Prévoyance 2020: le bon projet pour garantir les retraites?
Le vieillissement démographique, le tassement de la croissance économique et des taux d’intérêts bas menacent les retraites en Suisse. Après de nombreuses tentatives ratées, le gouvernement et la majorité du Parlement proposent une vaste réforme du système de prévoyance qui garantira son avenir financier. Tour d’horizon des principaux éléments de cette Prévoyance vieillesse 2020, qui sera soumise au peuple en septembre.
La Prévoyance vieillesse 2020 représente indubitablement l’un des plus importants projets de réforme soumis à votation depuis plusieurs années. Avant tout parce qu’il concerne l’ensemble de la population: pratiquement toutes les personnes résidentes – suisses ou étrangères, jeunes ou vieux, riches ou pauvres, actifs ou sans profession – ont un jour ou l’autre droit aux prestations de l’assurance vieillesse. Mais aussi parce que les sommes en jeu sont colossales: 800 milliards de francs sont déposés dans la seule assurance vieillesse professionnelle.
L’objectif de la réforme est de garantir l’avenir financier des institutions de prévoyance – et donc aussi des rentes –, qui devront faire face à de grands défis au cours des prochaines décennies. Le plus grand d’entre eux est certainement une évolution démographique défavorable, tout du moins d’un point de vue d’assurance. Alors qu’il y a un demi-siècle l’espérance de vie était de 74 ans pour les femmes et de 68 ans pour les hommes, elle est passée aujourd’hui à 84 et 80 ans respectivement.
Le rapport entre personnes actives et retraités devient aussi toujours plus défavorable: il y a 50 ans, on comptait cinq personnes entre 20 et 64 ans pour un retraité; aujourd’hui, c’est un peu plus de trois. Ce rapport est appelé à se péjorer au cours des prochaines décennies avec l’arrivée graduelle à la retraite de la génération du baby-boom.
Au niveau économique aussi, le système de prévoyance se trouve face à un contexte tendu: la multiplication des crises, l’affaiblissement de la croissance et la longue période de taux d’intérêts bas pèsent sur les rendements des instituts de prévoyance et menacent donc les rentes. Enfin, au niveau social, la réforme veut répondre aux changements en cours sur le marché du travail et à l’engouement pour la retraite flexible.
Face à ces défis, il y a donc urgence à procéder à des adaptations du système de prévoyance vieillesse qui se base sur le principe des «trois piliers», inscrit depuis 1972 dans la Constitution fédérale.
Le premier pilier correspond à la retraite étatique. Il s’agit de l’AVS (assurance vieillesse et survivants), qui vise à couvrir les besoins vitaux au moment de la retraite. Cette assurance obligatoire est financée par les cotisations des assurés, des employeurs et l’Etat. |
Le deuxième pilier est constitué par la prévoyance professionnelle. Ajoutées à l’AVS, ses prestations devraient permettre de conserver une bonne partie de son train de vie après la retraite. Gérée par des caisses de pension et des assurances, la prévoyance professionnelle est obligatoire pour les travailleurs salariés. Comme l’AVS, elle est financée par les contributions des employeurs et des employés. |
Le troisième pilier concerne l’épargne volontaire, destinée à combler les éventuelles lacunes de prévoyance et à satisfaire les désirs individuels. Cette prévoyance facultative – versement volontaires sur un compte bloqué auprès d’une assurance ou d’un banque – bénéficie d’incitations fiscales. |
Au total, en prenant également en compte les revenus d’activités lucratives exercées après l’âge de la retraite, les retraités disposent en Suisse d’un revenu moyen qui équivaut à un peu plus des deux tiers de celui des actifs. Ce revenu se subdivise comme suit:
Sans correction, les deux premiers piliers du système de prévoyance plongeront assez vite dans les chiffres rouges. Selon les scénarios du gouvernement, l’AVS risque d’accumuler une perte de 3 milliards de francs en 2025 et de 7 milliards en 2030. Depuis plus d’une décennie, toutes les tentatives de réforme de la prévoyance étatique et professionnelle ont échoué au Parlement ou ont été repoussées par le peuple.
