Fribourg, a refusé et d’autres communes bernoises sont trop éloignées.
La solution la plus pratique consiste à fusionner avec la petite ville toute proche de Morat, avec qui Clavaleyres collabore déjà, par exemple pour le service du feu. Mais Morat appartenant au canton de Fribourg, cette fusion nécessite un changement de canton.
Jusqu’à l’Assemblée fédérale
Il est toujours possible de modifier le territoire d’un canton. La Constitution fédéraleLien externe le prévoit d’ailleurs dans son article 53. Celle-ci stipule que «la rectification des frontières cantonales se fait par convention entre les cantons concernés» et que «toute modification du territoire d’un canton est soumise à l’approbation du corps électoral concerné et des cantons concernés».
La Constitution stipule encore que cette modification doit ensuite être soumise à l’approbation de l’Assemblée fédérale (les deux Chambres du Parlement réunies) sous la forme d’un arrêté fédéral. Avant la dernière révision de la Constitution (1999), une telle modification de territoire devait être soumise au vote de l’ensemble du peuple suisse. De nos jours, le peuple ne se prononcerait que si un référendum était lancé avec succès contre la décision de l’Assemblée fédérale.
La consultation des citoyens des communes concernées est obligatoire. En effet, selon un avis de droitLien externe de la Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération, le «corps électoral concerné» dont parle la Constitution «est constitué des citoyens domiciliés dans le territoire dont la cession est envisagée». En revanche, l’approbation du canton est réglée par son propre droit. En clair, les autorités cantonales peuvent soumettre leur décision à un référendum obligatoire ou facultatif.
Dans le cas de Clavaleyres, les citoyens bernois doivent se prononcer, car la législation cantonale l’impose. À Fribourg, ce n’était pas obligatoire, mais le gouvernement fribourgeois a tout de même décidé d’organiser un vote populaire «par souci de respecter un parallélisme entre les deux cantons».
Des cas rares
Depuis la création de la Suisse moderne en 1848, on ne recense qu’un seul cas de commune ayant changé de canton. En 1996, la commune de Vellerat (aujourd’hui fusionnée au sein de Courrendlin) avait pu quitter le canton de Berne pour rejoindre celui du Jura. Le changement avait été approuvé par plus de 90% des Suisses.
On compte encore un autre cas, mais qui concernait cette fois non pas une commune, mais un district tout entier. Historiquement lié à la région bâloise, mais rattaché au canton de Berne lors du Traité de Vienne (1815), le district de Laufon a rejoint le canton de Bâle-Campagne en 1994. Treize communes et quelque 20’000 habitants ont alors changé d’appartenance.
Mais les échecs restent plus nombreux que les succès. En 2004, le gouvernement soleurois a refusé que sa commune d’Eppenberg-Wöschnau rejoigne le canton d’Argovie. En 2017, le souhait de la commune argovienne de Fisibach d’unir sa destinée à Zurich s’est également heurté au veto de ses autorités cantonales. Enfin, en 2005, les citoyens de la commune zougoise de Risch ont refusé la demande de fusion de leurs voisins de la commune lucernoise de Mererskappel.
Une question très sensible
L’appartenance cantonale fait parfois figure d’héritage désuet du passé. Peut-être. Mais dès que l’on entend toucher aux frontières cantonales, la question peut devenir très sensible. Pour preuve, le véritable psychodrame autour de l’appartenance cantonale de la ville de Moutier. L’affaire dure depuis des années et prendra probablement du temps avant d’être résolue.
Dans le cas de Clavaleyres, les choses sont beaucoup plus simples et faciles, car l’appartenance cantonale ne constitue pas le cœur du problème. «Le projet concerne en premier lieu la fusion avec Morat; le changement d’appartenance cantonale n’en est que le corollaire», avait indiqué la conseillère d’État bernoise Evi Allemann lors de la présentation officielle du projet.
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