Pour la Suisse, une exposition politique mondiale à court terme
(Keystone-ATS) Le sommet entre présidents américain Joe Biden et russe Vladimir Poutine va mettre Genève et la Suisse au centre du monde pendant quelques jours. La rencontre est aussi utile politiquement pour Berne, même s’il ne faut pas s’attendre à régler des problèmes bilatéraux.
Le conseiller fédéral Ignazio Cassis n’avait pas caché sa volonté d’accueillir le sommet. Un succès diplomatique que Berne ne veut désormais pas mettre trop en avant pour laisser toute la place aux deux délégations. Les autorités genevoises avaient elles rapidement salué une réunion importante pour une Genève internationale en concurrence avec d’autres villes européennes.
Tous les experts insistent sur l’importance pour la Suisse avant tout de garantir un cadre. Mais à terme « cela facilitera l’accès aux grandes puissances », une composante très importante pour un pays qui ne fait pas partie des grandes organisations régionales, a dit à Keystone-ATS le directeur du Centre de politique de sécurité de Genève (GCSP), l’ambassadeur Thomas Greminger.
Selon lui, la rencontre donne aussi « un signal fort » pour la capacité de la Suisse à oeuvrer entre grands Etats, alors qu’elle souhaite devenir membre du Conseil de sécurité de l’ONU dès 2023. Après le sommet de 1985 entre les dirigeants américain Ronald Reagan et soviétique Mikhaïl Gorbatchev, le pays avait « pu capitaliser » sur la rencontre, fait remarquer Walter Fust, alors collaborateur personnel de Kurt Furgler.
L’accès et les contacts du président de la Confédération avaient augmenté dans les années suivantes à l’étranger. Des pays comme la Norvège ou Singapour étaient envieux de la Suisse, selon M. Fust. Il voit aussi dans le sommet Biden-Poutine un possible renforcement du rôle suisse de représentation des intérêts américains en Iran.
Inquiétude sécuritaire
Autre donnée, « le sommet va certainement renforcer Genève comme centre de la gouvernance internationale », dit M. Greminger. Les tensions grandissantes dans le monde étendent la pertinence de cette ville comme un centre sûr pour le dialogue, selon lui. Et toute avancée sécuritaire pourrait avoir des effets positifs sur la Conférence du désarmement (CD) à Genève.
Le GCSP lui-même a été lancé dans les années 90 comme contribution suisse à rassembler chercheurs, diplomates ou militaires de tous les pays autour d’une table. Cette offre suisse avait été pensée au terme de la séquence entamée avec le sommet de 1985 à Genève.
La rencontre entre M. Biden et son homologue russe pourrait être positive pour le GCSP, selon son directeur. Le centre peut constituer une plateforme pour des discussions plus régulières à terme entre personnalités influentes à un niveau intermédiaire.
Le dernier sommet entre un président américain, Donald Trump, et Vladimir Poutine, avait eu lieu en 2018 à Helsinki. Déjà, la décision avait été prise à très court terme. « Il faut préparer en quelques semaines un volume de travail qui pourrait prendre un an », selon une source proche du dossier. Première inquiétude, la menace d’un incident sécuritaire est dans les faits très dépendante des deux pays eux-mêmes.
Trois ans après, les Finlandais expliquent que l’impact publicitaire est très important. En termes d’exposition publique, pas seulement sur la rencontre mais pour le pays tout entier, « vous pourriez dépenser beaucoup d’argent et ne jamais atteindre ce degré », explique la source proche du dossier.
« Pas d’avancées bilatérales » à anticiper
« Genève est un site parfait », estime de son côté le chercheur russe Dimitri Suslov, spécialiste des relations entre son pays et les Etats-Unis. Une visite de Joe Biden à Moscou et ou de Vladimir Poutine à Washington aurait été impossible.
Et Helsinki « serait mauvaise » pour les deux présidents actuels en raison « des conséquences négatives » de la discussion de 2018, selon le chercheur russe. M. Trump avait été accusé aux Etats-Unis d’avoir cédé à Vladimir Poutine et d’avoir désavoué le renseignement américain en pleine conférence de presse.
Les Finlandais estiment que cette situation n’a pas forcément contribué au choix de Genève plutôt qu’Helsinki. M. Biden a pu chercher à montrer une séparation avec M. Trump mais il aurait aussi pu vouloir faire mieux que lui dans la même ville.
L’embellie à court terme s’estompe et il n’en reste pas grand-chose quelques années plus tard. Politiquement, pour la Suisse comme pour la Finlande, une réunion de ce format ancre la politique des bons offices.
Les Finlandais font remarquer que les bilatérales avec chacun des deux acteurs sont très utiles. Surtout si le président connaît déjà ses homologues. Dans le cas de Guy Parmelin, il a plutôt dialogué par téléphone avec le secrétaire d’Etat Antony Blinken en début d’année. Autre composante mentionnée, il ne faut pas non plus s’attendre à régler des problèmes dans les bilatérales avec chacun des deux présidents, tant ceux-ci sont rivés sur leur sommet.