Pékin séduit la République dominicaine et arrache un allié à Taïwan
(Keystone-ATS) La République dominicaine a établi mardi des relations diplomatiques avec la Chine populaire. Pékin a ainsi arraché un allié à Taïwan, qui ne peut compter désormais que sur la reconnaissance de moins d’une vingtaine de pays à la surface du globe.
Le document établissant les relations diplomatiques a été signé solennellement à Pékin par les ministres des affaires étrangères des deux pays. L’accord « apportera d’énormes opportunités au développement de la République dominicaine », s’est félicité le Chinois Wang Yi, évoquant « un nouvel élan des relations entre Chine et Amérique latine ».
« Nous échangerons des ambassadeurs très prochainement », a ajouté son homologue dominicain Miguel Vargas, confirmant l’interruption immédiate de « contacts officiels » entre son pays et Taïwan.
« Une seule Chine »
« La République dominicaine reconnaît qu’il n’y a qu’une seule Chine et que Taïwan est une partie inaliénable du territoire chinois », a précisé à Saint-Domingue le gouvernement du président Danilo Medina. Il s’agit d’un « préalable » imposé par Pékin à tout Etat établissant des relations avec lui.
L’île est gouvernée de façon autonome mais n’a jamais déclaré son indépendance; Pékin la considère comme l’une de ses provinces vouée à retourner dans son giron.
Taipei, regrettant « profondément » la décision de Saint-Domingue, rompt ses relations avec lui ainsi que tous les programmes d’aide et de coopération, a réagi le chef de la diplomatie taïwanaise Joseph Wu.
« Diplomatie du dollar »
Il a dénoncé « la diplomatie du dollar » de Pékin, accusée d’avoir sabordé 77 années d’alliance entre la République dominicaine et le gouvernement taïwanais. « La Chine offre des montants énormes que Taïwan ne peut pas égaler », a-t-il fustigé, accusant la Chine de ne pas tenir ses promesses de développement une fois les relations établies.
La République dominicaine a remercié mardi Taipei pour sa coopération au fil des ans. Mais « l’histoire et la réalité socio-économique nous obligent à changer de cap », s’est justifié le gouvernement dominicain, défendant une décision « extraordinairement positive pour l’avenir du pays ».
C’est un revers pour Taïwan, que seuls 19 Etats reconnaissent encore, dont le Vatican, des nations du Pacifique et d’Amérique latine (Honduras, Guatemala, Nicaragua…), mais aussi d’Afrique (Burkina Faso). Après le Costa Rica en 2007, la Gambie en 2013 et Sao Tomé en 2016, le Panama a été l’an dernier le dernier pays en date à changer de partenaire diplomatique en faveur de Pékin.
Durcissement
L’organe taïwanais des « affaires continentales » a appelé Pékin à « cesser ses actions provocatrices exerçant une pression politique et militaire extrême sur Taïwan ». La Chine a durci son attitude depuis l’arrivée au pouvoir en 2016 à Taipei de la présidente Tsai Ing-wen, dont le parti est connu pour ses positions pro-indépendance.
Avec la République dominicaine, « la Chine avertit Taïwan de ne pas franchir la ligne rouge d’une déclaration d’indépendance », après avoir déjà tenté de l’intimider en intensifiant ses manoeuvres militaires au large de l’île, estime Tang Shao-cheng, de l’Université taïwanaise Chengchi.
Pour Michael Cole, chercheur de l’Université britannique de Nottingham, « Taïwan doit concentrer son énergie sur des relations solides, diversifiées, constructives, avec ses partenaires non officiels ».
Bientôt le Vatican ?
« La République dominicaine rejoint une longue liste de petits Etats parasitaires qui profitaient des largesses taïwanaises et jettent les principes par la fenêtre pour empocher davantage auprès de la Chine. Taïwan n’a plus les moyens de ce jeu-là », insiste-t-il.
Le Vatican pourrait-il être le prochain Etat à virer de bord? La perspective d’un rapprochement entre le Saint-Siège et Pékin s’est récemment renforcée avec l’avancée de négociations sur une procédure de nomination des évêques, prélude à un accord historique. Une hypothèse balayée par Joseph Wu: les liens entre Taïwan et le Vatican « ne sont pas menacés dans l’immédiat », a-t-il martelé.