Pour garantir le financement du système de prévoyance, on dispose fondamentalement de trois options: réduire les prestations, augmenter les cotisations ou augmenter l’âge de la retraite. La question, non résolue depuis des années, est de savoir qui devra en supporter le poids: les assurés, les employeurs, l’Etat, les femmes, les retraités, les actifs?
Deux votes
Le 24 septembre, l’électorat et appelé à voter deux fois sur le projet Prévoyance vieillesse 2020.
Le premier vote concerne le financement supplémentaire de l’AVS via l’augmentation de la TVA. Ce projet doit être obligatoirement soumis au peuple, étant donné que cela nécessite une modification de la Constitution fédérale.
Le second vote concerne la Loi fédérale sur la prévoyance vieillesse 2020. Dans ce cas, on vote parce que les opposants ont recueilli les 50’000 signatures nécessaires à la tenue d’un référendum contre cette loi approuvée en mars par la majorité du Parlement. Le référendum a été lancé par des syndicats et des groupes de gauche.
Si l’un des deux projets est rejeté en votation, c’est toute la réforme qui passe à la trappe.
Pour tenter de répartir le plus possible les sacrifices et de recueillir une majorité, le gouvernement a présenté un projet de réforme globale du système de prévoyance qui, pour la première fois, concerne à la fois le premier et le deuxième pilier. Au Parlement, ce paquet de mesures a été approuvé d’une très courte tête, en mars dernier, par une majorité du centre et de gauche. Voici les points principaux de la réforme:
- L’âge de la retraite (appelé à l’avenir «âge de référence») des femmes est adapté sur celui des hommes et passe donc de 64 à 65 ans, tant pour l’AVS que pour la prévoyance professionnelle. Il est prévu une augmentation graduelle de trois mois par an à partir de 2018. Grâce à cette mesure, l’AVS devrait disposer de quelque 1,3 milliard de francs en plus par an.
- Chaque assuré pourra choisir librement le moment de sa retraite entre 62 et 70 ans (aujourd’hui entre 63 et 70 ans), l’âge de référence étant fixé à 65 ans tant pour les hommes que pour les femmes. Celui qui partira avant cet âge de référence subira une diminution de ses rentes, tandis que celui qui partira plus tard touchera une rente plus importante.
- Le taux de conversion minimal des avoirs accumulés dans la prévoyance professionnelle obligatoire descend de 6,8 à 6%, avec des baisses de 0,2 point par an sur quatre ans. En d’autres termes, celui qui a accumulé 100’000 francs recevra une rente annuelle de 6000 francs au lieu de 6800 actuellement. Cette réduction touche seulement les assurés qui n’auront pas encore atteint 45 ans le 1er janvier 2019. Des mesures compensatoires sont toutefois prévues pour maintenir le niveau de leurs rentes.
- Toujours en ce qui concerne la prévoyance professionnelle, les primes des assurés entre 35 et 54 ans augmentent de 1%. Les primes pour l’AVS augmentent en revanche pour tout le monde de 0,15%.
- Pour compenser ces mesures défavorables, à commence par l’augmentation de l’âge de la retraite pour les femmes, les nouveaux bénéficiaires de l’AVS recevront 70 francs de plus par mois dès 2019. Actuellement, la rente mensuelle minimale est de 1175 francs et la maximale de 2350.
- Les contribution de la Confédération en faveur de l’AVS sont légèrement augmentées. Les caisses de l’assurance seront alimentées dès 2018 avec les 0,3% d’augmentation de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), augmentation actuellement consacrée au financement de l’Assurance invalidité. Par ailleurs, une nouvelle augmentation de 0,3% interviendra en 2021.
Position des partis
La Prévoyance vieillesse 2020 est soutenue par les principales forces politiques du centre et de la gauche – Parti démocrate-chrétien, Parti bourgeois démocratique, Verts libéraux, Parti socialiste et Parti écologiste suisse – pour qui il s’agit d’une réforme équilibrée permettant d’assurer les rentes et de renforcer l’AVS.
En revanche, les partis plus à droite – Union démocratique du centre et Parti libéral-radical – s’y opposent, considérant que le projet est injuste et incapable de résoudre les problèmes de la prévoyance vieillesse. La réforme est aussi combattue par certains syndicalistes et des groupes de gauche, qui rejettent l’augmentation de l’âge de la retraite pour les femmes ainsi que les réductions de rentes.
(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)
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