Les tensions européennes sur l’asile en débat à Davos
L’Union européenne risque d’être déchirée si les pays membres ne parviennent pas à se mettre d’accord sur la gestion de la vague sans précédent de requérants d’asile à laquelle elle fait face, ont souligné des responsables au Forum économique mondial de Davos.
Actuellement, quelque 60 millions de personnes dans le monde ont été obligées de fuir leur domicile en raison d’une guerre, de violences et de persécutions. Le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) indique que près de 20 millions de personnes ont dû trouver refuge dans un autre pays. Près d’un million d’entre elles ont rejoint l’Europe l’année dernière.
Jusqu’ici, l’UE a mille peines à affronter cet afflux: des pays membres remettent en question l’accord de Schengen sur les contrôles aux frontières et introduisent des règles divergentes, ont relevé des intervenants.
Vaste débat en Allemagne
«Aucun autre problème n’a autant divisé et menacé l’Union européenne que la question des réfugiés», a ainsi déclaré le président allemand Joachim Gauck mercredi. Le même jour, l’Autriche annonçait sa volonté de plafonner le nombre de demandes d’asile acceptées cette année, alors que la Macédoine fermait sa frontière avec la Grèce.
L’Allemagne doit par ailleurs affronter un grand débat politique et social sur la question de l’accueil des réfugiés, exacerbé par les agressions à caractère sexuel commises par des étrangers la nuit de la Saint-Silvestre. Une polémique qui a contraint la chancelière Angela Merkel à annuler sa visite au WEF cette année.
Le président Gauck a indiqué que son pays considérait sérieusement la possibilité d’introduire des quotas de réfugiés. Une telle décision, si elle venait à être adoptée, ne devrait pas être vue comme une «réaction irréfléchie, mais une action de gouvernement responsable» répondant aux besoins de sa propre population.
«Une stratégie de limitation peut être nécessaire aussi bien sur le plan moral que politique, afin de préserver la capacité de l’Etat à fonctionner», a affirmé le chef de l’Etat allemand. Il a appelé de ses vœux un renforcement de l’aide européenne dans les pays entourant la Syrie, afin d’y améliorer les conditions d’accueil des réfugiés.
Pays de l’Est pointés du doigt
Les divisions sont aussi apparues lors d’un débat mercredi soir à l’Open Forum, une manifestation ouverte au public dans la station grisonne. Le premier ministre serbe Aleksandar Vucic a défendu l’action de son pays en matière d’accueil des réfugiés. Il s’en est pris dans le même temps à des pays de l’Europe de l’Est, qu’il n’a pas nommés, «qui ne veulent aucun réfugié», les accusant d’être de mauvais citoyens européens.
Il a aussi rejeté l’idée d’un renforcement des contrôles à la frontière avec la Grèce, évoquée par l’Allemagne. «Vous ne pouvez pas protéger les frontières grecques. Tout le monde sait que vous pouvez faire ce que vous voulez en Grèce», a-t-il lancé.
Le Premier ministre suédois Stefan Löfven a convenu que les divisions entre pays membres expliquaient les difficultés dans l’accueil des demandeurs d’asile. «L’UE s’en serait sortie si nous avions tous coopéré», a-t-il admis.
William Lacy Swing, directeur-général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a renchéri: «Accueillir un million de personnes au sein d’une population de 550 millions est gérable. Mais pour cela, vous devez avoir une union qui fonctionne».
En Suisse, l’afflux de requérants d’asile a augmenté, mais pas autant que ne le craignaient certains. Pour le Secrétariat d’Etat aux migrations, il a atteint 39’500 pour l’ensemble de 2015, contre 24’000 environ l’année précédente. Un nombre bien inférieur au record de 47’500 en 1999, lors du conflit en Ex-Yougoslavie.
Traduit de l’anglais par Federico Bragagnini
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