Pourquoi un black-out est improbable en Suisse
La panne qui a plongé la quasi-totalité de l’Italie dans le noir dimanche suscite de nombreuses questions sur son origine.
Au-delà des polémiques sur les causes et les responsabilités, un tel black-out est-il possible en Suisse? En principe non, répondent les spécialistes.
Selon toute probabilité, les spécialistes du réseau électrique suisse estiment qu’un black-out aussi important ne devrait pas arriver en Suisse.
Tout d’abord, la Suisse a diversifié ses sources d’énergie, une moitié hydraulique, l’autre nucléaire. Les autres ressources énergétiques étant négligeables.
«Si une panne se produit, on peut survivre plusieurs heures sans problèmes», affirme Karl Imhof, porte-parole d’ETRANS, le Bureau de coordination du réseau haute tension, créé en 1999 par sept compagnies suisses d’électricité.
«En plus, la force hydraulique est une source d’énergie très souple. En quelques secondes, on peut produire plus de 1000 MW», poursuit-il.
Ce qui, concrètement, permet de compenser une chute de tension sur une ligne qui aurait été endommagée. Il faut en effet pouvoir maintenir très rapidement une tension constante sur tout le réseau, afin de ne pas surcharger un segment du réseau et créer un court-circuit.
C’est ce qui s’est produit en Italie. La GRTN, société publique chargée de la gestion du réseau, n’a pas réussi à augmenter la puissance pour éviter les coupures en cascade qui ont plongé l’Italie dans le noir.
Autosuffisance relative
Ensuite, la Suisse dépend très peu de l’étranger. Et la part des exportations de courant correspond environ à la moitié de la consommation intérieure, ce qui est un record européen.
«Nous sommes relativement autosuffisants. Contrairement à l’Italie qui importe 6000 MW par heure, soit l’équivalent de la production de 5 à 6 centrales nucléaires», selon Karl Imhof.
«Mais il est évident qu’on ne peut jamais dire jamais, ajoute-t-il. D’ailleurs, nous avons régulièrement des pannes du type de celle qui s’est produite au Lukmanier. C’est-à-dire un arbre qui crée un court-circuit en tombant sur une ligne.»
Toutefois sans conséquences graves. D’ailleurs, l’incident de la nuit de samedi à dimanche ne s’est fait sentir en Suisse que très brièvement et localement dans des régions frontalières. ETRANS en conclut donc que le réseau suisse est stable et bien coordonné.
Situation de monopole
Quelque 900 entreprises électriques assurent l’approvisionnement de la Suisse en courant. Côté production, la Suisse peut compter sur un contingent de près de 2300 centrales, d’importance et de puissance très diverses.
Les trois quarts (72,4%) des entreprises électriques sont publiques. Le peuple a en effet refusé la libéralisation du marché en septembre 2002.
«Et la tâche première de ces entreprises, dans la situation de monopole qui prévaut encore, est la sécurité du réseau d’approvisionnement», assure Sebastian Vogler, porte-parole de BKW FMB Energie Berne, l’un des sept grands distributeurs.
Des zones de réglage cloisonnées
«Le réseau d’approvisionnement électrique est réparti en zones de réglage», explique-t-il encore.
Partout, des transformateurs enregistrent d’éventuelles surtensions. Ils peuvent mener à l’arrêt du courant sur une ligne précise. Ainsi, le déséquilibre constaté – dû par exemple à la foudre ou une chute d’arbre – n’est pas retransmis plus loin.
«Il y a donc des zones cloisonnées au niveau local et, plus largement aussi, au niveau international, précise Sebastian Vogler. Ce sont des îlots électriques ou carrément des lignes qui se coupent automatiquement quand il y a une surtension».
En cas de panne, si un village, par exemple, est approvisionné par un réseau, soit par plusieurs sources, le courant passera par un autre chemin et il n’y aura pas de coupure.
Par contre, un village situé au fond d’une vallée, alimenté par une seule ligne, verra l’électricité coupée.
Chaque opérateur possède un système de surveillance et de régulation du réseau qui fonctionne 24 heures sur 24, avec des monteurs électriciens prêts à partir sur place pour réparer d’éventuelles pannes ou dégâts.
Une surveillance large
Les surveillants observent bien sûr leur propre réseau, mais aussi ce qui se passe à l’extérieur, comme cela a été le cas dans la nuit de samedi à dimanche.
ETRANS, le coordinateur des transporteurs d’énergie, se charge de la coordination des alertes, autant au niveau national qu’international.
Dimanche, les FMB BKW ont senti la baisse de tension au Tessin, sur les deux lignes à très haute tension du Grimsel – celles qui vont vers l’Italie – même si elles n’étaient pas en service à ce moment.
Pour protéger leur zone d’approvisionnement au nord des Alpes et éviter qu’il n’y ait surtension, les FMB BKW ont donc détourné le courant de la ligne et l’ont réinjecté dans le barrage du Grimsel.
«Mais l’essentiel, souligne Sebastian Vogler, est la rapidité de la communication et une bonne coordination entre les opérateurs de réseau.»
La Suisse plaque tournante
Relativement autonome, le pays est également une véritable plaque tournante du commerce d’électricité, de par sa position au centre de l’Europe. Mais aussi de par son histoire et le développement intensif de la force hydraulique dans les Alpes.
Cette position a nécessité la construction de maintes lignes à haute tension pour acheminer le courant à l’intérieur même de la Suisse et vers les pays voisins.
La Suisse possède à elle seule environ 25% de la capacité transfrontalière totale de l’Union pour la coordination du transport en Europe (UCTE), soit 25’000 mégawatt.
Et l’interconnexion entre les lignes suisses et européennes est assurée par plus de 30 lignes à très haute tension.
Sa participation aux flux d’échange de l’UCTE est de plus de 23% (60 TWh/an), alors que sa consommation globale ne représente que 3% de la consommation totale des membres de l’UCTE (58 TWh/an).
En Suisse, il y a donc plus de courant qui transite que de courant consommé.
swissinfo, Anne Rubin
– La Suisse joue un rôle capital dans l’interconnexion du réseau électrique en Europe.
– En Suisse, l’interconnexion est assurée par plus de 30 lignes à très haute tension.
– La Suisse possède environ 25% de la capacité transfrontalière totale de l’Union pour la coordination du transport en Europe (UCTE), soit 25’000 mégawatt.
– C’est ETRANS qui coordone les opérateurs au niveau national et international.
– ETRANS est composé de 7 sociétés électriques, Atel Olten, CKW Luzern, BKW FMB Energie Bern, EGL Laufenburg, EOS Lausanne, EWZ Zürich et NOK Baden.
– Le 22 septembre 2002, le peuple suisse a rejeté le référendum sur la loi sur le marché de l’électricité (LME). Il n’existe pour l’instant aucune base légale pour l’ouverture du marché. Dans ce projet de loi, la maintenance du réseau restait placée sous le monopole de l’Etat.
– Le 25 novembre 2002, les ministres européens de l’Energie sont tombés d’accord pour ouvrir complètement les marchés de l’électricité et du gaz naturel d’ici au 1er juillet 2007.
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